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essentiellement actifs, ou toujours et essentiellement passifs; et cependant, l'expérience nous apprend le contraire; elle nous dit que nous sommes, tour à tour, passifs et actifs, puisque la cause de nos modifications est tantôt hors de nous, et tantôt en nous.

Relisons le passage : « A la première odeur, >> la capacité de sentir de notre statue est toute » entière à l'impression qui se fait sur son

» organe ».

L'auteur a voulu dire: « A la première >> odeur, la capacité de sentir est toute entière » à cette odeur, à la modification qui lui vient » de l'impression faite sur l'organe, et non » pas à l'impression faite sur l'organe ». Ceci n'est qu'une distraction.

Continuons. « La capacité de sentir est toute » entière à l'impression qui se fait sur l'organe».

Mais une première odeur peut être trèsfaible; elle peut être très-forte. Si l'odeur est à peine sensible, et à peine sentie, comment la capacité de sentir sera-t-elle absorbée toute entière; ou, si la capacité de sentir est toute entière à la plus faible des odeurs, comment pourra-t-elle suffire à une odeur forte?

«La capacité de sentir est toute entière à » l'impression ».

Cette manière de s'exprimer ne laisse-t-elle rien à désirer? et sommes-nous assurés de saisir la pensée de l'auteur? Je n'ignore pas combien il est difficile de représenter, par le langage, un état que nous n'avons jamais connu, puisque nous n'avons jamais été réduits à un sens unique: mais, plus les objets se refusent à une exposition évidente, plus nous devons nous montrer scrupuleux dans le choix des termes. Ne pouvant nous flatter d'obtenir une clarté parfaite, cherchons du moins à éviter toute équivoque.

La capacité de sentir est toute entière à l'impression. Ce mot est indique-t-il que la capacité de sentir,' ou plutôt que l'âme ellemême se porte vers l'impression, qu'elle va au-devant, qu'elle tend vers l'impression? ou bien veut-on dire qu'elle l'éprouve d'une manière toute passive? Dans la première supposition, on a peut-être le droit de donner le nom d'attention à une première odeur; mais alors, comme nous l'avons observé, un état passif est opposé à notre nature. Dans la supposition, au contraire, où un premier état serait purement passif, il me paraît insoutenable de dire qu'il soit attention; et c'est tout confondre que de lui donner ce nom.

Résumant toutes ces critiques, il ne me semble donc pas exact de dire :

1o. Qu'une première sensation dont l'intensité, considérée dans ses causes physiques, peut varier depuis le plus léger ébranlement de la fibre, jusqu'à la convulsion de toute la machine, soit ce même phénomène que nous appelons attention;

2°. Que la capacité de sentir soit toute entière à une première odeur, quel que soit le degré d'énergie ou de faiblesse de cette odeur.

3o. Je ne puis deviner la pensée de l'auteur quand il cherche à déterminer le caractère de la première modification de la statue; puisque cette modification, provenant d'une impression faite sur l'odorat, est nécessairement passive; et que par le nom d'attention qu'il lui donne il la fait, ou semble la faire active.

Et, ce qui ale droit d'étonner plus que tout, c'est que Condillac, voulant montrer l'attention dans le premier exercice de la sensibilité, que partout ailleurs il appelle faculté de sentir, ne la désigne ici que par l'expression toute passive de capacité de sentir.

4°. A ces critiques, ajoutez celles que je viens de faire de son analyse des facultés de l'âme, et jugez vous-mêmes.

Qu'il est aisé, MM., de relever quelques inexactitudes échappées aux plus grands philosophes, et que vous seriez loin de ma pensée, si vous croyiez que je me prévaux d'un tel avantage qui, peut être encore, me sera contesté ! Nous devons tant à l'excellent esprit de Condillac : les découvertes qu'il a faites sont si utiles, si fécondes, que nous ne saurions les étudier avec trop de soin; et, si la critique que je viens de hasarder vous paraît fondée, elle est, elle-même, le fruit d'une longue méditation de ses écrits.

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Objections relatives à l'activité de l'âme et à la nature de l'attention *.

JE

E croyais avoir établi d'une manière évidente que la sensation et l'attention sont deux choses qu'il ne faut pas confondre, puisqu'elles sont, je ne dis pas seulement différentes, mais opposées dans leur nature. On ne se rend pas aux raisonnemens que j'ai faits dans les deux leçons précédentes.

On dit : 1°. que l'âme produit elle-même ses sensations; 2°. qu'elle est dans un état actiflorsqu'elle les éprouve; 3°. on cherche à faire voir que Condillac a dû confondre la sensation et l'attention en un seul et même phénomène ; 4°. on ajoute que l'attention n'est rien, si on veut la distinguer de la sensation; 5o. enfin, on désire que je justifie une proposition que j'ai avancée à la dernière séance; savoir, qu'il

* Les objections auxquelles je réponds dans cette leçon et dans les leçons suivantes, ont toutes été faites par divers auditeurs.

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