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écrit à plusieurs réfugiés patriotes, qu'ils pouvaient rentrer dans leurs foyers, à condition qu'il remettraient leurs armes et leurs munitions. Nous avons ces écrits en main, et des brigands qui ont fait leur soumission depuis l'amnistie sont retournés avec eux. Le projet des chouans est de faire marcher tous les garçons capables de porter les armes. Ils font croire aux paysans que la seconde réquisition est décrétée; et ils s'en servent comme de la première. Ils enlèvent les blés dans les greniers des patriotes.... Ils ont pillé et volé la maison du citoyen Toisonnier, et out tondu les femmes Aubert, Pictrot et Joiffard, après avoir pillé également leurs habitations... L'esprit public est totalement éteint...... Les postes de Vern et de Candé viennent d'être attaqués aux cris accoutumés de vive le Roi.... Les ordonnances qui nous en ont apporté la nouvelle, ont été poursuivies entre Loiré et Ségré. »

Et cet état de choses n'est pas moins alarmant, moins affreux dans les autres districts de cette région : à Sablé et à Château-Neuf, où le prêtre Beaudouin a dit qu'il y aurait péché mortel à se soumettre, l'incendie, le pillage, les viols les massacres, ont leurs cours, et le général Varin, qui a son quartier général à Châteaugontier, prévient le comité de salut public, sous la date du 28 nivôse, que les insurgés se sont considérablement renforcés d'une foule d'Allemands, de déserteurs et de réquisitionnaires qui

sont venus les joindre. Peu de jours auparavant il annonçait que, malgré les négociations dont il entendait parler, neuf patriotes avaient été égorgés dans une seule nuit dans la commune de Chemazé, et que deux à trois cents chouans avaient fondu à l'improviste sur les communes de Cheffes, Tiercé, Etriché, Berné, Epineuil et Symphorien, où les mêmes atrocités avaient été commises. (1)

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(1)« Notre position devient chaque jour plus critique, écrivait en même temps l'agent national du district de Château-Neuf aux représentants. L'espace entre la Mayenne et la Sarthe était infecté de Brigands, mais au moins étions-nous sans inquiétude sur la contrée qui est entre la Sarthe et le Loir. Aujourd'hui cette partic se trouve également en proie aux horreurs des cannibales. >> A trois ou quatre jours de là, en effet, suivant autre lettre du 29 nivôse, une colonne de 300 républicains était attaquée dans ces mêmes cantons par 7 à 800 rebelles. Elle compta onze blessés et sept morts. -Les lignes suivantes du représentaut Bo à l'un de ses collègues, complètent ce tableau: « La rive droite de la Loire est le théâtre journalier de quelque assassinat. Les routes, les villages ne sont plus sûrs, et les maisons sont abandonnées; les patriotes se retirent chaque soir dans les taillis ou les blés, et ceux qui sont près des chaloupes, qui stationnent sur le fleuve, vont coucher à bord. »

Le représentant Le Got, en mission dans la Basse-Normandie, annonce, sous la date du 26 nivôse, que presque toutes les nuits quelques officiers municipaux sont assassinés; et les administrateurs du département de la Mayenne, s'étendant sur les mêmes excès,

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disent sous la date du 27, que les juges de-paix, les officiers municipaux et les fonctionnaires des communes rurales à une lieue de Laval ne peuvent coucher deux nuits de suite dans leur lit sans courir les risques d'être égorgés. Sans force près de leurs administrés, ils n'osent même plus leur donner connaissance des actes publics du gouvernement, et l'audace des rebelles est portée si loin, que toutes les campagnes sont désarmées, les patriotes impunément égorgés, leurs meubles et leurs propriétés livrées aux flammes.

Interrogeons actuellement les administrateurs du Morbihan et le représentant Brue, qui n'a point quitté ce département depuis deux mois.

«Ne voyons-nous pas en effet, dit Bruc, en s'adressant à ses collègues Guezno et Guermeur, sous la date du 4 pluviôse, que la générosité nationale, que l'amnistie et les actes de douceur et de clémence n'ont fait qu'augmenter l'audace des rebelles, leur donner le temps

de s'organiser, de se fortifier.... Les malbeurs se succèdent depuis quelques jours avec une funeste rapidité, et l'alarme que vous avez remarquée dans le district. d'Hennebon est en ce moment générale. Des lettres des districts du Faouët, de Pontivy, de Ploërmel, de Rochedes-Trois, de Roche-Sauveur, d'Auray, m'annoncent également des attentats multipliés de la part des brigands. et réclament toutes de prompts secours. »

Et, en effet, pouvons-nous dire avec Brue, arrêtez-vous aux rapports spéciaux de ces localités, et vous trouverez que, dans le district du Faouët, Louis Nicolas, ancien notable de la commune de Caradec, a été assassiné le 17 nivôse; que J'Affré et Louis Simon, âgé de 72 ans, ont été rasés, pillés, maltraités par les rebelles; que, dans la commune de Lignol, trois patriotes ont été égorgés, que le maire de Priziac a été assassiné dans son lit; que l'instituteur de Berné a été pillé, que le percepteur de Molac a été volé après avoir resté couché à terre sous la menace des chouans qui lui tenaient le fusil sur la poitrine; que partout les arbres de la liberté sont coupés; les magasins de la république dévastés, et ses fournisseurs étranglés ou égorgés, comme l'un des bouchers de Priziac qu'ils ont étranglé et jeté ensuite dans la rivière.

A Pont-Scorff, sur les limites du Morbiban

et du Finistère, ce sont de pareils excès; et, une troupe de rebelles y étant entrée la nuit, guidée par un chef qui porte à son chapeau un panache blanc, il est appris, par la déposition des témoins, qu'ils ont égorgé des femmes, pillé et dévasté toutes les habitations.

Encore trois assassinats commis la nuit dernière (18 nivôse) au bourg de Loyat, à une lieue de Ploërmel, disent les administrateurs de ce district. » Et le lendemain, 20 nivôse, les brigands étaient à Guilliers, où ils brûlaient les registres de la municipalité et de la perception, pillaient le maire, égorgeaient le percepteur, le commandant de la garde nationale et plusieurs autres citoyens qu'ils arrachaient de leur lit, pour les conduire au pied de l'arbre de la liberté abattu par les ordres de Boulainvilliers.

Et quand les préliminaires, résultant de la trève convenue, auraient dû arrêter de tels excès, c'est alors qu'ils s'étendent.

« Les babitants de Rostrenem, disent les administrateurs de ce district (27 nivôse ct 5 pluviôse), n'avaient pas encore partagé les déchirements qui avaient désolé plusieurs parties de la république; mais tous nos efforts sont vains, la contagion du Morbihan nous a malheureusement atteints..... Los chouans, abusant de l'amnistie, parcourent les campagnes, recrutent et se saisissent de

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