UEL revers brisa vos trophées, Nymphes amantes des guerriers? Pour nos héros, pour nos Orphées, Pinde, n'est-il plus de lauriers? Et toi, l'ornement de la Seine, Toi, des cœurs noble souveraine, O lyre! où sont tes doux concerts? Pareil à la voix fugitive Qu'exhale ta corde plaintive, Ton nom s'est perdu dans les airs.
O honte de son trône antique Précipitant le dieu des arts, L'ambitieuse Politique L'exilerait de nos remparts! Peuples, enfans de l'harmonie, Tombez aux pieds de Polymnie; J'entends ses généreux accords : Voyez, voyez ce char qui vole, Et ces coursiers, vainqueurs d'Éole, Qui la ramènent sur nos bords,
O vierge auguste! à mes hommages Ouvre ton temple protecteur:
Que cet hymne, flambeau des âges, S'allume à ton feu créateur!
A ces mots, par un doux sourire Applaudissant à mon délire,
Elle m'invite à ses bienfaits.
Je monte, orgueilleux de mon guide, Et son char d'un élan rapide Franchit le seuil de son palais.
A peine elle se précipite Dans ce labyrinthe enchanté, Tout vit, tout parle, tout s'agite, Tout brûle d'immortalité. O vaste, ô sublime spectacle! Chaque pas d'un nouveau miracle Instruit ma pensée et mes yeux; Que de trésors pour la sagesse ! Quels sons divins partent sans cesse De ces lambris harmonieux !
Dans mille éloquentes peintures Dont ces murs brillans sont couverts, Les passions, par leurs tortures, Annoncent l'empire des vers. Là, l'implacable fanatisme, La licence, le despotisme,
Arrête, importune raison! Je vole, je devance Icare, Dussé-je à quelque mer barbare Laisser mes ailes et mon nom!
Que la colombe d'Amathonte S'épouvante au feu des éclairs; Le noble oiseau qui les affronte Prouve seul qu'il est roi des airs. Je brûle du feu qui l'anime; Jamais un front pusillanime N'a ceint des lauriers immortels; L'audace enfante les trophées. Qu'importe la mort aux Orphées, Si leurs tombeaux sont des autels?
Silence, altières pyramides! Silence, vains efforts de l'art! Les œuvres de ses mains timides N'ont rien d'un généreux hasard. O nature! ta main sublime Dans les airs a jeté la cime De ces Etnas majestueux : L'art pâlit d'en tracer l'image; L'œil étonné te rend hommage Par un effroi respectueux.
C'est de là qu'exhalant son âme Non loin des gouffres de l'enfer,
Contre les feux de Jupiter.
De ses lèvres étincelantes L'incendie aux ailes brûlantes
Fond dans les cieux épouvantés: Ses étincelles vagabondes
Couvrent l'air, la terre et les ondes De leurs foudroyantes clartés.
Vaste Homère! de ton génie Ainsi les foudres allumés, Avec des torrens d'harmonie, Roulent dans tes vers enflammés; Des feux de ta bouillante audace Jaillissent la force et la grâce De tes divins enfantemens, Comme des mers le dieu suprême Vit éclore la beauté même
Du choc de ses flots écumans.
A mes accords l'aigle charmée Ralentit son vol orageux; Et de sa foudre désarmée S'assoupissent les triples feux. Tes chants, divine Poésie ! Parfument encor l'ambroisie
Que verse aux dieux la jeune Hébé:
Ton charme atteint le sombre empire;
Et devant ta puissante lyre
Le triple monstre s'est courbé.
Qu'il aille aux gouffres du Tartare De Typhon subir le destin, Le cœur jaloux, le cœur barbare Qui dédaigne cet art divin;
Ce fils des nymphes de Mémoire Qui de la honte et de la gloire Trace un immortel souvenir, Et, de palmes chargeant sa tête, Se fait une illustre conquête De tous les siècles à venir !
O génie! ô vainqueur des âges! Toi qui sors brillant du tombeau, Sous de mystérieux nuages Souvent tu caches ton berceau ; C'est dans la solitude et l'ombre Que ta gloire muette et sombre Prépare ses jours éclatans. L'œil profane qui vit ta source Ne se doutait pas que ta course Dût franchir la borne des temps.
Tel on voit dans l'empire aride Des fils basanés de Memnon, Le Nil de son berceau liquide S'échapper sans gloire et sans nom :
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