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Quoi! toujours le Perse indocile
Des arts bravera le berceau !
Que le chantre du grand Achille
Enfante un Achille nouveau !
Tremblez, despotes de l'Asie !
La Grèce par vous envahie
Deux fois dut venger ses revers:
Une autre Ilion est en cendre,
Et par le glaive d'Alexandre
Homère a conquis l'univers.

Ah! loin les horreurs de la guerre !
Loin ces homicides succès !

Muses, pour consoler la terre,
Vous ramenez l'aimable Paix.

C'est vous qui, formant sa couronne
Des lauriers cueillis par Bellone,
Amollissez le roi des dieux :

Vous domptez son aigle indomptable, Et de sa foudre infatigable

Vous éteignez les triples feux.

Qu'ai-je dit? du profond Tartare

Vos chants apaisent le courroux :
Par vous le monde se répare,

Les cités renaissent par vous.

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ce n'est point un prestige,

Un vain et fabuleux prodige

Offert aux crédules humains;
C'est une merveille immortelle
Qui réalise et renouvelle

Le miracle des murs thébains.

Oui, que ce géant implacable,
Par le dieu tonnant opprimé
Sous le poids du mont qui l'accable,
Vomisse un déluge enflammé.
Les Muses, sauvant la Sicile

Des traits de ce monstre indocile,
Vengent la cité d'Hiéron;

Et je vois Enna plus brillante
Sortir de sa lave brûlante

A la voix d'un autre Amphion.

Pindare, ton fécond délire

A créé ces nouveaux remparts:
Quel monarque eût pu, sans ta lyre,
Rassembler ces peuples épars?
Tu transportes par ton ivresse
Les jeux, les pompes de la Grèce
Au pied du mugissant Etna;
Et déjà, dans leur course avide,
Les chars d'Olympe et de l'Élide
Dévorent les palmes d'Enna.

Que désormais l'affreux Typhée
Calme ses foudres souterrains :

Odes.

17

O lyre! sa rage étouffée

Consacre tes sons souverains.
Dès ce jour Cérès, plus facile,
De ses dons couvre la Sicile
Où règne le premier des arts:
Et cet Etna, fléau du monde,
Devient la mamelle féconde
Qui doit nourrir le fils de Mars.

Pour ce bienfait que de guirlandes
Du poëte ornent les autels!
Delphes lui cède ses offrandes ;
Pan redit ses chants immortels.
Les rois, les peuples de la terre,
A son nom calmant le tonnerre,
Honorent sa postérité ;
Et sa demeure protégée,

Dans Thèbes deux fois saccagée,
Me dit: Là, Pindare a resté.

Sur ces triomphes du génie
Mes yeux encore étaient ouverts.
Que ces tableaux, dit Polymnie,
Instruisent par toi l'univers :

Va, cours;

à l'Etna politique

Qui menace ta république

Oppose des sons éloquens,

Et volant sur toutes les bouches,

Dompte les passions farouches,
Plus terribles que les volcans.

Si ta généreuse contrée,
Invincible par mes accords,
De l'Europe en vain conjurée
Repoussa les puissans efforts,
De la Grèce dans ta patrie
Transportant l'image chérie,
Va lui retracer mon pouvoir;
De Pindare imite l'exemple,
Et toi-même un jour dans ce temple
Près de lui tu viendras t'asseoir.

A ces mots, d'un trait olympique
Pindare arme son bras vainqueur,
L'agite, et d'un regard lyrique
Le jette brûlant dans mon cœur.
Soudain à mes yeux tout s'efface;
Je ne vois plus et le Parnasse,
Et Polymnie et son palais :
Assis sur les bords de la Seine,
A cette sœur de l'Hippocrène,
Muses, je redis vos bienfaits.

TH. DESORGues.

LE SUBLIME POÉTIQUE,

A M. L'ABBÉ ARNAULD.

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QU'ARMÉS des foudres de la guerre,

Suivis de soldats indomptés,

Les Césars enchaînent la terre
Sous leurs drapeaux ensanglantés :
Heureux les mortels qu'Uranie,
Dans le palais de l'Harmonie,
Place sur le trône des Arts!
Le temps raffermit leur couronne,
Et dans la nuit qui l'environne
Il plonge celle des Césars.

Mais si les maîtres de la rime
Sont les arbitres des humains,

Un poëte élevé, sublime
Est le roi de ces souverains.
Peignons aujourd'hui son empire,
O toi dont la verve m'inspire;
Arnauld, vole; sois mon soutien ;
De tes feux embrase ma veine;
Dans mon cœur verse l'hippocrène ;
Que mon triomphe soit le tien.

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