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Voilà quelques-unes des vérités que le genre humain doit à la philosophie. Sont-elles moins grandes, moins belles que tout ce que nous ont appris l'astronomie ou la chimie? Sontelles moins dignes d'une noble curiosité? plus étrangères à notre bonheur? Qui pourrait ne pas sentir que notre premier intérêt est de nous connaître nous-mêmes?

On ne sera donc pas surpris qu'une étude, dont l'objet nous touche de si près, ait appelé, dans tous les temps, les méditations d'un grand nombre d'hommes qui se sont dit philosophes ; mais très-peu se sont montrés dignes d'un si beau

nom.

Les uns, dominés par une imagination déréglée, n'ont enfanté que des rêves extravagans; d'autres, attachés à des sectes, n'ont vu la vérité que dans ce qui pouvait les faire triompher; presque tous, abusés par un langage qui leur était devenu familier avant la connaissance des choses, ont cru s'être fait des idées, quand ils n'avaient assemblé que des mots; et quelques

uns,

il faut le dire à la honte de l'esprit humain, ont osé se proclamer sages, et ont été appelés philosophes, quand leur doctrine pervertissait la raison, sapait les fondemens des sociétés,

et enlevait aux malheureux leur dernière espé

rance.

Il est donc nécessaire de faire un choix dans l'étude des philosophes, ou de ceux qu'on appelle ainsi.

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Le principal objet de ces leçons est de vous mettre en état de faire ce choix. Il faudrait que ceux qui les auront suivies avec attention, pussent à l'instant, et d'une manière infaillible, distinguer le bon du mauvais, l'excellent du médiocre; il faudrait, par exemple, qu'en jetant les yeux sur l'Ethique de Spinosa, on éprouvât une répugnance invincible à le suivre dans ses monstrueuses rêveries; comme il faudrait, qu'après avoir lu une page de Pascal, on s'écriât: Voilà l'esprit humain dans toute sa perfection!

C'est ainsi que celui dont le goût littéraire s'est formé par une longue étude des modèles, lit et relit avec amour les vers de Racine, quand le premier hémistiche de Chapelain l'arrête tout coup, et lui ôte le courage de continuer sa

à

lecture

Si j'avais le bonheur de développer, ou d'entretenir, un tel esprit de critique dans une assemblée qui réunit tous les âges et tous les talens, depuis les élèves de l'école normale jusques à

dessavans du premier ordre, peut-être jugeriezvous, Messieurs, que vous n'avez pas entièrement perdu votre temps en fréquentant cette école. Je pourrais aussi penser, à mon tour, que je ne l'ai pas employé d'une manière toutà-fait inutile.

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Du Principe des facultés de l'âme *, et de l'Influence du langage sur nos opinions.

Les observations que je vous ai communiquées sur l'analyse et sur les systèmes, ont un double but: en même temps qu'elles vous faciliteront l'intelligence du système des facultés de l'âme

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* Les facultés de l'âme supposent l'existence de l'âme, comme les propriétés ou les qualités des corps supposent l'existence des corps. Il semble donc, qu'avant de parler des facultés de l'âme, il faudrait avoir établi, par une bonne démonstration, que l'âme existe; mais cette démonstration, tirant sa principale force de la nature des facultés auxquelles nous devons les développemens de l'intelligence, nous avons cru devoir commencer par faire l'étude de ces facultés.

Nous parlerons aussi des corps, comme réellement existans, avant d'avoir prouvé qu'il y a des corps; et je pric qu'on veuille bien renvoyer les difficultés qu'on pourrait proposer, soit contre l'existence de l'âme, soit contre la réalité

dont nous commençons aujourd'hui l'étude elles vous mettront à portée de juger si je me conforme toujours aux préceptes de la méthode. Montrer la règle à ceux que l'on doit diriger, c'est se soumettre à la suivre.

Les facultés, qui d'un être sensible font un être intelligent, moral et raisonnable; les opérations, qui d'une condition purement animale l'élèvent à la dignité d'homme tel est l'objet du cours de philosophie ( pag. 57 ).

:

Et comme ces facultés peuvent être considérées dans leur nature, dans leurs effets et dans

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des corps, au moment où nous traiterons ces deux questions. Qu'on me permette donc de supposer que nous avons un corps qui nous appartient, qu'il y a hors de nous d'autres corps; des animaux, des arbres, une terre, un soleil, etc. : tous les hommes le croient ainsi; tous sont forcés de le croire, les savans comme les ignorans, ceux qui font des livres pour prouver qu'il n'existe pas des corps, comme ceux qui ne savent ni lire, ni écrire.

On me permettra sans doute aussi de supposer, conformément à la croyance des peuples, et à celle des plus grands philosophes que nous avons une âme distincte du corps.

pour

devenir

Ces deux suppositions cesseront de l'être des propositions démontrées, dans la seconde partie de ce

cours.

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