Page images
PDF
EPUB

Puis regardant ses petits, elle leur demanda si elle n'était pas presque aussi grosse que le bœuf. Ils répondirent que non. "Qu'en pensez vous à présent?" reprit elle, en s'enflant davantage. "Vous n'en approchez pas." Quoi! pas encore? "M'y voici donc." "Point du tout." La chétive pécore s'enfla tant qu'elle creva.

7.-BONS MOTS, &c.

Un Allemand et un Français se promenant un jour, rencontrèrent dans leur chemin un cochon, dont les cris (oui! oui!) donnèrent occasion à l'Allemand de dire au Français: "Monsieur, voilà un cochon qui parle français." "Vous avez raison," repartit le Français; "mais c'est comme beaucoup d'Allemands: il le prononce mal."

Ce

Un paysan pria un jour son voisin de lui prêter son âne. voisin lui répondit: "Je suis bien fâché que vous ne me l'ayez pas demandé plus tôt; je viens de le prêter au meûnier." Tandis qu'il s'excusait, l'âne se mit à braire. "Ha!" dit le paysan, "écoutez, c'est votre âne qui assure que vous l'avez prêté à quelqu'un: il faut avouer que vous êtes fort obligeant." "Et moi," repartit le voisin, "je vous trouve bien plaisant de croire plutôt mon âne que moi."

PRÉCAUTION.-Diogène demanda une somme assez forte à un dissipateur: "Quoi!" lui dit cet homme, "tu ne demandes aux autres qu'une obole!" "Cela est vrai," répondit Diogène, "mais je ne dois pas espérer que tu puisses me donner plusieurs fois."

me

Un benêt écrivit la lettre suivante à un de ses amis: "Mon cher C———, j'ai oublié ma tabatière en or chez toi; fais-moi le plaisir de la renvoyer par le porteur de ce billet." Au moment de cacheter, il retrouve sa tabatière et ajoute en post-scriptum :-"Je viens de la retrouver, ne prends pas la peine de la chercher." Puis il ferme sa lettre et l'envoie.

Voici une lettre qu'adressa un écolier à son père: "Mon cher papa, je vous écris aujourd'hui, lundi; je donnerai ma lettre au messager, qui partira demain, mardi; il arrivera après-demain, mercredi ; vous m'enverrez, je vous prie, de l'argent, jeudi; si je n'en reçois point vendredi, je pars samedi, pour être chez nous dimanche."

Un aveugle, allant le soir chercher de l'eau à la fontaine, portait une cruche avec une chandelle allumée. "A quoi vous sert votre chandelle, lui dit un passant, puisque vous n'y voyez goutte?—C'est, répondit l'aveugle, pour avertir les étourdis comme toi de ne pas me heurter et de ne point casser ma cruche."

Gluck,* passant dans la rue Saint-Honoré, cassa un carreau de boutique de la valeur de trente sous. Le marchand, n'ayant pas à lui rendre la monnaie du petit écu que lui présentait le musicien, voulut sortir pour aller la chercher. "C'est inutile,” lui dit Gluck; "je vais compléter la somme." Et il cassa un autre carreau.

Voltaire et Piron avaient été passer quelque temps dans un château.

Musicien allemand, né en 1712, mort en 1787.

Un jour Piron écrivit sur la porte de Voltaire, Coquin. Sitôt que Voltaire le vit, il se rendit chez Piron, qui lui dit: "Quel hasard me procure l'avantage de vous voir ?" "Monsieur," lui répondit Voltaire, “j'ai vu votre nom sur ma porte, et je viens vous rendre ma visite."

M. Casimir Bonjour, candidat à l'Académie, se présente un jour pour faire sa visite chez un des Quarante." Une femme de chambre vient lui ouvrir la porte. Votre nom, monsieur? dit-elle. Le candidat répond avec son plus gracieux sourire: Bonjour. Flattée de cette politesse, la jeune fille répond: Bonjour, monsieur; voulez-vous me dire votre nom?-Je vous dis, Bonjour.-Et moi aussi, bonjour, monsieur; qui faut-il que j'annonce?-Eh, Bonjour! c'est mon nom. La camériste comprit alors qu'au lieu de dire: Bonjour, monsieur, il fallait dire: Monsieur Bonjour.

LE SAVANT.-On faisait au célèbre docteur Abou-Joseph, l'un des plus savants musulmans† de son siècle, une question extraordinaire et difficile. Il avoua ingénument son ignorance; et, sur cet aveu, on lui reprocha de recevoir de fort grosses sommes du trésor royal, sans cependant être capable de décider les points de droit sur lesquels on le consultait. "Ce n'est point une merveille," répondit-il; "je reçois du trésor à proportion de ce que je sais; mais si je recevais à proportion de ce que j'ignore, toutes les richesses du califat ne suffiraient pas pour me payer."

[ocr errors]

66

DÉSINTÉRESSEMENT.-Un sage Arabe avait dissipé ses biens au service d'un calife; ce monarque, plongé dans les délices, lui dit ironiquement: "Connais-tu quelqu'un qui fasse profession d'un plus grand désintéressement que toi ?" Oui, seigneur." "Quel est-il ?" Vous je n'ai sacrifié que ma fortune, vous sacrifiez votre gloire." GRANDEUR.-Tous les Français conservent dans leur mémoire le discours que Henri IV. prononça au commencement de son règne, dans une assemblée des notables convoquée à Rouen. Voici ce discours éternellement mémorable:-"Déjà par la faveur du ciel, par les conseils de mes bons serviteurs, et par l'épée de ma brave noblesse, j'ai tiré cet état de la servitude et de la ruine qui le menaçaient. Je veux lui rendre sa force et sa splendeur. Participez à cette seconde gloire, comme vous avez partagé la première. Je ne vous ai point appelés, comme faisaient mes prédécesseurs, pour vous obliger d'approuver aveuglément mes volontés, mais pour recevoir vos conseils, pour les croire, pour les suivre, pour me mettre en tutelle entre vos C'est une envie qui ne prend guère aux rois, aux victorieux,

mains.

* In 1635, Cardinal Richelieu, the omnipotent minister of Lewis XIII., constituted a sort of literary tribunal, by creating the French Academy, "to contribute to the ornament, embellishment, and increase of the French language," as the programme of that body expresses. This society, composed of forty members, received the commission of establishing rules for the language, and to make it not only elegant, but also capable of treating upon all arts and sciences. The first edition of the "Dictionary of the French Academy," which was intended to be the depository of all standard French terms, and which has ever since served as the groundwork of all French lexicographic publications, appeared in 1694.-See the author's Sketch of the History of the French Language, p. 14.

Titre que se donnent les Mahométans, et qui signifie pour eux "vrai croyant."-Boiste.

et aux barbes grises; mais l'amour que je porte à mes sujets me rend tout possible et tout honorable."

8.-LE TRÉSOR.

Deux bons paysans allèrent ensemble trouver leur curé ; l'un d'eux lui dit: J'avais un champ qui était tout près des propriétés de mon voisin, que vous voyez ici avec moi; lui, il en avait un, qui était loin de sa maison et près de la mienne; nous en avons fait l'échange. Mais voilà qu'hier, en creusant un fossé dans le terrain que mon voisin m'a cédé, j'ai trouvé un pot plein de pièces d'or; je suis allé le lui porter, parce que je n'avais pas entendu recevoir de lui autre chose que le champ, l'or que j'y avais découvert ne lui appartenait pas moins. Non pas, répondit le voisin, je ne puis considérer ce trésor comme à moi; car ce n'est pas moi qui l'ai enfoui, et j'ai cédé le champ à mon voisin tel que je l'avais acheté. Je n'ai rien à prétendre à ce qu'il a pu y trouver.

Monsieur le curé, dirent-ils ensemble, qui de nous deux a raison ? Le curé répondit:-Vous êtes deux honnêtes gens, et je m'en vais vous mettre d'accord. Ne devez-vous pas marier ensemble le fils de l'un de vous et la fille de l'autre ?-Oui, dirent-ils.-Eh bien! donnez aux jeunes mariés cet argent, et ne vous inquiétez pas de savoir lequel de vous deux avait raison. Ce qui fut dit fut fait.

9.-LE CLOU.

Paul sella son cheval pour aller porter au propriétaire de la ferme qu'il occupait le prix de son loyer. Au moment de monter à cheval, il vit qu'il manquait un clou à l'un des fers:-Ce n'est pas la peine de le remettre, se dit-il, faute d'un clou mon cheval ne restera pas

en route.

A une lieue de chez lui, Paul vit que le cheval avait perdu le fer où il manquait un clou:-Je pourrais bien, dit-il, faire remettre un fer à la forge voisine, mais je perdrais trop de temps; mon cheval arrivera bien à la ville avec trois fers.

Plus tard, le cheval prit une épine et se blessa :-Je pourrais, se dit-il encore, faire soigner ma monture, mais il n'y a plus qu'un quart de lieue d'ici à la ville; elle terminera bien la route comme ça.

Quelques minutes après, le cheval en boitant fit un faux pas, tomba, et Paul se démit l'épaule. On le transporta dans un village près de là, où pendant dix jours il fallut soigner l'homme et le cheval. Il était bien désolé de perdre ainsi son temps et son argent. Il se disait à part lui:-Il n'y a pas de petites négligences; si j'avais mis un clou, mon cheval n'aurait pas perdu son fer; si je lui eusse fait mettre un fer, il ne se serait pas blessé; si je l'eusse fait panser  temps, je ne me serais pas démis l'épaule. Cette leçon me profitera pour l'avenir.

10.-CHARITÉ.

Les boulangers de Lyon vinrent demander à M. Dugas, prévôt des marchands de cette ville, la permission de renchérir leur pain. Lorsqu'ils lui eurent expliqué leurs raisons, ils laissèrent sur la table une bourse de deux cents louis, ne doutant point que cette somme ne plaidât efficacement leur cause. Quelques jours après, ils se présentèrent pour avoir sa réponse. "Messieurs," leur dit le magistrat, "j'ai pesé vos raisons dans la balance de la justice, et je ne les ai pas trouvées de poids. Je n'ai pas jugé qu'il fallût, par une cherté mal fondée, faire souffrir le peuple; au reste, j'ai distribué votre argent aux hôpitaux de cette ville, persuadé que vous n'aviez pas voulu en faire un autre usage. Il m'a paru aussi que, puisque vous êtes en état de faire de telles aumônes, vous ne perdez pas, comme vous le dites, dans votre métier."

11.-L'ÉCOLIER.

Il y avait un enfant tout petit, car s'il avait été plus grand, j'ose croire qu'il eût été plus sage: mais il n'était guère plus haut que cette table. Sa maman l'envoya un jour à l'école. Le temps était fort beau: le soleil brillait sans nuages, et les oiseaux chantaient sur les buissons. Le petit garçon aurait mieux aimé courir dans les champs, que d'aller se renfermer avec ses livres. Il demanda à la jeune fille qui le conduisait, si elle voulait jouer avec lui: mais elle lui répondit: Mon ami, j'ai autre chose à faire que de jouer. Lorsque je vous aurai conduit à l'école, il faudra que j'aille à l'autre bout du village, chercher de la laine à filer pour ma mère; autrement elle resterait sans travailler; et elle n'aurait pas d'argent pour acheter du pain.

Un moment après il vit une abeille qui voltigeait d'une fleur à l'autre. Il dit à la jeune fille: J'aurais bien envie d'aller jouer avec l'abeille. Mais elle lui répondit, que l'abeille avait autre chose à faire que de jouer; qu'elle était occupée à voler de fleur en fleur, pour y ramasser de quoi faire son miel; et l'abeille s'en retourna vers sa ruche.

Alors il vint à passer un chien, dont le corps était couvert de grandes taches rousses. Le petit garçon aurait bien voulu jouer avec lui. Mais un chasseur qui était près de là, se mit à siffler; aussitôt le chien courut vers son maître et le suivit dans les champs. Il ne tarda guère à faire lever une perdrix, que le chasseur tua d'un coup de fusil pour son dîner.

Le petit garçon continua son chemin, et il vit, au pied d'une haie, un petit oiseau, qui sautillait légèrement: Le voilà qui joue tout seul, dit-il, il sera peut-être bien aise que j'aille jouer avec lui.-Oh! pour cela non, répondit la jeune fille, cet oiseau a bien autre chose à faire que de jouer. Il faut qu'il ramasse de tous côtés de la paille, de la laine, et de la mousse, pour construire son nid. En effet, au même

instant, l'oiseau s'envola, tenant à son bec un grand brin de paille, qu'il venait de trouver; et il alla se percher sur un grand arbre, où il avait commencé à bâtir son nid dans le feuillage.

Enfin le petit garçon rencontra un cheval au bord d'une prairie. Il voulut aller jouer avec lui; mais il vint un laboureur qui emmena le cheval, en disant au petit garçon: Mon cheval a bien autre chose à faire que de jouer avec vous, mon enfant. Il faut qu'il vienne m'aider à labourer mes terres, autrement le blé ne pourrait pas y venir, et nous n'aurions pas de pain.

Alors le petit garçon se mit à refléchir, et il se dit bientôt à luimême: Tout ce que je viens de voir a autre chose à faire que de jouer: il faut bien que j'aie aussi à faire quelque chose de mieux. Je vais aller tout droit à l'école, et apprendre mes leçons. Il alla tout droit à l'école, apprit ses leçons à merveille, et reçut les louanges de son maître. Ce n'est pas tout: son papa, qui en fut instruit, lui donna le lendemain un grand cheval de bois, pour le récompenser d'avoir eu tant d'application. Je vous demande à présent si le petit garçon fut bien aise de n'avoir pas perdu son temps à jouer?

12. DIOGENE ET L'ESCLAVE.

Diogène parcourait la ville d'Athènes en plein midi, une lanterne à la main, pour découvrir un homme.

Passant un jour devant le temple de la Charité, il vit aux portes un pontife, et lui cria: "Seigneur, par pitié, accordez-moi quelque aumône, ne fût-ce qu'une obole pour soulager ma vieillesse défaillante."

66

Que ma bénédiction te suffise, ô mon fils!" dit le pontife, et il entra dans le temple de la Charité.

Le philosophe arriva devant une boutique ornée de guirlandes, d'éventails et de vases de pommade. Une jolie femme y faisait des emplettes.

"Vous dépensez pour vos plaisirs, madame, n'aurez-vous pas compassion d'un misérable tourmenté par la faim?"

"— En vérité," dit notre élégante, "ta misère me fait pitié; tiens, mon ami, achète un pain d'orge..." Elle lui jeta un denier, puis elle donna gaiement à la marchande douze pièces d'argent, prix d'un collier pour son chien.

Le cynique s'éloigne en se grattant l'oreille.

Le prince de Salamine passait dans un char magnifique. Diogène court et s'accroche à la portière dorée: "Arrête, fils des dieux, écoute-moi..."

"Va-t'en, rustre," s'écrie le prince, "ou je te fais assommer." Un esclave qui le voit arrache le vieillard de la portière, et en même temps jette deux deniers dans son bonnet.

"O dieux!" s'écrie le sage, "j'ai donc enfin trouvé un homme, et cet homme est un esclave."

Il dit, et éteint sa lanterne.

« PreviousContinue »