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La parité est exacte; et si vous niez que je connaisse le système des facultés de l'âme j'ai un droit égal de nier que vous connaissiez la montre.

Je pourrais aller plus loin, et prouver, peutêtre, que, s'il y avait disparité, elle serait toute à l'avantage des facultés de l'àme, et que le système en est mieux connu que celui d'une

montre.

Vous savez que dans une montre, tout tient à un ressort; mais vous ignorez en quoi consiste la nature de ce ressort. Vous savez que le mouvement se communique d'une roue à l'autre; mais vous ignorez de quelle manière se fait la communication du mouvement. Ces difficultés ne se trouvent pas dans le système des facultés de l'âme, Car, certainement, je sais mieux ce qui se fait en moi, ou plutôt ce que je fais, quand je donne mon attention, que je ne sais ce qui se passe dans une lame d'acier, quand, après avoir été pliée, elle cherche à reprendre sa première forme. Je sais mieux comment la comparaison est suivie du raisonnement, que je ne sais, comment le mouvement de la boule choquante est suivi du mouvement de la boule choquée.

On dirait qu'il n'y a plus d'idées dans notre

esprit, dès qu'il n'y a plus d'images. C'est un préjugé qui tombera de lui-même, quand nous traiterons de la nature de l'idée. On verra, et déjà l'on peut voir dans ce moment, qu'il n'y a d'idées-images que celles qui sont relatives à la vue et au toucher.

Voilà, les éclaircissemens qu'on m'a demandés, ou du moins voilà quelques éclaircissemens. Peut-être trouverez-vous que le peu que j'ai dit sur les systèmes en général, sur les fausses notions qu'on se fait de la liberté, sur la nature de l'attention, et sur le degré de clarté qu'il nous est permis d'attribuer au système des facultés de l'âme, ajoute quelque chose à ce que nous savions.

HUITIÈME LEÇON.

Objections contre le système que nous avons adopté.

ON

N me propose de nouvelles difficultés à résoudre, des doutes à dissiper, des questions auxquelles il faut répondre.

MM., ce n'est pas moi qui fais le cours, ou du moins je ne le fais pas seul. Vos réflexions devancent les miennes : elles me portent en avant. Quelquefois vous prévenez des choses que je voulais dire; d'autres fois vous m'en suggérez que je n'aurais pas dites. Nos leçons ne peuvent que gagner à ces communications que je dois aimer, puisque vous y mettez quelqu'intérêt.

Nous trouverons encore un avantage dans cette manière de philosopher, celui de varier la forme de nos discussions: un jour, ce sera un discours suivi; une autre fois, ce sera un espèce d'entretien. Platon, Galilée, Mallebranche, et plusieurs autres grands philosophes, ont choisi le dialogue pour exposer leurs idées,

Pourquoi n'imiterions-nous pas, quelquefois, de si beaux exemples?

Les objections qu'on m'a adressées, me venant de divers côtés, ne sont pas très-liées entr'elles, comme on peut le penser; mais toutes se rapportent à quelqu'une des choses que nous avons dites, et que je dois, ou justifier puisqu'on les attaque, ou éclairer par de nouvelles observations, puisqu'on m'en témoigne le désir.

Première objection. Vous composez l'entendement humain de trois facultés; l'attention, la comparaison, le raisonnement; et vous paraissez tenir beaucoup à n'en admettre, ni plus, ni moins. C'est porter les lois de la nécessité dans ce qu'il y a au monde de plus arbitraire. Quel inconvénient y aurait-il, d'un côté, à reconnaître avec tous les métaphysiciens, la réflexion et l'imagination, comme parties intégrantes de l'entendement? et de l'autre, ne serait-il pas mieux, peut-être, et surtout plus simple, de ne pas faire de système, et de tout ramener à la seule attention; puisque, d'après vous-même, toutes les facultés considérées dans leur principe, ne sont que l'attention. On peut donc avoir une idée très-exacte de l'entendement, en lui attribuant plus de trois fa

cultés: on le peut encore, en ne lui en attribuant qu'une seule. Convenez que votre système est vôtre en effet; qu'il n'est pas l'ouvrage de la nature; et qu'il est tout-à-fait arbitraire.

Réponse. Non, il n'est pas arbitraire, ni mien, comme on l'entend.

Un être, qui ne serait susceptible que de la simple attention, et qui manquerait de la faculté de comparer, et de celle de raisonner, n'aurait aucune idée de rapport ; et il lui serait impossible de voir une idée, renfermée dans une autre idée.

Un être, doué de la faculté de donner son attention, et de celle de comparer, mais privé du raisonnement, ne verrait, dans une idée absolue ou relative, que cette même idée, sans jamais en tirer de nouvelles idées. Telle est, ce semble, la condition des animaux. Ils donnent leur attention; ils font quelques comparaisons le raisonnement excède les limites de leur nature.

:

Mais nous qui, des premières idées absolues et relatives, avons fait sortir les arts et les sciences; nous, qui voyons les effets dans les causes, et les causes dans les effets, nous avons, dans notre nature, une faculté d'un ordre supé

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