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meurt entre ses bras, et Benvenuto Cellini, le célèbre artiste, parle de lui dans ses mémoires avec le plus grand enthousiasme. L'homme d'état fut petit, bien inférieur à ses rivaux, Charles d'Autriche et Henri Tudor; le général fut imprévoyant et souvent malheureux; le roi ne sut pas empêcher les persécutions iniques; l'homme lui-même, fut quelquefois déloyal, mais cependant, de même que le Corpus Juris civilis de Justinien a suffi pour immortaliser cet empereur d'Orient, la protection accordée aux arts, aux sciences et aux lettres rachète bien des fautes du roi de France du XVIe siècle.

Marot et son Ecole.

CHAPITRE II

LA POÉSIE

Au XVe siècle nous avons vu la poésie française arriver à un haut degré de perfection avec Charles d'Orléans et Villon. Tendre et douce chez le prince, énergique et spirituelle, mélancolique parfois, chez le vagabond, il semblerait que la poésie dût continuer à fleurir après ces deux poètes, mais nous ne rencontrons pendant quelque temps que des rhétoriqueurs, des Meschinot, des Cretin, des Molinet, auteurs infimes grandement admirés des contemporains. Un nom important se présente avant celui de Marot, c'est Jean de Belges. Le Maire de Belges. Quoique rhétoriqueur, comme son oncle Molinet, il exerça une grande influence sur Ronsard et Marot. Malgré un étalage d'érudition, et un abus du genre allégorique il est

Le Maire

parfois un poète charmant, et sa prose est aussi poétique. Né dans le Hainaut en 1473 il vécut longtemps à la cour de Marguerite d'Autriche, tante de Charles-Quint, puis fut attiré en France par Louis XII, dont il fut l'historiographe. Ses poèmes, les Épîtres de l'Amant Vert" et son épopée en prose, les "Illustrations des Gaules," se recommandent par la forme.

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Octavien de Saint-Gelais est plutôt connu comme père de Melin que comme poète, et Jean Marot aussi fut éclipsé par son fils Clément. Jean Marot, cependant, mérite d'être connu; il a de l'invention et son style est simple et gracieux.

Jehan de Pontalais, célèbre bateleur, est l'auteur d'une satire remarquable, les "Contredicts de SongeCreux."

Clément Marot, favori de François Ier et de sa sœur Marguerite, nous transporte en pleine Renaissance, à la brillante cour du roi chevalier. Il Clément naquit à Cahors en 1497, puis fut conduit Marot. à Paris par son père pour y compléter son éducation. Il s'engagea d'abord chez un procureur et fut un des clercs de la Basoche. Il fut ensuite présenté à François Ier, qui le mit au service de sa sœur Marguerite. Il suivit, cependant, François en Italie et fut blessé et fait prisonnier à Pavie. De retour en France il fut accusé d'hérésie et emprisonné au Châtelet en 1526. Il a décrit sa prison dans ce charmant poème, "l'Enfer." Le roi le fit mettre en liberté, et touché par une épître du poète, le protégea encore quelque temps après en le libérant de prison une seconde fois. Les persécutions religieuses qui commençaient déjà, et qui étaient l'avant-coureur des terribles guerres

entre huguenots et catholiques, devaient encore atteindre Marot et il fut obligé de s'enfuir de la cour de France. Il se réfugia d'abord chez Marguerite de Navarre, puis chez Renée de Ferrare, cette aimable fille du bon Louis XII. Il passa ensuite à Venise, puis ayant abjuré l'hérésie, il rentra en France en 1536.

Le talent du poète s'était mûri dans le malheur, et de 1536 à 1543 il produit ses rondeaux et ses ballades, poésies gracieuses et fines, ses charmantes épîtres, ses spirituelles et mordantes épigrammes. Nous aimons à nous figurer Marot à côté de Marguerite, lui lisant ses vers amoureux et écoutant ceux de la reine, racontant des contes avec Bonaventure Despériers et jouissant des joyeux récits de l'Heptameron. Marot, pénétré de l'esprit gaulois, crée le style marotique, admire Villon et publie une édition des œuvres du plus grand poète du moyen âge. A la cour de Marguerite, écrivant et lisant avec la reine, il a dû se rappeler Villon à Blois à la cour du vieux Charles d'Orléans, Villon fugitif et menant une vie errante. Tel avait été le sort de Marot, seulement le poète du XVe siècle souffrait de son inconduite, de ses propres erreurs, le poète du XVIe siècle fut victime de l'intolérance de son siècle. Ayant traduit les cinquante premiers Psaumes, à la demande du roi lui-même, les fureurs religieuses se déchaînèrent contre lui de telle sorte que le roi ne le protégea plus, et Marot dut quitter le royaume une seconde fois. Il se retira à Genève, en fut chassé et alla mourir à Turin en 1544.

Marot continua l'œuvre des trouvères, et ses premiers ouvrages, "l'Adolescence Clémentine," son

"Temple de Cupido," nous rappellent Thibaut de Champagne et Charles d'Orléans. A son retour d'exil ses vers ont plus d'énergie, mais, néanmoins, il ne crée pas une nouvelle époque, et n'était la culture latine et grecque qu'on aperçoit en ses œuvres on le croirait à peine de la Renaissance. Outre ses ballades, ses rondeaux, ses épigrammes, ses cimetières, ses épîtres, dont celles au roi sont les plus célèbres, il écrivit l'éloge funèbre de Louise de Savoie, à l'imitation d'une églogue de Virgile, des poèmes appelés blasons, où il fait la description des beautés de sa belle, et des coq-à-l'âne satiriques. Marot est un poète élégant, gracieux, à la langue harmonieuse et correcte, mais quoiqu'il eût des disciples et fût roi de la poésie sous François Ier il n'exerça pas d'influence sur la renaissance poétique. Il est, cependant, un des poètes français les plus populaires, et si l'on excuse la licence trop fréquente de ses vers, défaut de son siècle, on reste longtemps sous le charme des douces et spirituelles paroles du valet de chambre, nous pourrions dire de l'ami de Marguerite.

Marguerite de Navarre.

La sœur de François Ier est un des personnages les plus intéressants de l'histoire de France et nous paraît la fée protectrice des Valois. Elle est bonne, spirituelle, instruite, éclairée, et la première moitié du XVIe siècle garde, grâce à elle et à son influence sur son frère, un reflet de poésie, de loyauté et de bonheur qui va bientôt faire place aux trahisons, aux infamies, des Valois dirigés par Catherine de Médicis. Marguerite est une femme d'un grand cœur et elle devient l'épouse d'un duc d'Alençon qui s'enfuit à Pavie, et plus tard d'un Henri d'Albret

trop inepte pour l'apprécier. Elle cherche alors une consolation dans une affection profonde pour François et dans la culture des lettres. Elle penche vers la religion réformée et donne asile aux persécutés, elle s'entoure de poètes, elle-même écrit des mystères, des farces, des épîtres, des chansons, des complaintes, des poèmes mystiques, et donne à son recueil le titre charmant de "Marguerites de la Marguerite des Princesses."

On voit dans les poésies de la reine de Navarre le sentiment et la finesse; ne sont-ce pas ces deux qualités réunies au plus haut point qui composent le génie de Henri IV? Le petit-fils de Marguerite a hérité de son cœur et de son esprit et a sauvé la France perdue par la Médicis. C'est surtout dans ses contes que se voit l'esprit de Marguerite, dans cet Heptameron aux contes trop libres terminés par de subtiles discussions sur la morale et la galanterie.

Après le nom de Marguerite nous devons citer celui de Louise Labé, de Lyon, dite la belle cordière, qui fut aussi de l'école de Marot, quoiqu'elle écrivît sous Henri II.

Melin de
Saint-

Le plus célèbre des disciples de Marot fut Melin de Saint-Gelais, dont la popularité fut très grande pendant tout le règne de François Ier. Poète de cour gracieux, élégant même, il introduit le sonnet de l'italien dans la littérature française. Il fut, cependant, complètement éclipsé par l'école de Ronsard, et ses gentilles poésies sont tombées dans l'oubli.

Gelais.

En février 1550 parut la "Défense et Illustration de la Langue Française" par Joachim du Bellay, manifeste de la nouvelle école, qui devait avoir sur la

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