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Dumouriez, malgré l'étalage hypocrite qu'il fait, dans ses mémoires, de son dévouement pour le roi, étoit alors dans la plus entière union avec les factions qui ont renversé la royauté et assassiné Louis XVI. Il ne se dissimula pas tous les dangers de la position; celle de son armée étoit telle, qu'il ne put s'empêcher de faire l'aveu de sa détresse et de ses craintes, et il conseilla d'employer la corruption, puisque la force devenoit insuffisante. Il fit entendre que la marche du roi de Prusse pourroit être arrêtée en livrant à ce monarque les plus belles filles de Paris; et que le duc de Brunswick ne seroit pas insensible à une offre de vingt millions, sacrifice considérable, sans doute, dans le moment de crise où se trouvoit la France, mais que son péril imminent et son salut commandoient impérieusement. Une conjecture pareille ne se hasarde* se hasarde pas légèrement. Nous reviendrons sur cette accusation de corruption, qui fut faite dans le temps contre le généralissime; nous en discuterons avec impartialité le pour et le contre, lorsque nous nous expliquerons sur la retraite de l'armée prussienne, au moment même où le comte de Clairfayt se croyoit assuré de la victoire; au moment où le prince de Hohenlohe écrivoit au prince d'Esterhazy, commandant dans le Brisgaw,

que l'armée de Dumouriez étoit tellement acculée et enveloppée, qu'il n'avoit plus qu'à capituler ou à mettre bas les armes. J'ai vu et tenu la lettre du prince; mais les suites déplorables de cette retraite fâcheuse font partie du règne de la funeste et régicide assemblée dite Convention nationale, et nous y renvoyons.

Tandis que les députés déjà réunis à Paris se préparoient à former cette nouvelle assemblée, le départ de la législature fut signalé par un nouveau forfait. Les massacres de septembre n'avoient point encore assouvi la soif des brigands pour le sang. Les ministres de la faction usurpatrice du gouvernement ordonnèrent le retour à Paris de tous les prisonniers détenus à Orléans près de la haute cour, comme prévenus ou accusés de crimes de lèse-nation, non dans l'intention de les faire mettre en jugement, mais pour les faire égorger. Leur assassinat étoit déjà prévu et commandé; ils devoient être et ont été massacrés en route.

Parmi eux se faisoient remarquer le duc de Brissac, commandant de la garde constitutionnelle du roi, le respectable évêqne de Mende, M. de Castellane, le ministre de Lessart, le brave colonel de Malvoisin, et tant d'autres illustres ou honorables victimes de leur attachement à la religion,

de leur dévouement au roi; c'étoit en effet le seul crime à leur reprocher. Versailles fut le théâtre choisi pour la mise à exécution de cette boucherie, dont Fournier, dit l'Américain, fut l'horrible et premier acteur. Ce monstre, échappé des prisons de Saint-Domingue, où il devoit subir le supplice des brigands, fut un des sicaires les plus actifs du club des Cordeliers; et malgré deux nouveaux jugemens qui l'ont condamné à une mort ignominieuse, il vit peut-être encore! Puisse son infâme réputation être pour lui un châtiment anticipé, ou plutôt puisse notre divin Sauveur jeter sur lui, à sa dernière heure, un regard de miséricorde, et lui faire la grâce de répandre quelques larmes de repentir sur ses forfaits!

Le massacre des prisonniers d'Orléans eut lieu le 9 septembre, dix jours avant la fin de la session de l'assemblée législative.

Nous avons enfin terminé le tableau que nous avions promis à nos lecteurs des erreurs, des intrigues, des crimes et des forfaits de cette méprisable assemblée; tableau affreux, sans doute, et dont le récit semble atteindre le dernier degré de l'horreur et de l'effroi; eh bien! ce n'est pas encore là son plus grand attentat! Celui qui doit perpétuer à jamais le souvenir de son exécrable existence, est d'avoir pro

voqué et favorisé la nomination de tous les scélérats qui, dans les clubs des provinces, s'étoient fait le plus remarquer par l'immoralité de leur conduite, la perversité de leurs principes et leur audacieux mépris pour ce qu'il y a de plus respectable et de plus sacré, afin d'en former avec eux cette Convention nationale, fille de l'enfer et mère du crime, usurpatrice de tous les pouvoirs de la royauté la plus absolue; cette Convention régicide, qui a présenté à l'univers épouvanté le spectacle révoltant d'une masse de forfaits et d'atrocités dont les nations les moins policées n'ont jamais offert d'exemples; cette Convention qui a fait pleuvoir sur la France, pendant son règne de sang et de larmes, un déluge de calamités et de désastres dont celle-ci n'auroit jamais pu se former la plus foible idée.

FIN DU TOME TROISIÈME.

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