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Avec la Révolution commence l'éloquence parlementaire en France, et le plus grand de tous les orateurs français, Mirabeau, fait retentir la Mirabeau et tribune de sa voix puissante. Après lui Vergniaud. on peut nommer l'abbé Maury, Barnave, et Vergniaud, l'éloquent Girondin victime de la Ter

reur.

CHAPITRE VII

LA COMÉDIE

Dès qu'on mentionne le mot comédie tout de suite la figure immortelle de Molière nous apparaît. Il semblerait que cet homme s'élève à une telle hauteur qu'il cache dans son ombre tous ceux qui ont osé écrire après lui dans le genre comique. Tel est presque le cas, et c'est avec difficulté que l'on aperçoit d'autres hommes derrière Molière. Faisons-les approcher un peu, et nous verrons de charmantes physionomies, des figures fines et spirituelles. Ils s'avancent observez leurs manières élégantes polies, leurs brillants costumes, leurs cheveux poudrés, et vous reconnaîtrez les hommes du XVIII siècle.

Regnard.

et

Le premier auteur qui doive nous occuper est Regnard. Quoiqu'il naquît en 1656, il est réellement du dix-huitième siècle par le style de ses écrits, style léger, artificiel même, mais toujours amusant. C'est à peine si nous pouvons reconnaître en Regnard le successeur de Molière, si nous lisons "le Misanthrope" ou "le Tartuffe "; mais nous voyons dans "le Joueur," dans "le Distrait,"

dans "les Ménechmes," la bonne et franche gaieté de "l'Étourdi," des "Fourberies de Scapin," du "Médecin malgré lui."

"Le Joueur" est le chef-d'œuvre de Regnard; la pièce est intéressante depuis le commen

"Le

cement jusqu'à la fin, le dialogue est vif Joueur." et animé, et le vers est bon. Tout le monde connaît l'amusante apostrophe de Valère:

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'Tu peux me faire perdre, ô fortune ennemie !
Mais me faire payer, parbleu, je t'en défie."

I adore sa belle quand il n'a plus le sou, et il s'écrie: "O charmante Angélique!" mais que celle-ci, dans son aveuglement, lui donne son portrait enrichi de diamants, il se hâte de le mettre en gage et il retourne au jeu avec une nouvelle ardeur:

"On le peut voir encor sur le champ de bataille;

Il frappe à droite, à gauche, et d'estoc et de taille;

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Maudissant les hasards d'un combat trop funeste :
De sa bourse expirante il ramassait le reste;

Et, paraissant encor plus grand dans son malheur,
Il vendait cher son sang et sa vie au vainqueur."

Voilà un beau récit d'un combat autour d'un tapis vert. Ne croirait-on pas voir le Cid courant contre les alfanges des Maures, à "l'obscure clarté qui tombe des étoiles," au milieu des horribles mélanges du sang chrétien et du sang païen et faisant les deux rois prisonniers? Hélas! pour Valère, comme pour Rodrigue, "le combat cessa faute de combattants." Lorsque ses derniers écus eurent succombé, il sentit redoubler son amour pour Angélique et il courut se

jeter à ses pieds. Il était arrivé trop tard; Angélique, ayant appris l'histoire du portrait, donne sa main à Dorante, l'oncle de Valère, et celui-ci se retire sans avoir aucune intention de se suicider, car, dit-il à son valet:

"Va, va, consolons-nous, Hector, et quelque jour
Le jeu m'acquittera des pertes de l'amour."

C'est ce même Valère qui s'était aussi écrié:

"La jeunesse toujours eut des droits sur les belles ;
L'amour est un enfant qui badine avec elles."

Cette rapide analyse du "Joueur" suffit pour vous faire voir l'entrain et la gaieté du théâtre de Regnard. Ces mêmes qualités se retrouvent dans "Attendezmoi sous l'Orme," charmante pièce écrite en collaboration avec Dufresny, dans "le Distrait," dont les bévues innombrables nous rappellent celles de l'Étourdi," dans "Démocrite," dans "les Folies Amoureuses," dans "les Ménechmes," dans "le Légataire Universel."

"Les Mé

"Les Ménechmes" est la pièce la plus amusante de Regnard. Elle est imitée de Plaute, et comme "The Comedy of Errors" de Shakespeare, ranechmes." conte les plaisantes méprises que cause la ressemblance extraordinaire de deux frères. Ménechme vient à Paris pour recevoir un héritage et épouser Isabelle. Son frère, le chevalier, qu'il ne connaît pas, arrive aussi à Paris. On lui remet la malle de Ménechme, et il apprend par les papiers de celui-ci quelles sont ses intentions. Le chevalier se hâte d'aller trouver Isabelle et envoie tous ses créanciers à son frère. Le pauvre Ménechme, qui n'avait jamais quitté sa province, est tout étonné de rencon

trer tant de connaissances à Paris et d'avoir tant de dettes qu'on le force à payer. Il se rend enfin chez Isabelle, où il rencontre son frère. La pièce se termine par le mariage du chevalier et d'Isabelle, et de Ménechme et de sa vieille et riche coquette, Araminte.

En parlant de coquettes, voici ce qu'en dit Regnard dans "le Distrait," à propos d'un régiment de femmes:

"Et, si chaque famille armait une coquette,

Cette troupe, je crois, serait bientôt complète."

Terminons notre revue de Regnard par quelques mots sur "les Folies Amoureuses." C'est l'histoire d'une jeune fille qui aime un charmant jeune homme, et qui se fait passer pour Amoureuses." folle pour ne pas épouser son tuteur.

"Les Folies

Elle fait mille extravagances, et comme on doit s'y attendre, elle trompe le bonhomme et épouse celui qu'elle aime.

Regnard mourut en 1710 à son château de Grillon, où il menait la vie la plus heureuse. Les comédiens étaient à ses pieds; bien différente fut la vie du grand Molière. Il jouait pour que ses compagnons ne manquassent pas de pain, et il tombait expirant sur cette scène où avaient parlé ses sublimes créations, Alceste et Tartuffe.

Les comé-
dies de

Quand nous mentionnons le XVIIIe siècle, il semble que le nom de Voltaire se présente tout d'abord à notre esprit, mais malgré le génie de cet homme extraordinaire, son théâtre comique est inférieur à celui d'un grand nombre de ses contemporains. L'auteur de "Zaïre" et

Voltaire.

de "Mérope" vient après Corneille et Racine, mais c'est à peine si nous osons parler de "Nanine après les pièces les moins importantes de Molière. Ce n'était pas l'esprit qui manquait à Voltaire, il en avait tout autant et même plus que Marivaux, mais là où celui-ci écrivait des œuvres charmantes, celui-là produisait des comédies mort-nées.

Rien ne nous intéresse plus que le gracieux et gentil marivaudage du "Jeu de l'Amour et du Hasard." On y rencontre le pensé, le fin, l'amour Marivaux. de la forme, qui, caractérisent le siècle; les idées sont les mêmes dans toute la pièce, mais comme elles sont exprimées avec art, avec gentillesse. Ce sont des riens pesés dans des balances de toile d'araignée" a dit Voltaire, des riens si bien enveloppés dans de jolis rubans roses qu'ils reviennent à la signification première du mot et qu'ils veulent dire plus que les choses sérieuses de bien des écrivains.

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Le siècle de Marivaux était un peu amoureux de quintessence, et les beaux esprits qui fréquentaient les salons de la duchesse du Maine, de Mme de Lambert, de Mme Du Deffand, de Mme Geoffrin étaient attirés par le faux brillant d'une conversation tant soit peu affectée et déclamatoire; mais, cependant, le mauvrais goût des fausses précieuses du XVIIe siècle ne se trouve pas dans les œuvres du XVIII. Quelques passages des comédies de Dancourt, de Marivaux, de Sedaine, peuvent nous étonner et nous paraître étranges; ce n'est que la reproduction des coutumes de l'époque. Il n'y a que les valets et les suivantes qui ne soient pas de leur temps, mais étaient-ils davantage du temps de Molière? Voudrions-nous voir disparaître Dorine, Scapin et Mascarille, parce que

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