Le Corse ne répondit rien à cette apostrophe qui l'eût fait bondir en tout autre temps; il baissa la tête. Il arracha la montre des mains de l'enfant, la brisa en mille pièces, prit son fusil et fit marcher devant lui Fortunato épouvanté. Il le conduisit dans un petit ravin, lui ordonna de s'agenouiller, et après que l'enfant eut terminé ses prières : « Que Dieu te pardonne, dit-il, et il fit feu.» Comme il revenait, il rencontra sa femme en larmes : « Qu'as-tu fait ? lui cria-t-elle. Justice, répondit-il. » (D'après la nouvelle de P. Mérimée.) Voltaire et le coutelier. Voltaire, malgré toute sa politesse, était volontaire et irascible. Désirant avoir un couteau de chasse, Voltaire envoie chercher un marchand qui en vendait. Le marchand arrive, montre ce qu'il a, et demande un louis de vingt-quatre francs d'un superbe couteau. Voltaire, lui, n'en veut donner que dix-huit francs. D'un air entendu, il expose devant le marchand ce que le couteau peut valoir, et lui dit qu'avec l'honnêteté qu'il a sur le visage il ne saurait lui vendre l'objet plus de dix-huit francs. Le commerçant répond qu'il est juste, que le couteau vaut bien ce prix, et qu'il a des enfants à nourrir, qu'il ne peut rien diminuer. « Combien d'enfants, demande Voltaire. Trois garçons et deux filles, répond l'autre. » Voltaire s'engage à marier les filles et à placer les garçons, il continue d'offrir dix-huit francs. L'homme tient bon et refuse. (Vous les ferez parler.) Toute l'éloquence et la séduction de Voltaire sont inutiles : il ne peut avoir raison du marchand. Il cède enfin et, d'un air dépité, jette au nez du vendeur l'écu de six francs qui complétait le louis. MARMONTEL (Mémoires, liv. IV). Faut-il les tuer tous deux ? Un jour, Paul-Louis Courier voyageait en Calabre, pays affreux, plein de précipices, habité par de méchantes gens. Il s'égara ainsi que son compagnon, et fut tout aise de trouver l'hospitalité dans une maison de charbonniers, remplie d'armes comme un arsenal. L'ami de Paul-Louis Courier riait, s'amusait, donnait des détails sur sa fortune, racontait tout ce qu'on voulait, et recommandait surtout sa valise, comme si elle contenait des diamants. Paul-Louis Courier était au désespoir. COURS SUP. EXERS. 12 On les loge dans une soupente où l'on parvenait par une échelle. Courier s'asseoit auprès du feu, bien décidé à veiller; son camarade s'endort. Vers le matin, il entend l'hôte disant à sa femme «Faut-ii les tuer tous deux ?... » A quoi celle-ci répondit oui. Courier fait de tristes réflexions: il est seul, sans armes, un contre douze; son camarade dort épuisé de fatigue, il ne peut s'échapper et il entend le chien qui hurle en bas. Enfin au bout d'un quart d'heure, l'hôte arrive, tenant la lampe d'une main, un grand couteau de l'autre. La femme le suit et avance pieds nus, avec précaution; elle lui dit, tout bas : « Va doucement. » Il monte à l'échelle, et, à la hauteur du lit où dormait l'ami de Courier, il coupe... une tranche d'un jambon suspendu au plafond. Puis il redescend sans bruit. Au petit jour, on réveille les voyageurs, on les fait déjeuner, on leur sert deux chapons, dont il fallait, dit l'hôtesse, emporter l'un et manger l'autre. A ce moment, Courier comprit le sens de ces terribles mots : Faut-il les tuer tous deux? (Lettres de Paul-Louis Courier.) Un fâcheux quiproquo. Suderland, riche banquier de la cour de Russie, du temps de Catherine II, fut un jour arrêté par le chef de police qui, après mille détours (vous les ferez parler), lui avoua qu'il venait d'être chargé par l'Impératrice furieuse de le faire.... empailler! Surprise et terreur de Suderland qui ne s'explique pas cette disgrâce. Il écrit bien vite une lettre suppliante à sa Gracieuse Majesté; mais le chef de police, craignant pour lui-même, va prier le comte de Bruce de remettre ce placet à la souveraine. Le comte très étonné accepte la mission, remet la lettre et voit l'Impératrice éclater de rire à sa lecture. « Mon chien Suderland est mort hier; j'ai chargé mon chef de police de le faire empailler. Comme il semblait hésiter, j'ai cru qu'il était froissé d'une si humble occupation et je me suis mise en colère.... Allez vite rassurer le malheureux banquier! » Ce qui fut fait. LEXIQUE DES NOMS DES PRINCIPAUX AUTEURS CITÉS DANS LES EXERCICES : AMYOT (Jacques) (1513-1593), né à Melun, fut d'abord valet au collège de Navarre il devint précepteur des enfants du roi Henri II, grand aumônier de France, conseiller d'État et évêque d'Auxerre. Ses ouvrages sont des traductions du grec, parmi lesquelles on remarque les OEuvres, complètes de Plutarque. AUBIGNÉ (Agrippa d') (1552-1630), né en Saintonge près de Pons, était zélé calviniste, étudia à Genève sous Théodore de Bèze, et se lia de bonne heure avec le jeune roi de Navarre. Après la mort de Henri IV, il s'éloigna de la cour et composa une Histoire universelle depuis 1550 jusqu'en 1601. Cette histoire ayant été condamnée par le parlement, d'Aubigné se retira à Genève (1620) : c'est là qu'il mourut. On a de lui, outre l'Histoire universelle, l'Histoire secrète de Théodore-Agrippa d'Aubigné par luiméme, les Aventures du baron de Feneste, et la Confession catholique du sieur de Sancy. BAÏF (Antoine de) (1532-1589), né à Venise où son père Lazare de Baïf était ambassadeur de François Ier; tenta d'introduire dans notre langue les vers mesurés des Grecs et des Romains et voulut réformer l'orthographe. BOISSIER (Marie-Louis-Gaston), né à Nîmes en 1823, professeur et littérateur, membre de l'Académie française. On a de lui: Cicéron et ses amis, la Religion romaine d'Auguste aux Antonins, Promenades archéologiques, etc. CLARETIE Arsène-Arnaud dit Jules), né à Limoges en 1840, chroniqueur, romancier et auteur dramatique, membre de l'Académie française en 1889, administrateur de la Comédie-Française depuis 1885. COPPÉE (François), né à Paris en 1842. Membre de l'Académie française. Poète et auteur dramatique, a fait des contes, des poésies nombreuses et des pièces de théâtre : Intimités, le Passant, Fais ce que dois, le Luthier de Crémone, les Humbles, etc. CORNEILLE (Pierre) (1606-1684), na Rouen, fils d'un avocat général; destiné au barreau il se donna au théâtre et fut le véritable fondateur de l'art dramatique en France. Ses plus belles tragédies le Cid, Horace, Cinna, Polyeucte, Rodogune, abondent en vers admirablement frappés, souvent sublimes. On a dit qu'il avait peint les hommes tels qu'ils devraient être. : DUCIS (Jean-François) (1735-1816), poète tragique, né à Versailles, eut le mérite de transporter sur notre scène quelques pièces de Shakespeare, d'Euripide et de Sophocle. Outre ses tragédies, il a composé des Épitres et des Poésies fugitives. FLORIAN (1755-1794), né au château de Florian, dans le Gard. Il occupe après La Fontaine le premier rang parmi les fabulistes français. FRANÇOIS DE SALES (Saint) (1567-1622), né au château de Sales, près d'Annecy, nommé évêque de Genève, résida à Annecy, et fonda l'œuvre de la Visitation qu'il mit sous la direction de Mme de Chantal. Il a laissé des écrits fort estimés: Introduction à la vie dévote, Philothée, etc. GENLIS (Félicité-Stéphanie Ducrest de Saint-Aubin, comtesse de) (17461830), née au château de Champcéry près d'Autun, fut gouvernante des enfants du duc d'Orléans (1782) et a laissé plus de quatre-vingts ouvrages écrits avec naturel et élégance et destinés surtout à l'éducation des enfants: Traité d'éducation, Annales de la vertu, les Veillées du château, Contes moraux, les Petits émigrés, etc. HEREDIA (José-Maria de), né à Cuba en 1848, auteur de sonnets d'un éclatant coloris les Trophées. Membre de l'Académie française depuis 1894. : HUGO (Victor) (1802-1885), né à Besançon. Un des plus grands poètes de notre temps. Il a publié des Odes, les Orientales, les Feuilles d'Automne, les Chants du crépuscule, les Voix intérieures, la Légende des siècles, etc. Toutes ces œuvres se font remarquer par la richesse du coloris, l'abondance des images et par une puissante inspiration. LA FONTAINE (Jean de) (1621-1695), né à Château-Thierry, illustre poète français. Il donna pendant sa longue carrière littéraire des comédies, des ballets, des odes, des chansons, des épigrammes, etc.; mais ses fables immortelles lui ont donné une popularité sans égale dans les lettres françaises; presque toutes sont des chefsd'œuvre. Comme il apportait dans les choses de la vie une apathie naturelle, quelques contemporains en ont fait un type de naïveté, de simplicité d'esprit fort exagéré. Il montra envers son premier protecteur Fouquet une touchante fidélité, vécut dans l'intimité des grands seigneurs et des femmes les plus célèbres, et fut lié d'une étroite amitié avec les plus grands génies du siècle. LAMARTINE (Alphonse de) (1790-1869), né à Mâcon. A donné à notre poésie un éclat et une harmonie incomparables dans les Méditations poétiques, les Harmonies, Jocelyn, etc. Il a encore écrit plusieurs œuvres remarquables en prose le Voyage en Orient, l'Histoire des Girondins, etc. LAPRADE (Victor de), né à Montbrison en 1812, mort en 1883. Poète lyrique, a publié plusieurs œuvres durables, Pernette, les Symphonies, le Livre d'un père, le Livre des adieux, etc., où dominent le sentiment religieux et l'amour de la nature. MAROT (Clément) (1495-1544), né à Cahors, était fils du poète Jean Marot, valet de chambre de François Ier. Il fut lui-même valet de chambre de Marguerite de Valois, sœur du roi, suivit François Ier dans son expédition d'Italie et fut fait prisonnier avec lui à Pavie. De retour en France, il fut accusé d'hérésie; forcé de fuir, il se retira à Genève, puis à Turin, où il mourut dans l'indigence. Il a laissé des Élégies, des Epitres, des Ballades, des Épigrammes, etc. Ce poète aimable, plein de verve et de malice, résume en lui toutes les qualités de notre vieille poésie. MERIMÉE (Prosper) (1803-1870), né à Paris, écrivain fin et délicat qui a laissé des œuvres généralement courtes mais pleines d'intérêt : le Théâtre de Clara Gazul, la Chronique du règne de Charles IX, le Vase étrusque, la Vénus d'Ille, Mateo Falcone, Colomba, etc. On a aussi de lui divers travaux historiques et archéologiques : Études sur l'histoire romaine, les Faux Démétrius, Mélanges historiques et littéraires; enfin des Lettres à une inconnue, publiées après sa mort. MICHELET (Jules) (1798-1874), né à Paris. Auteur de plusieurs grands ouvrages historiques et de quelques ouvrages descriptifs pleins de sentiment et de poésie : l'Oiseau, l'Insecte, la Mer, etc. PASQUIER (Étienne) (1529-1615), né à Paris, jurisconsulte, plaida (1564) pour l'Université contre les jésuites. Ses principaux ouvrages sont : les Recherches de la France, le Pourparler du prince, des Poésies latines et françaises, des Lettres, etc. RABELAIS (François), né à Chinon en 1483, fut d'abord cordelier, puis bénédictin. Fatigué du joug de la règle monastique, il quitta le froc pour l'habit de prêtre séculier, et se mit à courir le monde. |