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Au moment où je suis venez vous réunir.

Je parcours tous les points de l'immense durée
D'une marche assurée;

J'enchaîne le présent, je lis dans l'avenir.

Le soleil, épuisé dans sa brûlante course,
De ses feux par degrés verra tarir la source,
Et des mondes vieillis les ressorts s'useront.
Ainsi que les rochers qui du haut des montagnes
Roulent dans les campagnes,

Les astres l'un sur l'autre un jour s'écrouleront.

Là de l'éternité commencera l'empire;

Et dans cet océan où tout va se détruire

Le Temps s'engloutira comme un faible ruisseau. Mais mon âme immortelle, aux périls échappée, Ne sera point frappée,

Et des mondes brisés foulera le tombeau.

Des vastes mers, grand Dieu, tu fixas les limites: C'est ainsi que des Temps les bornes sont prescrites. Quel sera ce moment de l'éternelle nuit?

Toi seul tu le connais; tu lui diras d'éclore:

Mais l'univers l'ignore;

Ce n'est qu'en périssant qu'il doit en être instruit.

THOMAS.

LE JUGEMENT DERNIER.

QUEL

UEL spectacle se découvre

A mes timides regards?

La voûte céleste s'ouvre;

Qu'entends-je de toutes parts?

Les vents sifflent; les mers grondent;

Les élémens se confondent

Par des mouvemens divers;

Et, brisant enfin leur digue,

Font une funeste ligue
Pour détruire l'univers !

Le père du jour expire;
L'horreur, le trouble et la nuit
Etablissent leur empire,

La lune sanglante fuit,

Les feux du ciel se consument,
Et des feux nouveaux s'allument,
Dont la lugubre clarté

Est le terrible présage

De cet instant qui partage
Le temps et l'éternité,

Un son égal au tonnerre

Anime l'airain fatal

Qui donne à toute la terre
Le redoutable signal.

A cette voix menaçante,
La mort même, obéissante,
Ouvre son avare sein;

Et je vois, par tout le monde,
D'une poussière féconde
Renaître le genre humain.

Parmi cet immense nombre
D'hommes tremblans, éperdus,
Règne une tristesse sombre;
Tous les rangs sont confondus.
Déchus de leurs avantages,
Les rois, les héros, les sages
Reconnaissent aujourd'hui
Qu'esclaves d'un même maître,
Au moment qu'il veut paraître
Tout s'éclipse devant lui.

Pour annoncer sa venue,
Le ciel s'embrase d'éclairs;
Je l'aperçois sur la nue
Assis au milieu des airs.
La sainteté le couronne,
Sa majesté l'environne,

La foudre part de ses yeux,
Et sur son front la justice
Menace d'un prompt supplice
Les mortels audacieux.

Quels effroyables symptômes
Cause ce nouveau soleil,
En dissipant les fantômes
Produits par un long sommeil !
Saisi d'une peur soudaine,
Le juste se croit à peine
A couvert de son courroux;
Et l'on entend les coupables
Pousser ces cris lamentables:
Montagnes, tombez sur nous !

Un livre affreux se déplie,
Où, par des traits éclatans,
Le doigt du Seigneur publie
L'histoire de tous les temps.
En vain l'heureux artifice
Aurait su peindre le vice
Des couleurs de la vertu;
La vérité souveraine
Détruit l'apparence vaine
Dont il était revêtu.

Sévère juge et bon père,
Dieu sépare sans retour

«

Les objets de sa colère

Des objets de son amour:
Son implacable vengeance
Et sa divine clémence
Rendent, par un juste accord,
L'arrêt de mort et de vie,
Qui du saint et de l'impie
Fixe pour jamais le sort.

Il commande, et les abîmes,
A sa parole s'ouvrant,
Engloutissent les victimes
Qu'il livre au feu dévorant;
Et du séjour de la joie,
Lui-même traçant la voie,
Les élus vont triomphans
Jouir du riche héritage
Qu'il a promis pour partage
A ses fidèles enfans.

DUCHÉ.

LE JUGEMENT DERNIER,

ODE EN STANCES IRRÉGULIÈRES.

QUELS biens vous ont produits vos sauvages vertus,

>> Justes? Vous avez dit : Dieu nous protége en père ; >> Et, partout opprimés, vous rampez abattus

>> Sous les pieds du méchant, dont l'audace prospère!

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