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Alors, des travaux d'Alcide
J'essaye à chanter le cours...
Eh bien ! la lyre perfide
Chantait encor les amours.

Grands héros, foudres de guerre !
Adieu donc, et pour toujours!
Ma lyre, tendre et légère,

Ne chante que les amours.

DE SAINT-VICTOR.

TRADUCTION

· DE LA TROISIÈME ODE D'ANACREON.

L'HEURE Sonnait où Morphée, en silence,

Sur les mortels répand en abondance
Ses doux pavots. De ses voiles la nuit
Enveloppait mon tranquille réduit.

Sans nuls soucis, et le cœur sans tendresse,
J'étais plongé dans un sommeil profond,
Quand à ma porte, écueil de la tristesse,
L'Amour heurta. Qui demande? Il répond:
C'est un enfant égaré, sans asile,

Qui, tout mouillé, ne sait

que

devenir:

Je meurs de froid, hélas! daignez m'ouvrir;
Ne rendez pas ma prière inutile!

Je prends ma lampe et l'allume à l'instant;
J'ouvre ma porte, et je vois un enfant :
Il était nu et tout trempé de pluie;
Il me cachait son arc et son carquois :
Auprès du feu de mon mieux je l'essuie,
Et dans mes mains je réchauffe ses doigts.
Mais aussitôt qu'il eut repris courage:
Voyons, dit-il, si mon arc à l'orage
Et cette corde auront pu résister.
Cruel enfant! devais-je l'assister?

Il tend son arc, et soudain il me blesse ;
Il lance un trait qui me perce le cœur:
Réjouis-toi, dit-il, de mon adresse;
Je t'ai blessé, mais c'est une faveur.

S.***

AUTRE TRADUCTION DE LA MÊME.

J'ÉTAIS couché mollement,
Et, contre mon ordinaire,
Je dormais tranquillement,
Quand un enfant s'en vint faire
A ma porte quelque bruit.
Il pleuvait fort cette nuit :

Le vent, le froid et l'orage
Contre l'enfant faisaient rage.
Ouvrez, dit-il, je suis nu.
Moi, charitable et bon homme,
J'ouvre au pauvre morfondu,

Et m'enquiers comme il se nomme.
Je te le dirai tantôt,

Repartit-il; car il faut
Qu'auparavant je m'essuie.
J'allume aussitôt du feu,
Il regarde si la pluie

N'a point gâté quelque peu
Un arc dont je me méfie.
Je m'approche toutefois,
Et de l'enfant prends les doigts,
Les réchauffe; et dans moi-même
Je dis, Pourquoi craindre tant?
Que peut-il? c'est un enfant :
Ma couardise est extrême
D'avoir eu le moindre effroi;
Que serait-ce si chez moi
J'avais reçu Polyphème?
L'enfant, d'un air enjoué
Ayant un peu secoué

Les pièces de son armure
Et sa blonde chevelure,

Prend un trait, un trait vainqueur,

Qu'il me lance au fond du cœur.

Voilà, dit-il, pour ta peine.
Souviens-toi bien de Clymène,

Et de l'Amour; c'est mon nom.
Ah! je vous connais, lui dis-je,
Ingrat et cruel garçon !
Faut-il que qui vous oblige
Soit traité de la façon!
Amour fit une gambade;
Et le petit scélérat

Me dit: Pauvre camarade!
Mon arc est en bon état,

Mais ton cœur est bien malade.

LA FONTAINE.

L'EMPLOI DE LA VIEILLESSE.

TRADUCTION DE LA XI. ODE D'ANACREON.

Si, voyant mes cheveux de mon front disparaître, J'étais délaissé des plaisirs,

Il ne me resterait qu'à pousser des soupirs;

La douleur, non les ans, m'accablerait peut-être. Les femmes, mon miroir, tout dit que je suis vieux; Mais qu'importe si je l'ignore,

En donnant aux plaisirs les momens précieux

Qui peuvent me rester encore?

S.***

ANACREON

AUX FEMMES QUI LUI REPROCHAIENT SA VIEILLESSE,

ODE XI..

«ANACREON, te voilà vieux,

Belles, répétez-vous sans cesse;
Sur ce miroir jette les yeux,
Il t'avertit de ta vieillesse. >>
C'est le printemps qu'Amour chérit;
Ne croyez pas que je l'ignore;
ais quand Glicère me sourit,
Près d'elle je suis jeune encore.

Si le temps produit sur mon front
De funestes métamorphoses,
Je sais, pour couvrir cet affront,
Cacher mes rides sous des roses :
Oui, jusques à mon dernier jour,
Animé d'un triple délire,
Je veux caresser tour-à-tour

Ma belle, mon verre et ma lyre.

Nymphes, où portez-vous vos pas?
D'un vieillard que pouvez-vous craindre?
Ah! devant lui ne fuyez pas,

Car il ne saurait vous atteindre.

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