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O muse! pourquoi passes-tu
Sa plus mémorable vertu
Sous un injurieux silence?
Touche ta lyre encore un peu,

Et lui fais chanter le beau feu

Que le bien du public en ses veines allume.
De son embrasement tu connais la grandeur;
Tu sais que dans ce feu sa force se consume,
Et qu'il n'est plus vivant que par sa seule ardeur.

Par elle son âme est nourrie;
C'est d'elle qu'il tient sa vigueur.
Il vit, mais il vit en langueur
Lorsqu'il voit languir sa patrie :
Comme elle il sent ses déplaisirs;
Il joint ses pleurs à ses soupirs.

Par ses gémissemens il répond à ses plaintes;
S'il vit c'est seulement afin de les guérir :
Il s'offre à recevoir ses mortelles atteintes,
Et, pourvu qu'il la sauve, il consent de périr.

Durant la plus fière tempête

Il abandonne son salut,
Et n'a pour véritable but
Que d'en garantir notre tête:
Avec quelque noire fureur

Que, plein de colère et d'horreur,

Le ciel tonne sur nous, et le sort nous poursuive,
A leurs traits inhumains il s'expose pour nous;
Et, parmi les transports d'une amour excessive,
Il n'est point de tourment qui ne lui semble doux.

Dans sa conduite juste et sainte

Il demeure en tranquillité,
Et son repos n'est agité

Ni d'espérance ni de crainte ;
Les menaces ni le pouvoir

Ne l'ont su jamais émouvoir,

Et jamais nuls appas n'ont son âme surprise :
L'or
pour lui cesse d'être un métal précieux;

La beauté périssable est un bien qu'il méprise;
Pour l'un il est sans mains, et pour l'autre sans yeux.

Ebloui de clartés si grandes,
Incomparable Richelieu,

Ainsi qu'à notre demi-dieu

Je te viens faire mes offrandes.

L'équitable siècle à venir

Adorera ton souvenir,

Et du siècle présent te nommera l'Alcide ;

Tu serviras un jour d'objet à l'univers,

Aux ministres d'exemple, aux monarques de guide,

De matière à l'histoire, et de sujets aux vers.

CHAPELAIN.

SUR LA NAISSANCE

DU DUC DE BRETAGNE.

DESCENDS de la double colline,
Nymphe dont le fils amoureux
Du sombre époux de Proserpine
Sut fléchir le cœur rigoureux.
Viens servir l'ardeur qui m'inspire,
Déesse; prête-moi ta lyre,
Ou celle de ce Grec vanté,
Dont l'impitoyable Alexandre,
Au milieu de Thèbes en cendre,
Respecta la postérité.

Quel dieu propice nous ramène
L'espoir que nous avions perdu?
Un fils de Thétis ou d'Alcmène
Par le ciel nous est-il rendu ?
N'en doutons point, le ciel sensible

Veut réparer le coup terrible
Qui nous fit verser tant de pleurs.
Hâtez-vous, ô chaste Lucine!
Jamais plus illustre origine

Ne fut digne de vos faveurs.

Peuples, voici le premier gage
Des biens qui vous sont préparés :
Cet enfant est l'heureux présage
Du repos que vous désirez.
Les premiers instans de sa vie
De la discorde et de l'envie
Verront éteindre le flambeau ;
Il renversera leurs trophées;
Et leurs couleuvres étouffées
Seront les jeux de son berceau.

Ainsi durant la nuit obscure
De Vénus l'étoile nous luit,
Favorable et brillant augure
De l'éclat du jour qui la suit.
Ainsi dans le fort des tempêtes
Nous voyons briller sur nos têtes
Ces feux amis des matelots,
Présage de la paix profoude
Que le dieu qui règne sur l'onde
Va rendre à l'empire des flots.

Quel monstre, de carnage avide, S'est emparé de l'univers? Quelle impitoyable Euménide De ses feux infecte les airs?

Quel dieu souffle en tous lieux la guerre, Et semble à dépeupler la terre

Qdes.

5

Exciter nos sanglantes mains?
Mégère, des enfers bannie,
Est-elle aujourd'hui le génie
Qui préside au sort des humains?

Arrête, furie implacable;

Le ciel veut calmer ses rigueurs;
Les feux d'une haine coupable
N'ont que trop embrasé nos cœurs!
Aimable Paix, vierge sacrée,
Descends de la voûte azurée ;.
Viens voir tes temples relevés,
Et ramène au sein de nos villes
Ces dieux bienfaisans et tranquilles
Que nos crimes ont soulevés.

Mais quel souffle divin m'enflamme?
D'où naît cette soudaine horreur?
Un dieu vient échauffer mon âme
D'une prophétique fureur.
Loin d'ici, profane vulgaire !
Apollon m'inspire et m'éclaire :
C'est lui; je le vois, je le sens!
Mon cœur cède à sa violence.
Mortels, respectez sa présence;
Prêtez l'oreille à mes accens.

Les temps prédits par la Sibylle
A leur terme sont parvenus;

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