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Il eût été désirable dans l'intérêt de l'enseignement pratique, que les notices biographiques et littéraires qui précèdent les textes, aussi bien que les nombreuses analyses qui lient entre eux les fragments des principaux ouvrages, eussent pu être empruntées textuellement à de bons écrivains français. Mais il est assez rare que ce qui s'écrit en France sur les chefs-d'œuvre de la littérature nationale puisse, sans aucun changement, être mis entre les mains d'élèves étrangers. Les écrivains et les professeurs qui, dans ce pays, s'adressent au grand public ont nécessairement un tout autre point de vue que l'auteur d'un ouvrage pédagogique. On ne saurait méconnaître la différence qu'il y a entre un auditoire composé en partie de gens du monde, en partie de jeunes étudiants français auxquels le professeur parle leur langue maternelle, et des élèves étrangers qu'il s'agit d'initier à l'étude élémentaire de la littérature française. Encore faut-il faire la part de certaines préventions nationales qui, en France, peuvent avoir leur raison d'être, mais dont il ne convient pas de transmettre l'expression aux jeunes gens des autres pays.

La tâche de l'auteur d'un livre tel que celui-ci n'est ni celle d'un professeur de littérature, ni celle d'un critique. Elle est infiniment plus modeste. Son but est de faire connaître aux jeunes gens les principaux écrivains français des trois derniers siècles, de les diriger dans leurs lectures et de leur inspirer le goût d'une littérature pour laquelle ils trouveront plus tard des guides plus compétents.

Aussi ai-je dû non seulement abréger, mais changer plus que je n'aurais voulu le texte des critiques qui ont servi de base à mes notices biographiques et à mes analyses. Comme j'ai partout indiqué mes sources, on pourra facilement vérifier ce qui m'appartient et ce qui revient à l'auteur que j'ai suivi. Le livre qui m'a été le plus utile, mais qui ne s'étend qu'à un nombre assez restreint de chefs-d'œuvre des siècles de Louis XIV et de Louis XV, est celui de B. GERUZEZ, Études littéraires sur les ouvrages français prescrits pour l'examen du baccalauréat ès lettres. Là où les analyses de ce savant maître m'ont manqué, j'ai tâché d'imiter sa manière en puisant dans les pièces mêmes.

Quant au choix des morceaux que j'ai reproduits, j'ai eu à ma disposition des matériaux assez complets pour n'avoir nul besoin de recourir à mes devanciers. Il est probable qu'un assez grand nombre de morceaux, surtout de ceux qui sont tirés d'écrivains de ce siècle, n'ont encore été imprimés dans aucune chrestomathie. Il est possible néanmoins que je me sois quelquefois rencontré avec les auteurs d'autres recueils. J'ai choisi dans les ouvrages des écrivains ce qui m'a paru convenir le mieux au but de mon livre, sans m'inquiéter si ces morceaux se trouvaient déjà autre part ou non.

Ai-je besoin d'ajouter que j'ai partout reproduit le texte des auteurs avec fidélité et d'après les meilleures éditions? Cependant j'ai quelquefois supprimé des épisodes et des longueurs quand l'espace me manquait. Je me suis surtout attribué le droit de faire des retranchements partout où le respect dû à la jeunesse m'y forçait. Il importait de rendre ce Manuel propre à être mis entre les mains de jeunes personnes. J'aime à croire aussi que j'ai réussi à éviter tout ce qui pourrait blesser les susceptibilités des différentes religions.

Mais, si un sentiment de juste réserve exclut d'un livre destiné à la jeunesse un certain nombre d'ouvrages, si ce sentiment exige quelquefois des coupures même dans les chefs-d'œuvre dont on reproduit des fragments, il faut pourtant se garder de pousser trop loin ce scrupule. Un manuel de littérature française ne saurait être écrit pour des enfants. Si l'on veut faire un secret aux jeunes gens et aux jeunes personnes de l'existence des passions et de leurs effets, il faut décidément renoncer à leur faire aborder l'étude d'une littérature quelconque.

Il est évident que les Lettres provinciales, le Tartuffe, les Lettres persanes, le Mariage de Figaro et bien d'autres ouvrages ne sont pas du nombre de ceux qu'un professeur choisira pour les lire en entier avec ses élèves. Mais vouloir, dans l'enseignement littéraire, laisser ignorer aux jeunes gens l'existence des ouvrages que je viens de nommer serait tout simplement puéril.

En ne parlant, à propos des fameuses Lettres provinciales, que des casuistes, en évitant de nommer l'ordre religieux auquel ces casuistes appartenaient, mais qui, comme corps, a toujours repoussé leur morale relâchée, je crois avoir ménagé les susceptibilités de tout le monde. J'ose espérer que l'analyse que j'ai faite du Tartuffe et les scènes que j'en ai extraites ne blesseront en aucune façon les sentiments les plus rigides, et donneront néanmoins aux lecteurs une idée de ce chef-d'œuvre de MOLIÈRE. Les quelques lettres que j'ai empruntées aux prétendus Persans de MONTESQUIEU trouveront certainement grâce devant tous mes critiques. Si j'ai dû renoncer à analyser le Barbier de Séville et le Mariage de Figaro, j'ai pu néanmoins essayer de faire connaître à mes jeunes lecteurs le type si curieux de Figaro et de leur donner une idée de la portée politique et sociale du Théâtre et des Mémoires de BEAUMARCHAIS.

Il y a tels ouvrages de VOLTAIRE, en vers et en prose, qui caractérisent plus que tous les autres le genre de talent de cet admirable, mais dangereux esprit, et cependant je n'ai pas même osé en mentionner les titres dans mon livre. Heureusement il y a un assez bon nombre d'écrits de Voltaire dont la lecture peut être recommandée aux jeunes étrangers, qui doivent étudier avec soin le style si éminemment français du premier prosateur du 18e siècle.

JEAN-JACQUES ROUSSEAU est bien autrement embarrassant pour l'auteur d'un livre pédagogique sur la littérature française. Personne ne reprochera à l'article que je lui ai consacré de le représenter trop avantageusement à la jeunesse, souvent très portée à s'enthousiasmer pour le plus éloquent des sophistes. Mais si j'ai dû m'abstenir d'analyser en détail un ouvrage quelconque de JEAN-JACQUES ROUsseau, je crois pourtant avoir réussi à réunir assez de fragments intéressants qui peuvent être lus par de jeunes élèves, et qui suffisent pour leur faire connaître ce grand écrivain.

Quant à la littérature de nos jours, je crois qu'en cherchant bien on peut trouver dans les ouvrages de la plupart des illustrations contemporaines des morceaux propres à figurer, sans aucun danger, dans un livre destiné à la jeunesse. Si j'en ai restreint le nombre beaucoup plus que je n'aurais voulu, ce n'est pas la matière qui m'a fait défaut, mais l'espace.

Je suis loin de croire qu'il soit possible, par n'importe quel choix, de mériter l'approbation de tout le monde. Seulement je prie mes critiques de ne pas oublier que je n'ai pas pu et que je n'ai pas voulu me laisser diriger, dans le choix des extraits, uniquement par l'importance littéraire des ouvrages. Je le répète, mon livre a pour but non seulement d'initier les élèves à la connaissance élémentaire de la littérature, mais encore d'offrir aux jeunes étrangers des lectures par lesquelles ils puissent apprendre la langue. Voilà ce qui explique la part considérable que j'ai accordée à la forme dramatique dans ce Manuel, qui contient l'analyse de plus de trente tragédies, drames et comédies.

Paris, novembre 1866.

C. Platz.

AVERTISSEMENT POUR LA ONZIÈME ÉDITION.

La onzième édition, que nous présentons aujourd'hui au public, se distingue des précédentes par quelques changements qui, nous l'espérons, seront généralement reconnus comme des améliorations. Un livre qui se propose de faire connaître à ses lecteurs les principaux chefs-d'œuvre d'une littérature, ne saurait rester stationnaire, mais doit, pour se maintenir à la hauteur de sa tâche, accueillir, à mesure qu'elles arrivent au premier rang, les célébrités contemporaines. Pour faire place à ces nouveaux-venus sans grossir outre mesure le volume d'un livre destiné en premier lieu à l'usage des écoles, il a été indispensable de recourir à quelques éliminations. Il est permis de croire que les extraits précédemment donnés des ouvrages de Victor Cousin, Villemain, Saint-Marc Girardin, Sainte-Beuve, Nisard, Planche n'ont de tout temps trouvé que de rares lecteurs dans les écoles allemandes. Nous avons donc cru pouvoir les supprimer sans grand dommage, en conservant toutefois les notices biographiques et littéraires destinées à faire connaître aux lecteurs leurs personnes et le rang qu'ils occupent dans la littérature de leur pays. De cette façon, et grâce à une augmentation de volume accordée par la libéralité de l'éditeur, nous avons pu faire connaître par des extraits plus ou moins volumineux les ouvrages de Théophile Gautier, Théodore de Banville, François Coppée et surtout des deux auteurs qui, depuis vingt ans, occupent dans la littérature française une place si considérable: Alphonse Daudet et Victorien Sardou.

Eton et Görlitz, août 1898.

Richard A. Platz, M. A. Dr. Gustave Platz.

AVERTISSEMENT POUR LA DOUZIÈME ÉDITION.

La Table alphabétique annexée à ce Manuel a été soigneusement revue et complétée. Pour le reste, la douzième édition est une simple réimpression de la onzième.

R. A. P. G. P.

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