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Vienne.

Mon respect pour sa mémoire m'empêche de le juger; il est maintenant devant L'archevêque de Dieu.... Je sais, par un député qui a osé lui en marquer son étonnement et improuver sa conduite, que cet archevêque a versé devant lui des larmes amères; il reprochoit les démarches véritablement blâmables qu'il avait faites, de concert avec l'archevêque de Bordeaux, pour attirer à l'assemblée nationale les ecclésiastiques qui vouloient se réunir à la noblesse; il se reprochoit, surtout, son imprévoyance et sa timide circonspection, dans des momens où il auroit dû animer et fortifier le zèle du roi contre les attentats de la constitution civile du clergé. Mais comment pouvoir L'archevêquede excuser l'archevêque de Bordeaux, dépositaire du bref du pape, après la mort de l'archevêque de Vienne? Comment caractériser son silence et son récellement, quand l'assemblée nationale se décida quelques mois après, à forcer le roi à donner sa sanction? Pourquoi ne fit-il point connoître au monarque l'opinion et l'intention du souverain pontife? pourquoi s'obstiner à garder ce bref? pourquoi opiner dans le conseil pour la sanction, tandis que le roi penchoit pour le refus? Cette étrange conduite n'est-elle pas une connivence formelle, une adhésion coupable, quel qu'en ait été le motif, soit la crainte

Bordeaux.

d'un plus grand mal, comme il l'a dit luimême, soit la présomption de croire, malgré l'opinion du pape, qui lui étoit connue, que cette constitution n'avoit rien de contraire aux dogmes? Il pensoit encore, a-t-on dit, que quand cette constitution ne seroit pas conforme à la discipline de l'Eglise, il se trouvoit des circonstances où il falloit, pour le bien de la paix, et pour éviter le schisme, faire de grands sacrifices.

Jamais l'archevêque de Bordeaux ne se lavera d'avoir concouru efficacement, et par la détention du bref, et par ses conseils, à une sanction qui a bouleversé l'Eglise de France, et qui a consommé sa ruine. Comment répondre aux reproches de ceux qui pensent qu'il a sacrifié les droits de l'Eglise à la crainte de perdre sa place? Sa conduite, depuis l'origine des états - généraux, ses intimes liaisons avec M. Necker, ont imprimé sur sa réputation une tache qui ne pourra être lavée que dans les larmes de sa pénitence publique.

Quatre grands mois s'étoient écoulés depuis que la constitution civile du clergé avoit été décrétée par l'assemblée constituante. Les factieux, qui s'étoient concertés pour la faire adopter, n'avoient pas encore, sans doute, jugé le moment favorable pour en forcer la sanction, formalité nécessaire

pour son exécution; mais tout étoit préparé par eux. Alors il fut convenu, dans leur conciliabule secret, que Mirabeau proposerait un serment à exiger des fonctionnaires publics; que Camus, en donnant son avis, se plaindroit avec véhémence du retard qu'on apportoit pour la sanction de la constitution civile du clergé ; que la faute en seroit imputée à la négligence des ministres; qu'on feroit sentir le dommage résultant, pour les finances de l'Etat, du retard apporté à l'extinction de la dette publique et au soulagement du peuple par la diminution des impôts occasionnée par la vente des biens du clergé : car c'étoit avec cette arme tranchante que les factieux savoient toujours couper le noeud des difficultés; c'étoit en invoquant sans cesse les intérêts de la nation qu'ils consommoient leurs criminels projets.

Cette sortie concertée fut le signal d'un orage qui partit de la gauche, et fut grossi par les clameurs des galéries; la droite, qui, malgré sa minorité, imposoit par son attitude courageuse et calme, fut assaillie de paroles injurieuses et de menaces. L'abbé Maury voulut parler; sa voix forte et sonore fut couverte par le tumulte qui redoubla, et c'est au milieu de ce vacarme, comparable à celui des halles, qu'il fut décrété, sur la motion de

Camus, que les ministres seroient mandés pour savoir d'eux les raisons du retard apporté à cette sanction; qu'ensuite une députation seroit envoyée sur-le-champ au roi pour la lui demander; que, séance tenante, on en attendrait la réponse, et que les ministres seroient responsables des délais. C'est d'après ces précautions violentes que ces ministres, intimidés, décidèrent le roi, malgré toutes ses répugnances, à sanctionner ce fatal décret le 26 décembre 1790.

Le serment proposé par Mirabeau, sous prétexte de lier à l'Etat les fonctionnaires publics ecclésiastiques, n'étoit qu'un piége adroitement tendu pour pouvoir rendre odieux, et persécuter publiquement ceux qui s'y refuseroient, ou pour avilir, par le schisme et le mépris, ceux qui le prêteroient. Ce serment ne présentoit, dans ses expressions, rien qui parût contraire à la religion........ « Je jure, devoit-on dire, je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et » au roi, et de maintenir la constitution » décrétée par l'assemblée nationale, et » sanctionnée par le roi.... » le roi.... » Sans doute, s'écria le motionnaire, sans doute que nous verrons tous nos évêques et tous les curés donner aux Français l'exemple de l'obéissance et du civisme; on cesseroit d'être citoyen, si on refusoit un tel hon

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ques.

neur à la loi souveraine qui a droit de l'exiger pour la sûreté et la tranquillité de l'Etat.

Nous sommes tout prêts, s'écrièrent les évêques et les ecclésiastiques qui vouloient allier les devoirs du citoyen avec les vertus du chrétien; nous sommes tout prêts de jurer la fidélité la plus inviolable à la nation, à la loi et au roi. Mais comment s'engager, sous la loi du serment, à maintenir une constitution qui n'est encore ni achevée ni connue? N'est-ce pas attenter aux droits de l'homme, que de vouloir courber sa volonté sous le joug d'une loi éventuelle encore inconnue, et de vouloir l'y attacher d'avance par les liens sacrés de la religion et de l'honneur? Un serment ne peut et ne doit être légalement proposé que pour une chose existante qui peut être soumise à l'examen de la raison, de la probité.

Ces sages observations étoient celles du bon sens; mais elles ne furent pas écoutées. Comment supposer, répliqua-t-on, qu'une assemblée de législateurs, uniquement occupés du bonheur public, décrétera des lois contraires à la probité et à la justice? Ce soupçon est un outrage. Comment se persuader que le roi, qui a le droit d'examen, pourra se déterminer à sanctionner des décrets qui ne seroient que des

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