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Si vous m'aviez repris dans mes premières fautes, je n'aurais pas fait celles-ci, et je me serais modéré. Mais je n'effacerai pas non plus celle-ci que l'autre : vous l'effacerez bien vous-même si vous voulez. Je n'ai pu m'en empêcher tant je suis en colère contre ceux qui veulent absolument que l'on croie la vérité lorsqu'ils la démontrent, ce que Jésus-Christ n'a pas fait en son humanité créée. C'est une moquerie et c'est ce me semble traiter '...

Je suis bien fâché de la maladie de M. de Laporte 2. Je vous assure que je l'honore de tout mon cœur. Je etc.

Note du P. Guerrier: « Je transcris cette lettre sur l'original écrit de la main de M. Pascal. Le dernier feuillet est perdu. Il y a trois mots que je n'ai pu déchiffrer, et j'ai eu bien de la peine à lire les autres. »

LETTRE A MADAME PERIER 3.

De Rouen, ce samedi dernier janvier 1643.

Ma chère sœur,

Je ne doute pas que vous n'ayez été bien en peine du long temps qu'il y a que vous n'avez reçu de nouvelles de ces quartiers ici. Mais je crois que vous vous serez bien doutés que le Voyage des Élus en a été la cause, comme en effet. Sans cela, je n'aurais pas manqué de vous écrire plus souvent. J'ai à te dire que M." les

'Le reste de la phrase manque dans le MS.

2 M. Laporte, ami de la famille Perier, était médecin à Clermont. Mme Perier en parle avec beaucoup d'estime dans ses lettres inédites. 3 La suscription porte: A Mademoiselle Perier la conseillère, à Clermont. Cette lettre ne contenant que des détails de famille, nous l'avons reportée après les autres, malgré la date. Nous la donnons d'après l'original autographe qu'un savant bibliographe, M. Ant.-Aug. Renouard, a bien voulu nous communiquer ; lui-même le tenait de l'abbé Bossut.

commissaires étant à Gizors, mon père me fit aller faire un tour à Paris où je trouvai une lettre que tu m'écrivais où tu me mandes que tu t'étonnes de ce que je te reproche que tu n'écris pas assez souvent, et où tu me dis que tu écris à Rouen toutes les semaines une fois. Il est bien assuré si cela est, que les lettres se perdent, car je n'en reçois pas toutes les trois semaines une. Étant retournés à Rouen, j'y ai trouvé une lettre de M. Perier qui mande que tu es malade. Il ne mande point si ton mal est dangereux ni si tu te portes mieux; et il s'est passé un ordinaire depuis sans avoir reçu de lettre, tellement que nous en sommes en une peine dont je te prie de nous tirer au plus tôt; mais je crois que la prière que je te fais ici sera inutile, car avant que tu aies reçu cette lettre ici, j'espère que nous aurons reçu lettres ou de toi ou de M. Perier. Le département s'achève, Dieu merci. Si je savais quelque chose de nouveau, je te le ferais savoir. Je suis, ma chère sœur,

Ici ce Post-Scriptum de la main d'Étienne Pascal, le père : « Ma bonne fille m'excusera si je ne lui écris comme je le désirerais, n'y ayant aucun loisir. Car je n'ai jamais été dans l'embarras à la dixième partie de ce que j'y suis à présent. Je ne saurais l'être davantage à moins d'en avoir trop; il y a quatre mois que je (ne) me suis pas couché six fois devant deux heures après minuit.

Je vous avais commencé dernièrement une lettre de raillerie sur le sujet de la vôtre dernière touchant le mariage de monsieur Desjeux, mais je n'ai jamais eu le loisir de l'achever. Pour nouvelles, la fille de monsieur de Paris, maître des comptes, mariée à monsieur de Neufville aussi maître des comptes est décédée, comme aussi la fille de Belair, mariée au petit Lambert. Votre petit a couché céans cette nuit, Il se porte Dieu grâces très-bien. Je suis toujours

Votre bon et excellent ami, PASCAL.

Votre très-humble et très-affectionné

serviteur et frère, PASCAL.

PRIÈRE

POUR DEMANDER A DIEU LE BON USAGE DES MALADIES.

1647 ou 4648.

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L'avertissement qui se trouve en tête de la première édition des Pensées s'exprime ainsi sur cette prière : « L'on a aussi jugé à pro«pos d'ajouter à la fin de ces pensées une prière que M. Pascal «< composa étant encore jeune dans une maladie qu'il eut, et qui a déjà été imprimée deux ou trois fois sur des copies assez peu cor« rectes, parce que ces impressions ont été faites sans la participation << de ceux qui donnent à présent ce recueil au public.

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Ce fragment que Pascal composa étant encore jeune doit être de la fin de 1647 ou du commencement de 1648: à cette époque, Pascal était atteint d'une maladie causée par excès de travail, qui l'obligea de venir consulter les médecins de Paris, et il était dans ses premières ferveurs religieuses.

A défaut du texte manuscrit, qui n'existe plus, nous avons fidèlement reproduit le texte imprimé dans la première édition des Pensées.

P. F.

PRIÈRE

POUR DEMANDER A DIEU LE BON USAGE DES MALADIES.

322 I. Seigneur, dont l'esprit est si bon et si doux en toutes choses, et qui êtes tellement miséricordieux que non-seulement les prospérités, mais les disgrâces mêmes qui arrivent à vos élus sont des effets de votre miséricorde, faites-moi la grâce de n'agir pas en païen dans l'état où votre justice m'a réduit: que comme un vrai chrétien je vous reconnaisse pour mon 323 père et pour mon Dieu, en quelque état que je me trouve, puisque le changement de ma condition n'en apporte pas à la vôtre; que vous êtes toujours le même, quoique je sois sujet au changement, et que vous n'êtes pas moins Dieu quand vous affligez et quand vous punissez, que quand vous consolez et que vous usez d'indulgence.

II. Vous m'aviez donné la santé pour vous servir, et j'en ai fait un usage tout profane. Vous m'envoyez maintenant la maladie pour me corriger; ne permettez pas que j'en use pour vous irriter par mon impatience. J'ai mal usé de ma santé, et vous m'en avez justement puni. Ne souffrez pas que j'use mal de votre punition. Et puisque la corruption de ma nature est telle qu'elle me rend vos faveurs pernicieuses, faites, ô mon Dieu! que votre grâce toute puissante me

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