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SCENE IV.

CLITANDRE, LUBIN, CLAUDINE.

CLAUDIN E.

Rayment, Monfieur, vous avez pris là un habi

Vle meffager.

CLITANDRE.

Je n'ay pas ofé envoyer de mes gens, mais, ma pauvre Claudine, il faut que je te recompenfe des bons offices que je fçai que tu m'as rendus. Il fonille dans fa poche.

CLAUDINE.

Eh!Monfieur il n'eft pas néceffaire. Non, Movfieur, vous n'avez que faire de vous donner cette peine là, & je vous rends service parce que vous le méritez,& que je me fens au cœur de l'inclination pour vous. CLIT ANDRE.

Je te fuis oblige. Il luy donne de l'argent.

LUBIN.

Puis que nous ferons mariez, donne-moi cela que je le mette avec le mien.

CLAUDINE.

Je te le garde auffi-bien que le baifer.

CLITANDRE.

Dy-moy, as-tu rendu mon billet à ta belle Mal

treffe ?

CLAUDINE.

Oui, elle est allée y répondre.

CLITANDRE.

Mais, Claudine, n'y a-t-il pas moyen què je la

puiffe entretenir?

CLAUDINE.

Oui, venez avec moi, je vous feray parler à elle. CLITAN DRE.

Mais le trouvera-t-elle bon, & n'y a-t-il rien à rifquer?

CLAUDINE.

Non, non, fon mari n'eft pas au logis?& puis, ce n'eft pas lui qu'elle a le plus à ménager, c'eft fon pere & fa mere, & pourvû qu'ils foient prévenus, tout le refte n'eft point à craindre.

CLIT ANDRE.

Je m'abandonne à ta conduite.
LUBIN.

Teftiguenne que j'aurai là une habile femme, elle

a de l'esprit comme quatre.

SCENE

V.

GEORGE DANDIN, LUBIN.

GEORGE DANDIN.

VOicy mon homme de tantôt. Plût au Ciel qu'il pût fe refoudre à vouloir rendre témoignage au pere & à la mere de ce qu'ils ne veulent point croire. LUBIN.

Ah vous voila Monfieur le babillard, à qui j'avois tant recommandé de ne point parler, & qui me l'aviez tant promis. Vous etes donc un caufeur & vous allez redire ce que l'on vous dit en fecret.

Moi!

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Oui. Vous avez été tout rapporter au mari. Et Vous étes caufe qu'il a fait du vacarme. Je fuis bienaife de fçavoir que vous avez de la langue, & cela m'apprendra à ne vous plus rien dire.

GEORGE DANDIN.

Ecoute, mon ami.

LUBIN.

Si vous n'aviez point babillé, je vous aurois conté ce qui fe paffe à cette heure. mais pour vôtre punition vous ne fçaurez rien du tout.

GEORGE DANDIN.

Comment? Qu'est-ce qui se passe ?
LUBIN.

Rien,rien. Voilà ce que c'est d'avoir caufe,vous n'en tâterez plus, & je vous laiffe fur la bonne bouche.

GEORGE DANDIN.

Arrête un peu.

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LUBIN,

Nennin, nennin, vous avez envie de me tirer les vers du nez.

GEORGE DANDIN.

Non, ce n'eft pas cela.

LUBIN.

Eh quelque fat. Je vous vois venir.
GEORGE DANDIN.

C'eft autre chose. Ecoute.

LUBIN.

Point d'affaire. Vous voudriez que je vous diffe que Monfieur le Vicomte vient de donner de l'argent à Claudine, & qu'elle l'a mené chez fa Maltreffe. Mais je ne fuis pas fi bête.

GEORGE DANDIN.

J

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SCENE VI.

GEORGE DANDI N.

E n'ay pû me fervir avec cet innocent de la pensée que j'avois. Mais le nouvel avis qui lui eft échapé, feroit la même chofe, & fi le galant eft chez moi ce feroit pour avoir raifon aux yeux du pere & de la me re, & les convaincre pleinement de l'effronterie de leur fille. Le mal de tout ceci c'eft que je ne fçay comment faire pour profiter d'un tel avis. Si je rentre chez moi, je feray evader le drôle, & quelque chofe que je puiffe voir moi-même de mon deshonneur, je n'en ferai point crû à mon ferment, & l'on me dira que je rêve. Si d'autre part je vay querir beanpere & belle-mere fans être für de trouver chez moi le galant, ce fera la même chofe, & je retomberay dans l'inconvenient de tantôt.Pourrois-je point m'éclaicir doucement s'il y eft encore? Ah Ciel! il n'en faut plus douter, & je viens de l'appercevoir par le trou de la porte. Le fort me donne ici de quoy con

fon

fondre ma partie, & pour achever l'avanture il faic venir à point nommé les juges dont j'avois befoin.

SCENE VII.

MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, GEORGE DANDIN.

GEORGE DANDIN.

ENfin vous ne m'avez pas voulu croire tantôt, & vôtre fille l'a emporté fur moi. Mais j'ay en main de quoi vous faire voir comme elle m'accommode, & Dieu merci mon deshonneur eft fi clair maintenant que vous n'en pourrez plus douter.

Mr. DE SOTENVILLE.

Comment,mon gendre, vous étes encore là-deffus? GEORGE DANDIN.

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Oui j'y fuis,& jamais je n'eûs tant de fujet d'y être.
Me. DE SOTENVILLE.

Vous nous venez encore étourdir la tête?
GEORGE DANDIN.

Oui, Madame, & l'on fait bien pis à la mienne.
Mr. DE SOTENVILLE.
Ne vous laffez-vous point de vous rendre impor-
tun?

GEORGE DANDIN.

Non, mais je me laffe fort d'être pris pour dupe.
Me. DE SOTENVILLE.

Ne voulez-vous point vous défaire de vos pensées extravagantes ?

GEORGE DANDIN.

Non, Madame, mais je voudrois bien me défaire d'une femme qui me deshonore.

Me. DE SOTENVILLE.

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Jour de Dieu, notre gendre, apprenez à parler. Mr. DE SOTENVILLE. Corbleu, cherchez des termes moins offençans que ceux-là.

GEORGE DANDIN. Marchand qui pert, ne peut rire.

Me. DE SOTENVILLE.

Souvenez-vous que vous avez épousé une Demoi

felle

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GEORGE DANDIN.

Je m'en fouviens affez, & ne m'en fouviendrai que trop.

Mr. DE SOTENVILLE.

Si vous vous en fouvenez, fongez donc à parler d'elle avec plus de refpect.

GEORGE DANDIN.

Mais que ne fonge-t-elle plûtôt à me traiter plus honnêtement? Quoy, parce qu'elle eft Demoiselle, il faut qu'elle ait la liberté de me faire ce qui luy plaît; fans que j'ole fouffler.

Mr. DE SOTENVILLE.

Qu'avez. vous donc,& que pouvez-vous dire? N'avez-vous pas vû ce matin qu'elle s'eft deffenduë de connoître celuy dont vous m'étiez venu parler? GEORGE DANDIN.

Oui. Mais vous, que pourrez-vous dire, fi je vous fais voir maintenant que le galant eft avec elle? Me. DE SOTENVILLE.

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Avec elle?

GEORGE DANDIN.
Oui, avec elle, & dans ma maifon.
Mr. DE SOTENVILLE.

Dans votre maison?

GEORGE DANDIN.

Oui. Dans ma propre maison.

Me. DE SOTENVILLE.

Si cela eft, nous ferons pour vous contr'elle.
Mr. DE SOTENVILLE.

Oui. L'honneur de notre famille nous eft plus cher que toute chofe, & fi vous dites vrai, nous la renoncerons pour nôtre fang, & l'abandonnerons cà vôtre colere.

GEORGE DANDIN.

Vous n'avez qu'à me fuivre.

Mc. DE SOTENVILLE.

Gardez de vous tromper.

Mr. DE SOTENVILLE.

N'allez pas faire comme tantôt.

GEORGE DANDIN.

Mon Dieu, vous allez voir. Tenez. Ay-je menti?

SCE

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