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tour inespéré à la justice. Les citoyens Castelnau, Trouille, Bergevin et Babin d'une part, Malassis et Pouliquen de l'autre, furent, dans cette circonstance, les représentants particuliers de la ville de Brest, et c'est à leurs mémoires, à leurs dénonciations au sein de la Convention que nous devons d'avoir retrouvé la trace des malheureux souvenirs que laissèrent, dans l'un de nos départements, les membres de l'infâme tribunal dont ils poursuivirent l'arrestation.

Mais un acte grave et prépondérant allait s'accomplir comme une satisfaction donnée à l'opinion patriote et modérée qui devait reprendre bientôt toute son action dans la nouvelle lutte suscitée par les chouans et la Vendée.

Nantes avait été cruellement ravagé par Carrier et ses agents: la Convention sentit enfin qu'il fallait à cette ville courageuse et à la contrée qu'elle avait si dignement représentée dans la journée du 29 juin 1793, une éclatante vengeance. Bo et Bourbotte, cédant au cri de l'opinion publique, avaient déféré les membres de l'ancien Comité Révolutionnaire au tribunal de Paris; mais le chef de ces monstres, Carrier siégeait encore au sein de la Convention; et, protégé de son caractère de représentant, il se

jouait à-la-fois de ses victimes et des agents qu'il avait employés. En vain Phelippes Tronjolly, que les représentants Bo et Bourbotte eurent la faiblesse de faire saisir sur la dénonciation du Comité de Nantes; en vain, dis-je, Phelippes avait-il écrit, de sa prison même, aux représentants, et avant la chute de Robespierre: « que, s'ils persistaient à ne le faire ni partir pour Paris, ni interroger sur les faits des accusations portées contre lui, il les dénoncerait au peuple français (2 messidor an 2). » En vain avait-il successivement importuné, par des lettres que nous avons sous les yeux, Prieur et Garnier de Saintes, pour que l'on fit droit à ses dénonciations: il nous est appris, par la correspondance de ces représentants, qu'ils s'opposèrent constamment à transmettre ses révélations, et que l'un d'eux, Prieur, fut jusqu'à contrarier le départ des commissaires que la Société de Vincent-la-Montagne avait projeté d'envoyer à Paris pour dénoncer le tyran. Mais ni ces fins de non-recevoir, ni son incarcération, ni sa mise en jugement ne purent ralentir Phelippes dans ses attaques; et le grand jour étant venu de déposer dans les débats ouverts devant le tribunal révolutionnaire de Paris, au sujet des membres du Comité de Nantes,

Phelippes, se levant soudainement en face des anciens bourreaux de ses concitoyens, demanda que Carrier fût mis en accusation.

« J'ai dénoncé et poursuivi le Comité de Nantes ; j'ai dénoncé Carrier représentant du peuple comme leur complice; je déclare me constituer aujourd'hui prisonnier en ma demeure jusqu'à ce que la justice nationale ait prononcé sur le sort de ces scélérats; ma tête répond de ma dénonciation.

» Paris, ce 29 vendémiaire an 3. »

Et, s'avançant vers l'accusateur public, il lui remit cette déclaration en demandant acte de ses instances.....

A quelques jours de là (le 4 frimaire an 3), la Convention votait à l'unanimité la mise en cause du représentant Carrier; et sa tête et celles de deux de ses complices, Grand-Maison et Pinard, tombèrent sous le glaive de la loi.

Mais, nous diront nos lecteurs, que devinrent donc Chaux, Goullin, Bâchelier, Perrochaux, Mainguet, Levêque, Naud, Bollogniel, Durassier, Joly et autres que vous nous avez montrés comme les dignes agents de Carrier? - Ils furent acquittés.... Mais Nantes sans doute en appela, et Nantes dut demander une seconde fois leurs têtes,

Oui, et j'en ai pour preuve la pétition des ci

toyens de cette ville lue à la barre de la Convention le 3 nivôse an 3. Je vois aussi, par un autre écrit sans nom d'auteur, daté de la fin de pluviôse, qu'un décret du 21 de ce mois, rendu sur le rapport de Bernier, fixa au 24 la discussion qui s'ouvrit pour savoir si les membres du Comité révolutionnaire de Nantes, acquittés par le tribunal de Paris, seraient renvoyés devant le tribunal criminel de Maine-et-Loire.... Mais je n'ai pu trouver le résultat de cette proposition.

CHAPITRE II.

SITUATION DES DÉPARTEMENTS DE L'OUEST A LA FIN DE L'AN II.

--- CHOUANNERIE.

Le passage des Vendéens, sur la rive droite de la Loire, la violence des terroristes qui opprimèrent nos départements, les efforts inouis qu'exigea une crise dont l'issue amena les défaites du Mans et de Savenay, sont autant de faits explicatifs de la nouvelle guerre qui commença sous le titre de chouannerie au moment où on aurait pu croire que la Vendée n'existait plus. Mais, comme si ces malheureuses circonstances n'eussent pas suffi, il Y eut des hommes qui, continuant à șe dire seuls patriotes, ajoutèrent à ces

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