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» O mes fils!...» A ces mots le trouble, les alarmes De sa voix maternelle interrompent le cours. Français, vous l'entendez; c'est la patrie en larmes Qui vous tient ce discours.

Vengez-la; repoussez des nations jalouses;
De vos aïeux du moins défendez le tombeau,
Vos pères, vos foyers, le lit de vos épouses,
Et vos fils au berceau.

Quels sont vos ennemis? Des lâches, des parjures,
Implorant tour à tour et bravant les traités,
Des restes fugitifs de légions obscures,
Par vous-mêmes domptés.

Vous n'eûtes pour vainqueurs ni le fer homicide,
Ni ces piéges de flamme échappée en volcans :
Votre ennemi fatal, c'est ce luxe timide

Corrupteur de vos camps.

C'est cet orgueil jaloux, ces haines intestines
Qui, divisant les chefs, immolent le soldat:
Malheur à qui s'élève en foulant les ruines
Des lois et de l'état!

Sur le vaisseau public il faut veiller sans cesse
Pour triompher des vents, des rochers et des mers:
Un seul moment encor de sommeil ou d'ivresse,

Et ses flancs sont ouverts!

Sachez que nos destins sont enfans de nous-mêmes.
La fortune est un nom; le hasard a des lois,

Et ne fait point, sans nous, flotter les diadêmes
Sur la tête des rois.

Pourquoi de vos malheurs rendre les dieux complices?
Nos revers sont toujours l'ouvrage de nos mains :
Ce qu'on nomme du sort les aveugles caprices
Sont les jeux des humains.

De Crevelt, de Minden si la triste mémoire
Imprimait dans vos cœurs ou la honte ou l'effroi,
Rappelez-vous Lawffeld, rappelez-vous la gloire
Des champs de Fontenoi.

Du

sang de nos rivaux ces plaines sont fumantes; Le soc y vient heurter leurs ossemens épars;

Et l'Escaut roule encor, jusqu'aux mers écumantes, Les casques et les dards.

Les palmes d'Hastembeck, filles de votre audace,
Et Minorque soumise à vos premiers efforts,
Tout devait, dissipant la terreur qui vous glace,
Enflammer vos transports.

Ah! si de vos lauriers la tige s'est fiétrie,
Vrais Achilles, quittez les myrtes de Scyros :
Combattre pour la gloire et venger sa patrie
Est le sort d'un héros.

Plus brûlant que ces feux qui des sombres Ardennes
Embrasent les forêts de sapin en sapin;
Plus fier que l'aquilon précipitant les chênes
Du haut de l'Apennin,

Il vole, il fait briller la flamme vengeresse ;
La terreur le devance, et la mort suit ses coups:
Le fer, le feu, le sang échauffe encor l'ivresse
De son noble courroux.

Dans les plaines de Mars s'il doit trouver sa tombe,
Sa tombe est un autel respectable aux guerriers;
Et couvert de cyprès, heureux vainqueur, il tombe
Sur un lit de lauriers.

Ainsi tomba jadis dans les champs de Ravène,
Entouré d'Espagnols immolés par son bras,
Ce Nemours indompté que Mars suivait à peine
Dans le feu des combats.

Vous eussiez vu la Gloire, en ces momens funestes,
De son voile de pourpre entourant ce héros,
Le porter tout sanglant sur les yoûtes célestes,
Loin des yeux d'Atropos.

Mais celui dont la fuite ose acheter la vie

Revient, les yeux baissés, par de sombres détours;

Il craint tous les regards : la

peur,

l'ignominie,

Enveloppent ses jours.

C'est l'opprobre éternel des bords qui l'ont vu naître,
Du sein qui l'a nourri, des flancs qui l'ont porté;
D'un père, d'une épouse il se voit méconnaître ;
Ses fils l'ont rejeté.

Vil aux yeux de l'amour, vil aux yeux du courage,
Lui-même il se dédaigne; il respire l'affront;
Le fardeau de la vie est un poids qui l'outrage
Et lui courbe le front.

Soldats! vouez ce glaive aux dangers de la France;
Ne quittez point ce fer de carnage altéré,
Que ce fer n'ait éteint sa soif et sa vengeance
Dans un sang abhorré!

1

S'il vous manque des chefs, du fond des rives sombres Evoquons Luxembourg, ou Turenue, ou Villars : Héros de nos aïeux, marchez, augustes ontbres, Devant nos étendards.

Toujours on vit l'audace enchaîner la fortune;
Faites à la Victoire expier son erreur ;

Dans le sein d'Albion, chez les fils de Neptune,
Renvoyez la terreur.

Tels d'affreux léopards, dans leurs courses sanglantes,
Ravagent de Barca les déserts escarpés;

Mais l'aspect d'un lion, roi des plages brûlantes,
Les a tous dissipés.

Dieux! avec quels transports une épouse, une mère, Vont presser le vainqueur entre leurs bras chéris! Qu'il est beau de couvrir les cheveux blancs d'un père Des lauriers de son fils!

Ce fils verra les siens, un jour dans sa vieillesse,
Autour de lui pressés, suspendus à sa voix,
Eveiller leur audace, enflammer leur jeunesse
Au bruit de ses exploits.

C'est alors que ma lyre, amante du courage,
Consacrant ce mortel par d'immortels accens,
Fera d'un nom si beau retentir d'âge en âge

Tout l'empire des temps.

LE BRUN.

LES PASSIONS.

Q

UEL essaim d'ennemis terribles

Nourris-tu dans ton sein, mortel infortuné ?
Sous quel joug accablant ces tyrans inflexibles
Tiennent-ils ton cœur enchaîné?

Tantôt de ces liens il sent le poids funeste;
Il en gémit, il le déteste;

Il fait pour les briser mille efforts généreux :
Tantôt esclave infàme, et digne de ses peines,

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