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J'y vole; la pitié me guide,
Son flambeau sacré m'y conduit.
Je perce ces tristes ténèbres,
Je découvre ces lieux funèbres...
O grands! brillez dans vos palais,
Asservissez la terre entière:
Sur le pauvre, dans sa chaumière,
Je vais régner par mes bienfaits.

Viens, je t'offre un bras secourable;
Viens, malgré tes destins jaloux;
Revis, famille déplorable...

Quoi! tu tombes à mes genoux!
Tes yeux, éteints par la tristesse,
Versent des larmes de tendresse
Sur la main qui finit tes maux!
Tu crois voir un dieu tutélaire !
Non, je suis homme; à leur misère
Je viens arracher mes égaux.

Ne crains pas que mon âme altière,
S'armant d'un faste impérieux,
Offense ta pauvreté fière,

Et souille mes dons à tes yeux.
Malheur au bienfaiteur sauvage
Qui veut forcer le libre hommage
Des cœurs que ses dons ont soumis;
Dont les bienfaits sont des entraves;

Qui veut acheter des esclaves,

Et non s'attacher des amis !

Oui, je hais la pitié farouche
D'un grand superbe et dédaigneux:
Oui, le blasphême est dans ma bouche,
Lorsque l'orgueil est dans ses yeux.
Enflé d'une vaine arrogance,
Même en exerçant sa clémence,
Il aime à me faire trembler;
Et, lorsqu'il soutient ma faiblesse,
Son orgueil veut que je connaisse
Que son bras pouvait m'accabler.

Tandis que,

Ainsi nous voyons sur nos têtes
Ces nuages noirs et brûlans,
Qui portent les feux, les tempêtes
Et les orages dans leurs flancs :
sur nos champs arides,
Ils versent ces torrens rapides,
Qui vont au loin les arroser;
Armés des éclairs du tonnerre,
Même en fertilisant la terre,
Ils menacent de l'embraser.

DELILLE.

Odes.

20

LE PHILOSOPHE DES ALPES.

PRÈS des sources du Rhône et de ces monts énormes,
Qui vont porter l'orgueil de leurs cimes difformes
Dans les hauteurs des cieux,

Avide de jouir, avide de connaître,
Alcidonis goûtait, dans un réduit champêtre,
Des jours délicieux.

Dans la pompe des cours, dans le fracas des villes,
Les plaisirs fastueux et les grandeurs serviles
L'avaient trop occupé;

A la voix de l'erreur il se laissa conduire :
Il avait éprouvé tout ce qui peut séduire;
Il était détrompé.

Une lyre à la main, dans ces vallons paisibles, Vous disait-il un jour : « O monts inaccessibles, » Sommets majestueux !

» Vous, siége des hivers, et trône des tempêtes, » J'aime à vous contempler, à fixer sur vos faîtes » Un œil respectueux.

» Troncs noirs et dépouillés, dont la tige robuste » Etale tout l'honneur d'une vieillesse auguste,

» Vous entendrez mes chants;

» Redites-les, rochers, dans vos profondeurs sombres; >> Bois épais, consacrés par l'horreur de vos ombres, » Ecoutez mes accens.

» Au milieu des cités, loin de ces bords sauvages, » Dans le cercle des lois, des mœurs et des usages, >> Tout homme est resserré.

» Il est couvert d'un masque et flétri sous les chaînes, >> Et soumis aux erreurs d'âmes faibles et vaines

» Dont il est entouré.

» Ah! dans ce lieu désert où l'on pense sans maître, » J'appelle les humains qui des droits de leur être » Sont encore jaloux.

» Alpes, c'est à vos pieds, loin d'un joug méprisable, » Que l'esprit est hardi, fécond, inébranlable,

>> Immense comme vous.

» Je m'élève; je crois être assis sur vos cimes,
» Y juger l'univers, les erreurs et les crimes,
>> Les rois et les destins.

» Sans crainte, sans dédain mon œil les envisage;
» C'est de cette hauteur que les regards du sage
» Tombent sur les humains.

LE PHILOSOPHE DES ALPES.

PRès des sources du Rhône et de ces monts énormes,
Qui vont porter l'orgueil de leurs cimes difformes
Dans les hauteurs des cieux,

Avide de jouir, avide de connaître,
Alcidonis goûtait, dans un réduit champêtre,
Des jours délicieux.

Dans la pompe des cours, dans le fracas des villes,
Les plaisirs fastueux et les grandeurs serviles
L'avaient trop occupé;

A la voix de l'erreur il se laissa conduire :
Il avait éprouvé tout ce qui peut séduire;
Il était détrompé.

Une lyre à la main, dans ces vallons paisibles, Vous disait-il un jour : « O monts inaccessibles, >> Sommets majestueux !

» Vous, siége des hivers, et trône des tempêtes, » J'aime à vous contempler, à fixer sur vos faîtes » Un ceil respectueux.

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