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Mais les amans de l'harmonie,
Immortalisés dans mes vers,
De ma sublime symphonie
Recevront les doctes concerts:
Pour eux le laurier du Permesse
Dans les cieux élève sans cesse
Un front des hivers respecté ;

Et mes vers, tels qu'un trait rapide
Décoché par le bras d'Alcide,

Volent à l'immortalité.

BALZE.

LES POËTES LYRIQUES.

A-T-ON

--T-ON vu l'aigle au vol rapide
Quitter le vaste champ de l'air
Pour raser d'une aile timide

Les bords arides de la mer?
Non plus hardi dans sa carrière,
Jusqu'au séjour de la lumière
Il perce d'un vol assuré;

Et là, devenu plus tranquille,
Il soutient d'un oeil immobile
Les feux dont il est entouré.

Ainsi les poëtes célèbres,

Ainsi les esprits créateurs

Laissent ramper dans les ténèbres

Le peuple orgueilleux des auteurs.
Ennemis des routes connues
Ils volent au-dessus des nues;
Ils s'ouvrent le palais des dieux :
Aussi promptes que la pensée,
Leurs muses, rivales d'Alcée,
Vont se reposer dans les cieux.

Pindare, ce peintre sublime,
Marche sans ordre et sans dessein;
Ce n'est pas l'esprit qui l'anime,
C'est un dieu caché dans son sein:
Aux champs de Mars ce fier Tyrtée
Souffle le feu que Prométhée
Ravit au céleste séjour.

Plus grand encor, le seul Horace
Réunit la force, la grâce,

Et chante Bellone et l'Amour.

Qu'entends-je? les sons de la lyre
Font taire les sistres gaulois;
La raison règle le délire,
Et l'enthousiasme a des lois.
J'aperçois le sage Malherbe
Assis sur le trône superbe

De Stésichore et de Linus :
Quinault, rempli de leur génie,
Accorde aux chants de Polymnie
Le luth de la tendre Vénus.

Rousseau paraît: Thèbes respire
Aux nouveaux accens d'Amphion:
Neptune au fond de son empire
S'émeut à la voix d'Arion :
David renaît; l'Olympe s'ouvre :
Dieu sur un trône se découvre
Au peuple dont il est l'appui.
Que tout s'abaisse et se confonde :
Les cieux, les âges et le monde
S'évanouissent devant lui.

Du maître immortel de la lyre
Tels sont les sublimes portraits :
Qu'il serait grand si la satire
Avait moins aiguisé ses traits;
Si plus souvent la douce ivresse
Du fameux vieillard de la Grèce
Déridait son front sérieux,

Et si la main de la nature
Effaçait l'empreinte trop dure
De ses efforts laborieux !

La Motte a peu senti la flamme

Dont brûlaient ces chantres divers;

Les vains éclairs de l'épigramme
Brillent trop souvent dans ses vers :
Plus philosophe que poëte,

Il touche une lyre muette;
La raison lui parle, il écrit.
On trouve en ses strophes sensées
Moins d'images que de pensées,
Et moins de talent que d'esprit.

Faible disciple de Pindare,
Rival heureux d'Anacréon,
Le Français chérit la guitare
Que Sapho montait pour Phaon.
Souvent la charmante Dione
Répète Thétis, Hésione,
Tancrède, Issé, les Elémens;
Et le dieu de la Poésie

Chante l'hymne de Marthésie
Et les amours des Ottomans,

Fille aimable de la Folie,
La chanson naquit parmi nous;
Souple et légère, elle se plie
Au ton des sages et des fous...
Amoureux de la bagatelle,

Nous quittons la lyre immortelle
Pour le tambourin d'Erato.

Homère est moins lu que Chapelle ;

Odes.

18

Et, si nous admirons Apelle,

Nous aimons Téniers et Vateau.

Heureux qui peut, comme Voltaire,
Chanter les belles et les dieux,
Voler de l'Olympe à Cythère,
De Paphos remonter aux cieux!
Né pour les arts, il les éclaire,
Et, maître du talent de plaire,
Il règne sur tous les esprits :
L'oiseau qui porte le tonnerre
Vient se délasser sur la terre
Avec les cygnes de Cypris.

Ma muse a chanté les Orphées,
Ma plume a décrit leurs travaux.
Un sage, assis sur leurs trophées,
Peut seul instruire leurs rivaux.
Esprit brillant, vaste génie,
Il tient le compas d'Uranie
Et la houlette du berger:
C'est à lui d'ouvrir la barrière,
Et d'aplanir une carrière
Dont l'éclat couvre le danger.

L'empire français et l'Europe,
Dans le tableau le plus touchant,
Offrent aux fils de Calliope
Un sujet digne de leur chant.

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