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Maintenon.

elle naquit en 1635 dans une prison où était détenu son père pour toutes sortes de méfaits, Mme de eut une mère vertueuse mais aigrie par les malheurs, et pendant son enfance et son adolescence fut dans la plus profonde misère. Elle était huguenote et fut convertie avec beaucoup de peine au catholicisme. On sait que dans la suite elle devint bigote et fut accusée d'avoir contribué à la révocation de l'Édit de Nantes. A l'âge de seize ans et demi elle épousa Scarron, le poète infirme, et fut très admirée par tous ceux qui fréquentaient les salons de l'auteur du "Roman Comique." Elle sut garder sa dignité dans cette société un peu libre, et après huit ans de mariage, lorsqu'elle devint veuve, elle avait su se faire estimer et respecter, et Anne d'Autriche lui donna une pension que Louis XIV continua. Pendant plusieurs années Mme Scarron tâcha de se faire des amis puissants et y réussit si bien qu'à l'âge de trente-six ans elle fut nommée gouvernante des enfants de Mme de Montespan. Dans cette situation un peu équivoque elle se fit aimer du roi, qui lui donna la terre de Maintenon et l'épousa en 1683, à la mort de la reine. Le mariage fut tenu secret mais on ne peut en douter. Il faut lire Saint Simon pour comprendre le rôle que joua Mme de Maintenon à la cour de France: Le roi travaillant dans sa chambre avec ses ministres et la consultant sur toutes choses, la duchesse de Bourgogne l'appelant "ma tante," et toute la famille royale à ses pieds. Son influence politique ne fut, peut-être, pas heureuse, mais on ne peut nier qu'elle n'ait exercé sur la conduite du roi une influence salutaire. Elle ramena la décence à la cour, mais contribua

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à y introduire la bigoterie et en bannit la joie et les plaisirs.

Saint-Cyr.

Le plus grand mérite de Mme de Maintenon est d'avoir fondé l'école de Saint-Cyr pour deux cent cinquante pauvres demoiselles. Elle avait, sans aucun doute, l'instinct pédagogique, et ses entretiens et ses lettres sur l'éducation sont remplis d'excellents conseils et de sages maximes. Elle écrit bien, avec pureté et élégance, et on peut la compter parmi les écrivains distingués du XVIIe siècle. Il lui manque, cependant, la grâce, la sensibilité, l'enjouement que possédait à un si haut point Mme de Sévigné, mais il faut se souvenir qu'elle eut à combattre la misère pendant bien des années et que son cœur fut retréci par les malheurs de la vie. Elle mourut en 1719 à Saint-Cyr, où elle était aimée et estimée.

CHAPITRE VIII

AUTEURS DIVERS

Scarron.

PAUL SCARRON (1610-1660), plus célèbre pour avoir été le premier mari de Mme de Maintenon que pour ses œuvres, a cependant écrit des ouvrages intéressants. Il est curieux de penser que l'auteur de tant de livres si gais était paralytique depuis l'âge de vingt-huit ans. Son "Typhon," son "Virgile Travesti," sont burlesques et fatiguent le lecteur, sa "Mazarinade" est un grossier pamphlet politique, mais ses comédies ont de l'esprit et beaucoup de gaieté, et "Jodelet " et "Don

Japhet d'Arménie" furent longtemps populaires. Son meilleur ouvrage, cependant, est "le Roman Comique" qui inspira le "Capitaine Fracasse" de Théophile Gautier. Scarron fait une peinture très exacte des mœurs des comédiens de son temps, et quand on se rappelle que Molière fut pendant douze ans directeur d'une troupe de comédiens ambulants, on lit encore avec plus d'intérêt "le Roman Comique." L'esprit réellement original de l'auteur perce dans tout l'ouvrage, ainsi que sa connaissance étonnante de la nature humaine. Rien n'est plus réaliste que la description de l'entrée de la charrette des comédiens dans la ville du Mans: "Cette charrette était attelée de quatre boeufs fort maigres, conduits par une jument poulinière, dont le poulain allait et venait à l'entour de la charrette, comme un petit fou qu'il était. La charrette était pleine de coffres, de malles, et de gros paquets de toiles peintes, qui faisaient comme une pyramide au haut de laquelle paraissait une Damoiselle, habillée moitié ville, moitié campagne." A côté de la charrette marche le Destin, dans un costume extraordinaire, puis vient le vieux la Rancune. Nous assistons ensuite à des scènes amusantes chez le sieur de la Rappinière et au tripot de la Biche, et nous voyons bientôt arriver les autres membres de la troupe, parmi lesquels est le poète, pauvre diable dont les écrits sont chez tous les épiciers. Le personnage de Ragotin est des plus burlesques et les plaisanteries qu'on lui fait ne sont pas toujours très délicates, mais l'amour du Destin et. de mademoiselle de l'Étoile jette une lueur de poésie sur cet étrange roman, et nous regrettons infiniment que l'auteur ne l'ait pas complété. Nous voyons par

cet ouvrage que Scarron eût pu produire des œuvres de grand mérite s'il n'eût pas attaché trop d'importance à son rôle de bouffon.

Parmi les romanciers du XVIIe siècle il faut aussi mentionner Charles Sorel, auteur de l'"Histoire comique de Francion" et du "Berger Ex- Sorel et travagant" (1627). Ce dernier ouvrage Furetière. tourna en ridicule les "romans de bergerie " et les fit tomber dans l'oubli. Nommons aussi le "Roman bourgeois" de Furetière, étude de mœurs intéressante. Furetière est l'auteur d'un Dictionnaire qui parut quatre ans avant celui de l'Académie.

Saint-Évremont (1613-1703) fut d'abord officier dans l'armée française, mais en 1661 il fut exilé à Londres et y vécut jusqu'à sa mort, quoi- Saintque l'ordre d'exil eût été révoqué en Évremont. 1688. Il est étrange qu'il soit resté à Londres si longtemps sans avoir jamais voulu apprendre un mot d'anglais. Il écrivit beaucoup en vers et en prose et eut une grande réputation comme critique littéraire. En 1644 parut sa "Comédie des Académistes," où il se moque finement de l'Académie Française. C'était un sceptique, mais il avait le jugement sain, et ses ébauches inspirèrent de plus grands écrivains que lui, tels que Montesquieu qui adopta quelques-unes des idées qu'il avait émises dans ses "Réflexions sur les divers génies du peuple Romain dans les différents temps de la République."

Nous connaissons maintenant Perrault (1628-1703) uniquement par les charmants "Contes de ma mère l'Oie," où nous voyons le Petit Poucet, le Chat Botté, le Petit Chaperon Rouge, Peau d'Âne, Barbe Bleue, la Belle au Bois Dormant,

Perrault.

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Riquet à la Houppe, Cendrillon, personnages gracieux, naïfs, immortels. Perrault publia ces contes en 1697 sous le nom de son fils; c'est en réalité du folklore, c'est-à-dire que ces intéressants récits se transmettaient par la tradition depuis longtemps. Perrault sut leur donner une forme vraiment charmante et en a fait des classiques. De son temps, cependant, il était surtout connu pour avoir amené la fameuse Querelle entre les anciens et les modernes. Il écrivit le "Siècle de Louis le Grand" et "Les Hommes Illustres qui ont paru en France pendant ce siècle," où il compare les anciens et les modernes et donne la palme à ces derniers. Boileau fut le principal champion des anciens et la querelle fut vive pendant plusieurs années. Elle s'apaisa en 1699 pour recommencer en 1710 entre La Motte-Houdart et Madame Dacier.

Bayle (1647-1706) est surtout connu par son "Dictionnaire Historique et Critique" et son journal littéraire, "Les Nouvelles de la République Bayle. des Lettres." Il avait une immense érudition et ses critiques sont parfois fines et exactes, mais il est incrédule en matière de religion et de morale, et son œuvre fut surtout appréciée par Voltaire et les philosophes du XVIIIe siècle.

Le seul écrivain qui mérite le titre d'historien au XVIIe siècle est Mézeray. Il publia en 1643 le premier volume de son "Histoire de France"

Historiens

et auteurs

et les deux autres en 1646 et en 1651. de mémoires. L'ouvrage est excellent et l'auteur fait prononcer à ses personnages des discours intéressants. Mézeray tâcha d'être impartial et indépendant et déplut même à Colbert qui lui retira sa pension. Il

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