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HOMMES, DE PUISAYE, L'ÉMIGRATION ET LE COMTE D'ARTOIS.

Mais, ainsi que nous venons de le dire, ces faits tenaient moins à un système nouveau et organisé de contre-révolution qu'à la position particulière des populations qui avaient été si cruellement froissées par les terroristes. Jusqueslà le plus grand nombre n'avait pris conseil que de sa résolution et de ses malheurs; et, si quelques bandes de rebelles s'étaient organisées, c'était sans lien entre elles, sans rapports entre les chefs qu'elles s'étaient donnés et qui ne se connaissaient même pas.... Mais bientôt, comme dans tous les mouvements subversifs de l'ordre et

du gouvernement préétabli, il se trouva des hommes habiles, qui, maniant la plume et l'intrigue mieux que l'épée, s'offrirent comme des chefs dévoués, ayant avec l'oreille des princes et de l'étranger des plans tout préparés pour une insurrection en masse qui devait sauver le pays, réparer les désastres essuyés et rendre à une jeune victime la couronne de ses pères. Le comte Joseph de Puisaye, que nous avons déjà rencontré sous les ordres de VVimphen au service momentané des Girondins du Calvados, fut des plus habiles et des plus remuants parmi cette classe d'hommes toujours empressés à profiter des sacrifices que les masses savent faire par instinct et sur la seule incitation d'une noble pensée qui part du cœur.

De bonne heure, et après s'être pendant quelque temps abouché avec les hommes attachés au parti royaliste qui étaient restés dans le pays, il se porta vers l'Angleterre et les îles, où séjournait une masse considérable d'émigrés. Se faisant bien venir de ceux-ci et des princes, il parvint à se ménager jusques dans le cabinet anglais, des liaisons dont il tira plus tard un grand parti pour le rôle qu'il allait jouer.

Doué d'une rare facilité de conception et d'un

talent non moins incontestable pour rendre sa pensée sous des dehors brillants et spécieux, il allait de l'un à l'autre, assurant qu'il réparerait les désastres du Mans et de Savenay, et ferait oublier la perte des Bonchamp, des Lescure, des La Rochejaquelin, des d'Elbée et de tous ceux qui avaient courageusement défendu la cause du trône et de la religion. Et réunissant, dans ses projets, la Normandie, la Bretagne et le Maine sous une même autorité, il projeta une organisation commune, au sommet de laquelle il plaçait fictivement Monsieur, le comte d'Artois, le prince de Bouillon et M. de Hercé, évêque de Dol, dont une bulle du pape, datée de la fin de 1793, avait fait un vicaire apostolique chargé de représenter le saint-siége près des insurgés et de la famille des Bourbons. Quant à lui, général en chef de l'armée qu'il organisait ainsi sur le papier, il se donna pour le continuateur de la Rouërie; et, reprenant l'oeuvre de celui-ci, il resta à l'étranger pour formuler des brevets, faire fabriquer du ruban de Saint-Louis, de faux assignats, et distribuer, à pleines mains, les honneurs, les grades, les titres, à l'aide desquels il se flattait de reprendre et d'accomplir cette forte organisation des paroisses et des cantons, dont le mouvement devait 4. VOL.

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se régulariser par la volonté d'un Comité central.

Cette conception, on ne saurait le nier, dut se présenter sous les dehors les plus séduisants aux hommes crédules de l'émigration, et aux malheureux princes qui avaient vu la hache décimer leur famille. On savait à Jersey et à Londres que la Vendée luttait encore au milieu de ses champs ravagés, et que l'ombre des La Rochejaquelin et des Lescure, comme un signal élevé au milieu des ruines, ralliait tous les hommes dont le coeur était tourmenté de l'amour du pays. Les yeux fixés sur la Bretagne, qui, jusques-là, ne s'était point ouvertement prononcée, on croyait voir, de Jersey, tous les cantons en armes. On avait de chacun d'eux en particulier des nouvelles presque journalières, et il n'y avait pas un homme des bandes de Du Dresnay, qui s'organisaient sous les baraques en bois des îles des Amis, comme les appelait le duc de Bouillon, qui n'eût quelque parent ou quelque connaissance à citer dans les insurgés qui sillonnaient déjà l'Ille-et-Vilaine, le Morbihan, les Côtes-du-Nord, une partie du Maine et de la Normandie. On crut donc aux prévisions de Puisaye, à ses espérances et à ses promesses, et avec d'autant plus de facilité que si la Bretagne n'avait pas bougé jusques-là, et

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