Sa faute offense ses neveux, Maintenant écoutons la plainte de Théophile dans sa prison; il s'adresse au roi : Après cinq ou six mois d'erreurs, Icy donc comme en un tombeau, De ces lieux voués au malheur, Comme Alcide força la Mort De trois grilles qui sont plus fortes, Malgré sa dernière comparaison de Louis XIII avec Hercule, Théophile estimait peu l'innombrable armée des dieux et demidieux de la fable; aussi trouve-t-on dans ses vers peu d'allusions à la mythologie païenne; il en proscrivait l'emploi et trouvait bon qu'on laissât ces divinités décrépites reposer dans leur vieil Olympe. Un jour, il s'écrie en prenant la plume: Je fausse ma promesse aux vierges du Parnasse ; Il ne traite pas mieux Cupidon, Vénus, les oracles: Ces contes sont fascheux à des esprits hardis Qui sentent autrement qu'on ne faisoit jadis. Il n'est pas jusqu'aux noms affectés, dont les poètes décoraient les objets de leurs passions imaginaires, qu'il n'atteigne de son dédain moqueur : Amarante, Philis, Caliste, Pasithée, Je hais cette moliesse à vos noms affectée; Le plus beau nom du monde est le nom de Marie. En l'oyant proférer, ce beau nom me guérit. Mon sang en est ému, mon âme en est touchée! etc. C'est un véritable phénomène, en un siècle où les littératures de la Grèce et de Rome régnaient en souveraines, qu'un homme d'un goût assez sûr, pour proscrire, comme l'a fait de nos jours M. de Châteaubriand, toute cette friperie mythologique, pour préférer le doux nom de Marie, le plus beau nom du monde, à toutes ces appellations forgées par le pédantisme. Et qu'on se garde d'en conclure que Théophile manquait de sensibilité : loin de là, il aimait à exprimer des sentiments doux, à décrire la nature champê re; mais il voulait, pour modèles, l'homme et la nature elle-même, et non pas les imitations déjà faites ou les imitations d'autrui. Voici un exemple de sa manière : Je cueillerai ces abricots, Ces fraises à couleur de flammes Qui fait ombre à tout le chemin Son odorat et sa couleur. Théophile avait une grande facilité de versification. On en peut citer pour preuve ces vers qu'il improvisa devant une petite statue équestre de Henri IV: Petit cheval, gentil cheval, Doux au monter, doux au descendre, Tu portes bien plus qu'Alexandre. Théophile injustement oublié, eut de son temps des admirateurs qui le mettaient au-dessus de Malherbe. Il fit même école et Mairet, Scudéry, Pradon se faisaient gloire de l'imiter. Ses œuvres ont été imprimées en trois parties: La première contient : 1o Le Traité de l'immortalité de l'âme, ou la Mort de Socrate, traduction libre du Phédon, mélée de prose et de vers; 2o Des Poésies diverses, dont nous avons parlé; 3o Larissia, pièce latine dans le genre de Pétrone, élégamment écrite, mais licencieuse. La seconde partie renferme 1° une Préface apologétique; 2o des Fragments d'une histoire comique, scènes de cabaret, traitées avec vérité, et qui donnent une idée des plaisirs peu délicats auxquels s'adonnaient alors les gens de lettres; le caractère d'un pédant, nommé Sydias, y est tracé d'une manière extrêmement comique; 3o des Poésies diverses; 4° Pyrame et Thisbé, tragédie qui n'est plus aujourd'hui connue que par la critique de Boileau. Le satirique, voulant rapporter un exemple frappant du ridicule d'une pensée froide et puérile, cite ces deux vers prononcés par Thisbé sur le poignard encore sanglant dont Pyrame s'était tué : Ah! voici le poignard qui du sang de son maître Bien que la tragédie de Pyrame, dépourvue de plan et d'intrigue, offre beaucoup de vers de cette force, on y trouve aussi des tirades remarquables par le pathétique et même par la grâce du style. Au reste, il ne faudrait souvent aux vers de Théophile que la plus légère correction pour les rendre parfaits. Aussi a-t-il été imité par une foule de poètes plus célèbres que lui. Le fameux vers de Delille : Il ne voit que la nuit, n'entend que le silence, est une imitation évidente de celui-ci, que Théophile met dans la bouche de Pyrame : On n'oit que le silence, on ne voit rien que l'ombre. La troisième partie comprend toutes les pièces qu'il composa pendant et depuis son procès; telles que la Requête de Théophile au roi (1624); la Maison de Sylvie, recueil des dix odes composées à la louange de la duchesse de Montmorency; enfin trois Apologies dont deux sont en prose française et la troisième en latin. Patrix (Pierre), né à Caen en 1583, d'un père conseiller au bailliage de cette ville, ennuyé du barreau, se livra à son goût pour la poésie. L'agrément de sa conversation, remplie de gaieté, le lia intimement avec Voiture et les autres beaux esprits de son temps. Scarron l'ayant rencontré aux eaux de Bourbonne, ne manqua pas d'en parler dans la description de ceux qui y étaient : Et Patrix, Quoique Normand, homme de prix. La plupart de ses poésies sont très-faibles, à quelques endroits près, qui se font remarquer par un tour facile et par leur naïveté. Peu de jours avant sa mort, il fit ces vers si connus qui se trouvent dans ses Poésies diverses, sous le titre de Madrigal; ce sont ses meilleurs ; Je songeais cette nuit que, de mal consumé, Je suis sur mon fumier comme toi sur le tien. Citons encore le Temple de la Mort de Philippe Habert, l'un des premiers académiciens. Ce poème qui comprend trois cents vers, se distingue par l'harmonie et la verve. On en peut jager par le début vraiment remarquable pour le temps: Sous ces climats glacés où le flambeau du monde |