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à la cause qui accélère, ou qui retarde le plus, nos progrès dans l'étude des sciences.

Comme il ne tient qu'à nous, de mettre plusieurs idées dans un seul mot, et plusieurs mots ainsi chargés d'idées dans un autre mot, et plusieurs de ces nouveaux mots encore, dans un autre mot, etc.; si nous transportons sur les mots, le travail que nous faisions sur les idées, qu'on juge de l'immense soulagement qu'en recevra l'esprit, et de la facilité qu'il acquerra pour se porter en avant; puisque, n'étant plus obligé de partager son attention de mille manières différentes, il pourra la concentrer, toute entière, sur un seul point.

Mais, pour que les progrès soient assurés; il faut qu'en opérant sur des mots, on sache bien qu'on n'opère que sur des mots; et il faut en même temps, que de ces mots, on puisse revenir aux idées qui seules peuvent tout éclairer.

Si, en opérant sur des mots qui ne sont que signes d'autres mots, on croit opérer immédiatement sur des idées, on s'expose, en prenant ainsi les mots pour des choses, à s'égarer au milieu des chimères : et si, de ces mots qui ne sont immédiatement que signes d'autres mots on ne sait pas revenir aux idées, toutes les connaissances seront purement verbales.

Ces réflexions, appellent en foule de nouvelles réflexions; je les réserve pour un autre temps. Il me suffit aujourd'hui, de vous avoir avertis d'une expérience que vous faites tous les jours, que vous faites à chaque moment, et que vous pouviez n'avoir pas remarquée; savoir, que l'esprit opère, tour à tour, sur les idées, et sur les mots.

Les hommes nés avec beaucoup d'imagination opèrent davantage sur les idées, sur les images, sur les réalités. Ceux qui ont pris l'habitude d'un raisonnement exact et sévère, opè rent beaucoup plus, sur les signes que sur les idées, sur les mots que sur les choses. Les uns, dans le travail de leur esprit, dans les combinaisons qu'ils font subir aux élémens de leurs pensées, jouent, s'il est permis de le dire, avec des valeurs réelles; les autres jouent avec les simples signes des valeurs.

On a demandé quelle était, de ces deux qualités de l'esprit, celle qui doit avoir la prééminence, ou d'une imagination qui prodigue les richesses, ou d'une raison qui calcule?

Il valait mieux, peut-être, ne pas faire une question, à laquelle on ne répondra jamais, au gré de tous les esprits.

Le poëte, ravi des beautés incomparables d'Athalie, donnera la palme à Racine.

Le mathématicien dira que rien n'égale les Principes mathématiques de Neuton. Mais qui jugera, entre le mathématicien, et le poëte?

QUATORZIÈME LEÇON.

Des opinions des philosophes sur les facultés de l'âme.

:

La première partie du cours que nous faisons, se trouve toute entière dans le système des facultés de l'âme, que je vous ai présenté à la quatrième leçon. Toutes les autres leçons que vous avez entendues, sont subordonnées à cellelà, et n'en sont, en quelque sorte, que des accessoires. Celles qui l'ont précédée, étaient destinées à la préparer, à en faciliter l'intelligence celles qui l'ont suivie, à la développer de plus en plus. J'ai dû repousser les attaques dirigées contre la doctrine qu'elle contient ; et je me suis attaché, surtout, à vous faire remarquer la manière dont cette doctrine est exposée. Si l'acquisition d'une seule vérité, est un bien inappréciable pour l'homme, quel ne doit pas être le prix d'une méthode, qui le rendrait propre à trouver toutes sortes de vérités? Et quelle méthode peut être mieux adaptée

à l'esprit, que celle qui, faisant sortir les idées les unes des autres, bannit l'arbitraire de nos recherches, et prévient tous les écarts de l'imagination? Quelle autre nous placera mieux sur la ligne des découvertes, que celle qui, nous enseignant d'où viennent les idées que nous n'avions pas, nous fait pressentir en même temps, où peuvent conduire les idées que nous avons ?

Tout ce que nous avons vu jusqu'à ce moment, consiste donc, dans quelques réflexions sur la méthode, sur les définitions qui en font partie, et dans la solution d'une question particulière. J'ai dit ce que c'est qu'un système, et j'ai essayé d'en faire un.

Mais ce système est-il vrai? Est-il l'expression de ce qui est ? Y a-t-il dans notre âme des facultés qui lui appartiennent en propre, et qui soient inhérentes à sa nature? A-t-elle trois moyens de connaître, et n'en a-t-elle que trois? A-t-elle trois moyens de bonheur, et n'en a-telle que trois, en sorte que, si le nombre de ces moyens ou facultés venait à changer, nous ne serions plus ce que nous sommes? L'activité de l'âme s'exerce-t-elle, en effet, de six manièni plus ni moins? Et ces six manières quoique très-distinctes les unes des autres, ne

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