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l'esprit révolutionnaire dont toute la na-
tion étoit alors saisie, et à quel point
d'exaltation la haine contre les émigrés
étoit portée. On pourroit dire aussi, avec
non moins de raison, que ce chant de mort
contre les émigrés révéloit le secret du
sentiment profond des dangers dont on se
croyoit alors environné.

Allons, enfans de la patrie,
Le jour de gloire est arrivé :
Contre nous de la tyrannie,
L'étendard sanglant est levé ! (bis)
Entendez-vous dans les campagnes
Mugir ces féroces soldats?

Ils viennent, jusque dans vos bras,
Egorger vos fils, vos compagnes!

Aux armes, citoyens! formez vos bataillons!
Marchez, (bis) qu'un sang impur abreuve nos sillons.

Que veut cette horde d'esclaves,

De traîtres, de rois conjurés?

Pour qui ces ignobles entraves,

Ces fers dès long-temps preparés? (bis)

Français, pour nous,

ah, quel outrage!

Quel transport il doit exciter!
C'est nous qu'on ose menacer
De rendre à l'antique esclavage!

Aux armes, etc.

Quoi! des cohortes étrangères
Feroient la loi dans nos foyers!
Quoi! ces phalanges mercenaires
Terrasseroient nos fiers guerriers! (bis)
Grand Dieu! par des mains enchaînées
Nos fronts sous le joug se ploîroient!
De vils despotes deviendroient
Les maîtres de nos destinées!

Aux armes, etc.

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Que l'amitié, que la patrie,
Fassent l'objet de tous nos vœux!
Ayons toujours l'ame nourrie

De feux qu'ils inspirent tous deux. (bis)
Soyons unis, s'il est possible,
Nos vils ennemis tomberont;
Alors les Français cesseront

De chanter ce refrain terrible :

Aux armes, etc.

La jeunesse entière demandoit des armes à grands cris, et se formoit en bataillons nationaux pour défendre la constitution et l'indépendance nationale. Vivre libres ou mourir, étoit le cri de guerre de ces forcenés: ces têtes ardentes le faisoient entendre simultanément de Rennes à Marseille, de Strasbourg à Bordeaux.

Cet élan et la haine mortelle vouée aux émigrés, excitée et entretenue par la Marseilloise, donnèrent lieu à la formation d'une quatrième armée destinée à pénétrer dans la Savoie. Le commandement en fut confié au marquis de Montesquiou-Fezensac, désigné d'abord comme premier lieutenant-général de l'armée de la Meuse, sous les ordres de La Fayette.

Le ministère des affaires étrangères auquel Dumouriez s'étoit fait nommer, afin de provoquer une guerre si conforme aux vues ultérieures de son ambition, ne regarda plus ce ministère que comme un acheminement à l'exécution de ses projets. Quand il vit nos armées sur le point de

marcher à l'ennemi, aussi vain qu'audacieux et remuant, il se persuada que cette guerre n'auroit pas le succès qu'on s'en promettoit s'il n'en dirigeoit lui-même les mouvemens. Déjà il se flattoit de commander en chef. En conséquence il quitta les affaires étrangères confiées au marquis de Chambonnas, sa créature, et remplaça Servan qui fut renvoyé.

Le nouveau ministre de la guerre fit passer sans délai un plan de campagne au maréchal de Rochambeau sur lequel il comptoit pour commencer les opérations militaires; mais ce général, humilié de recevoir les ordres d'un homme qui lui étoit inférieur en expérience et en grade, que, d'ailleurs, il regardoit comme un brouillon, désapprouva le plan et en proposa un autre. Le ministre insista pour l'exécution du sien, approuvé par le roi; et craignant que le maréchal, mécontent, ne le fit échouer par amour-propre, il plaça le duc de Biron, (précédemment duc de Lauzun), auprès de ce maréchal et sous ses ordres, avec le commandement d'un corps de seize mille hommes; il fit part à ce jeune général du secret de son plan, et le chargea de brusquer, à l'insu du maréchal, une attaque sur Mons, et de s'emparer de cette place. Une autre attaque sur Tournay fut confiée au général de Dillon qu'on fit partir de Lille pour ce

coup de main. Mais ces deux opérations n'eurent aucun succès : les deux généraux français furent battus par les Autrichiens, et contraints de se retirer avec perte. Par ce début et la manière dont les ordres du ministre avoient été transmis, le maréchal comprit qu'il ne seroit que le jouet de Dumouriez : il offrit et obtint sa démission. Le ministère de la guerre n'avoit été pour Dumouriez qu'un moyen de parvenir promptement au commandement en chef d'une armée, et, dans sa pensée, y jouer un rôle marquant. Le maréchal de Luckner fut appelé en Flandre, et Biron prit le commandement de l'armée du Rhin, ayant sous ses ordres le général de Custine.

Luckner, bon pour faire la guerre en partisan, et bien placé dans une avantgarde, n'avoit aucun des talens, aucune des connoissances requis dans un général en chef; il avoit aussi le défaut capital de s'enivrer tous les jours. Dumouriez se flattoit que, sous les ordres d'un tel général, il lui seroit bientôt facile d'exercer la plus grande influence et de jouer le premier rôle. Il quitta donc le ministère pour servir, comme lieutenant-général, sous les ordres de Luckner, et se rendit en Flandre. S'emparer de l'entière confiance de Luckner, obtenir le commandement du camp de Maulde, ne fut que l'affaire d'un instant.

Luckner.

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