Né sur le trône, il fut sensible;
Juge, il ressentit la pitié; Souverain, il fut accessible; Monarque, il connut l'amitié. Que sa justice et son courage, Que son nom, béni d'âge en âge, Des siècles perce le chaos; Qu'il soit le modèle du sage, Qu'il soit l'exemple des héros.
Sans avoir le pinceau d'Apelle, Disciple de la vérité, J'ébauche le portrait fidèle Que peindra la postérité.
Grand roi, que la France applaudisse Aux vers de ma muse novice: Il est pour eux un prix plus doux ; Vous pouvez d'un regard propice Les rendre immortels comme vous.
CRUELLE mère des Amours, Toi que j'ai si long-temps servie, Cesse enfin d'agiter ma vie, Et laisse en paix couler mes jours. Ta tyrannie et tes caprices
Font payer trop cher tes délices; C'est trop gémir dans ta prison; Brise les fers qui m'y retiennent, Et permets que mes vœux obtiennent Des fruits tardifs de ma raison.
Déjà m'échappe le bel âge, Qui convient à tes favoris; Et des ans le sensible outrage Me va donner des cheveux gris. Si, pour moi, le dessein de plaire Devient un espoir téméraire, Que puis-je encore désirer?
Quelle erreur de remplir mon âme D'une vive et constante flamme
Que je ne pourrais inspirer!
Lorsqu'on sait unir et confondre En deux cœurs mêmes sentimens, Et que les yeux de deux amans Savent s'entendre et se répondre; Quand on se livre, tout le jour, Aux soins d'un mutuel amour, En quels transports l'âme est ravie ! Dans ces momens délicieux Le mortel porte-t-il envie A la félicité des dieux ?
Mais l'amorce de tes promesses N'a que trop l'art de m'éblouir; Réserve toutes tes caresses A l'heureux âge d'en jouir : Etreins de la plus forte chaîne L'ardent Cléon, la jeune Isinène; Vole où t'appelle leur désir; Fais-les mourir, fais-les revivre, Et que ta faveur les enivre D'un torrent d'amoureux plaisirs.
Pour moi, dans un champêtre asile, Où l'Aroux (1), de ses claires eaux, Baigne le pied de nos coteaux,
Je cherche un bonheur plus tranquille.
(1) Rivière qui baigne Arnay-le-Duc, département de la Côte-d'Or.
Sur des fleurs mollement couché, Avec un esprit détaché
Des biens que le courtisan brigue, Sur moi le père du repos,
Le sommeil, d'une main prodigue, Répandra ses plus doux pavots.
Je verrai quelquefois éclore,
Dans les prés, mille aimables fleurs, Odorantes filles des pleurs
Que verse la naissante Aurore. Je verrai tantôt mes guérets
Dorés par la blonde Cérès;
Dans leur temps, les dons de Pomone Feront plier mes espaliers;
Et mes vignobles, en automne, Empliront mes vastes celliers.
Mais quel trouble et quelles alarmes Viennent me saisir malgré moi? Pourquoi, Céphise, hélas! pourquoi Ne puis-je retenir mes larmes? Dans mon sein je les sens couler; Je rougis: je ne puis parler: Un cruel ennui me dévore.
Ah! Vénus, ton fils est vainqueur. Oui, Céphise, je brûle encore; Tu règnes toujours sur mon cœur !
Sans cesse mon inquiétude,
Malgré les détours que je prends,
Par une fatale habitude,
Guide vers toi mes pas errans. Quand le hasard t'offre à ma vue, Oh! combien mon âme est émue Au moment où je t'aperçois! Et quel plaisir à mon oreille, Lorsque, d'une bouche vermeille, Sort le son touchant de ta voix !
Quelquefois la douceur d'un songe Te rend sensible à mes transports. Charmes secrets, divins trésors, N'êtes-vous alors qu'un mensonge? Une autre fois avec dédain Tu te dérobes sous ma main; J'embrasse une ombre fugitive; Et, te cherchant à mon réveil, Je hais la clarté qui me prive Des vains fantômes du sommeil.
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