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Va, meurs sur le sein de Thémire;
Qu'il soit ton trône et ton tombeau :
Jaloux de ton sort, je n'aspire
Qu'au bonheur d'un trépas si beau.

Tu verras quelque jour peut-être
L'asile où tu dois pénétrer;
Un soupir t'y fera renaître,
Si Thémire peut soupirer.

L'Amour aura soin de t'instruire
Du côté que tu dois pencher:
Éclate à ses yeux sans leur nuire ;
Pare son sein sans le cacher.

Si quelque main a l'imprudence
D'y venir troubler ton repos,
Emporte avec toi ma vengeance;
Garde une épine à mes rivaux.

Qu'enfin elle rende les armes (1)
Au dieu qui forma nos liens;
Et qu'en voyant périr tes charmes,
Elle apprenne à jouir des siens.

BERNARD.

(1) Cette dernière strophe ne se trouve dans aucune des éditions

des QEuvres de Bernard.

Vo

LA ROSE.

ous dont la gloire est d'être belle, D'un sexe aimable jeune fleur,

Prenez la rose pour modèle;
Son éclat naît de sa pudeur.

Cet ornement de la nature
Se cache sous un arbrisseau,
Et, pour garder sa beauté pure,
Arme d'épines son berceau.

Riche des présens de l'Aurore, Tant qu'elle fuit le dieu du jour, Moins on la voit, plus on l'honore : La sagesse enflamme l'amour.

Ses grâces, toujours innocentes,
Font mille heureux pour un jaloux :
Elle est le bouquet des amantes,
Et la couronne des époux.

Des jardins la fleur la plus belle,
Des autels le plus doux encens,
La nature a tout mis en elle;
Elle plaît seule à tous les sens.

L'oiseau qui voit naître la rose
La chante au lever du soleil;
L'abeille vole et se repose

Au sein de son bouton vermeil.

Chaque soir l'aile du Zéphire
De la rose apaise les feux,
Et les parfums qu'il y respire
Embaument son souffie amoureux.

Le ruisseau s'arrête ou serpente,
Charmé de la voir sur ses bords;
Cent fois son onde transparente
Effleure et baigne ses trésors.

Mais si, dès qu'elle vient d'éclore,
La main furtive de l'Amour
L'enlève aux caresses de Flore,
Sa beauté ne vivra qu'un jour.

Ah! puissent l'amant qui l'admire,
L'oiseau qui la chante au matin,
Le ruisseau, l'abeille et Zéphire
La retrouver le lendemain!

DELEYRE.

À DÉLIUS,

IMITATION D'HORACE.

A MI, puisqu'une loi fatale
Nous a tous soumis à la mort,
Songe, dans l'un et l'autre sort,
A conserver une âme égale.

Par de longs malheurs combattu,
Des chagrins ne sois point la proie;
Heureux, crains que la folle joie
Ne triomphe de ta vertu.

Que tes jours coulent dans la peine, Ou qu'ils coulent dans les plaisirs, Attends sans crainte et sans désirs La fin d'une vie incertaine.

Jouis sagement du loisir
Que l'oubli des Parques te laisse ;
L'âge, la santé, la richesse,
Te donnent les biens à choisir.

Erre dans tes riches prairies,

Où les arbres entrelacés

Offrent aux voyageurs lassés

L'ombre de leurs branches fleuries.

Fréquente ces coteaux rians

Qu'en fuyant lave une onde pure,
Qui, par son paisible murmure,
Endort les soins impatiens.

Porte dans un réduit champêtre,
Avec des parfums et du vin,
Ces fleurs que produit le matin,
le soir voit disparaître.

Et

que

Bientôt tu laisseras aux tiens
Tes palais, ton vaste domaine;
Et tes biens, accrus avec peine,
Bientôt ne seront plus tes biens.

Tout meurt, jeune ou vieux, il n'importe ;
Pauvre, riche, illustre, ou sans nom,

Chez l'impitoyable Pluton

Le temps rapide nous emporte.

Du monarque du sombre bord
Tout ce qui vit sent la puissance,
Et l'instant de notre naissance
Fut pour nous un arrêt de mort.

LA MOTTE.

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