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plus doucement. Ainfi l'autorité de nt on prétend appuyer la Cenfure, eft détruite par ce partage;

toute la confequence qu'on peut tirer de cette diverfité d'opinions en des Efprits éclairez des mêmes lumieres, c'est qu'ils ont pris la Comedie differemment,& que les uns l'ont confiderée dans fa pureté, lors que les autres l'ont regardée dans fa corruption, & confondue avec tous ces vilains Spectacles qu'on a eu raifon de nommer des fpetacles de turpitude.

Et en effet puis qu'on doit difcourir des chofes, & non pas dès mots,& que la plupart des contrarietez viennent de ne fe pas entendre, & d'envelopper dans un même mot des chofes oppofées, il ne faut qu'ôter le voile de l'équivoque, regarder ce qu'eft la Comedie en foi, pour voir fi elle eft condamnable. On connoîtra, fans doute,que n'étant autre chose qu'un Poëme ingenieux, qui par des leçons agreables reprend les défauts des hommes,on ne sçauroit la cenfurer fans injuftice. Et f nous voulons oüir là-deffüs le témoignage dè l'Antiquité, elle nous dira que fes plus celebres Philofophes ont donné des louanges à la Comedie, eux qui faifoient profeffion d'une fageffefi auftere,& qui crioient fans ceffe aprés les vices de leur fiécle.Elle nous fera voir qu'Ariftote a consacré des veilles auTheatre,& s'eft donné le foin de reduire en préceptes l'art de faire desComedies.Elle nous apprendra que de fes plus grands hommes, &des premiers en dignité, ont fait gloire d'en compofer eux-mêmes; qu'ily en a eu d'autres qui n'ont pas dédaigné de reciter en public celles qu'ils avoient compofées;que la Gréce a fait pour cet Art éclater for eftime,par les prix glorieux Ggg s

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par les fuperbes Théatres dont elle avoulu Thonorer;& que dans Rome enfin ce même Art a receû auffi des bonneurs extraordinaires: Je ne dis pas dans Rome débauchée, & fous la licence des Empereurs; mais dans Rome difciplinée, fous la fageffe des Confuls, & dans le temps de la vigueur de la vertu Romaine.

Favoue qu'il y a eu des temps où la Comedie s'eft corrompue. Et qu'eft-ce que dans le Monde on ne corrompt point tous les jours? Il n'y a chofe fi innocente où les hommes ne puiffent porter du crime;point d'Artfi falutaire, dont ils ne foient capables de renverser les intentions; rien defi bon en foi,qu'ils ne puiffent tourner à de mauvais ufages.LaMedecine eft un Art profitable,& cha sun la revere comme une des plus excellentes chofes que nous ayons; & cependant il y a eu des temps où elle s'eft rendue odieuse, & fouvent on en a fait un Art d'empoifonner les hommes. La Pbilofophie eft un prefent duCiel: Elle nous a été donnée, pour porter nos efprits à la connoiffance d'unDieu,par la contemplation des merveilles de La nature; & pourtant on n'ignore pas que fouvent on l'a détournée de fon emploi, & qu'on l'a occupée publiquement à foûtenir l'impieté. Les hofes même les plus faintes ne font point à couvert de la corruption des hommes,& nous voyons des Scelerats,qui tous les jours abufent de la Pieté,& la font fervir mechamment aux crimes les plus grands:mais on ne laiffe pas pour cela de faire les diftinctions qu'il eft befoin de faire. On n'enveloppe point dans une fauffe conféquence la bonté des chofes que l'on corrompt,avec la malice des corrupteurs. On separe toûjours le mauvais ufa

ufage d'avec l'intention de l'Arts comme on ne savife point de defendre la Medecine,pour avoir. été bannie de Rome;ni laPbilofopbie,pour avoir été condamnée publiquement dans Athenes; on na doit point auffi vouloir interdire la Comedie, pour avoir été cenfurée en de certains temps. Cette cenfure a eu fes raifons, qui ne fubfiftent point ici. Elle eft renfermée dans ce qu'elle a p voir, & nous ne devons point la tirer des bornes qu'elle s'eft données; l'étendre plus loin qu'il ne faut, & lui faire embrasser l'innocent avec le coupable.La Comedie qu'elle a eu dessein d'atta quer,n'eft point du tout la Comedie que nous vou lans défendre.Il fe faut bien garder de confondre celle-là avec celle-ci. Cefont deux Perfonnes de qui les mœurs font tout-à-fait oppofées. Elles n'ont aucun rapport l'une avec l'autre, que la reffem blance du nom;& ce feroit une injuftice épouvan table,que de vouloir condamner Olimpe qui eft femme de bien, parce qu'il y a eu une Olimpe qui a été une débauchée. De femblables Arrêts, fans doute, feroient un grand defordre dans le monde. Il n'y auroit rien par là,qui ne fût condamné: ¿ puis que l'on ne garde point cette rigueur à tant de chofes,dont on abuse tous les jours, on doit bien faire la même grace à la Comedie, & approuver les Pieces de Théatre où l'on verra regner l'in ftruction & l'honnêteté.

Jefcay qu'il y a des Efprits,dont la delicateffe ne peut fouffrir aucune Comedie; qui difent que les plus bonnêtes font les plus dangereufes;que les paffions que l'on y dépeint font d'autant plus touchantes, qu'elles font pleines de verta ; & que ames font attendries par ces fortes de reprefenGgg 6

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tations. Je ne vois pas quel grand crime c'est que de s'attendrir à la veuë d'une paffion honnête;& c'eft un baut étage de vertu, que cette pleine infenfibilité,où ils veulent faire monter nôtre ame. Je doute qu'une fi grande perfection foit dans les forces de la nature humaine; je ne fçay s'il n'eft pas mieux de travailler à rectifier & adoucir les paffions des hommes, que de vouloir les retrancher entierement. Favouë qu'il y a des lieux qu'il vaut mieux frequenter que le Théatre; & fi l'on veut blâmer toutes les chofes qui ne regardent pas directement Dieu, & notre falut, il eft certain que la Comedie en doit être,& je ne trouve point mauvais qu'elle foit condamnée avec le refle: mais fuppofé,comme il est vrai,que les exercices de la Pieté fouffrent des intervalles,& que les hommes ayent befoin de divertiffement, jefoûtiens qu'on ne leur en peut trouver un qui foit plus innocent que la Comedie. Jeme fuis étendu trop loin. Finiffons par un mot d un grand Prince fur la Comedie du Tartuffe.

Huit jours aprés qu'elle eut été défendue, on reprefenta devant la Cour une Piece intitulée, Scaramouche Hermite; le Roi en fortant,dit au grand Prince que je veux dire: Je voudrois bien fçavoir pourquoy les gens qui fe fcandalifent. fi fort de la Comedie de Moliere, ne difent mot de celle de Scaramouche? A quoi le Prince répondit: La raifon de cela, c'eft que la Comedie de Scaramouche joue le Ciel, & la Religion, dont ces Meffieurs-là ne fe foucient point; mais celle de Moliere les jouë eux-mêmes: C'est ce qu'ils ne peuvent souf

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SCENE PREMIERE.

MADAME PERNELLE, & FLIPOTE fa Servante,
ELMIRE, MARIANE, DORINE,
DAMIS, CLEANTE.

M.. PERNELLE.

Llons, Flipote, allons ; que d'eux
je me délivre.
ELMIR E.

Vous marchez d'un telpas, qu'en a
peine à vous fuivre.

M. PERNELLE.

Laiffez, ma Bru, laiffez; ne venez pas plus loin,
Ce font toutes façons, dont je n'ai pas befoin.)
ELMIR E.

De ce que l'on vous doit, envers vous on s'acquite.
Mais, ma Mere, d'où vient que vous fortez fi vite?
M. PERNELLE.

C'est que je ne puis voir tout ce ménage-ci,
Et que de me complaire, on ne prend nul fouci.
Oui, je fors de chez vous fort mal édifiée ;
Dans toutes mes leçons j'y fuis contrariée;
On n'y refpecte rien; chacun y parle haut,
Et c'est, tout justement, la Cour du Roy Petau,
DORIN E..

Si...

M. PER NELLE.

Vous etes, Mamie, une Fille Suivante
Un peu trop forte en gueule, & fort impertinente:
Vous vous inêlez fur tout de dire vôtre avis.

Da

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