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lancé contre les prêtres insermentés, et à celui contre la formation d'un camp de vingt mille hommes près Paris, avoit été l'occasion d'agiter la populace, dont le délire contre ce veto alloit jusqu'à la frénésie. Pour entretenir l'agitation de la canaille qu'on avoit soudoyée et mise aux ordres dePétion, et pour la soutenir, en cas de besoin, lors de la catastrophe depuis longtemps méditée et préparée, ce maire factieux et prévaricateur fit sortir des bagnes de Toulon une multitude de malfaiteurs qui y étoient détenus; ils furent formés en bataillon, et dirigés de Marseille sur Paris. A l'arrivée de ces brigands, il leur associa l'écume des nations également rassemblée à Paris, attirée par l'appât des ressources que la licence la plus effrénée leur offroit avec l'impunité.

C'est avec de tels moyens qu'on tenta de changer la forme du gouvernement.

Les circonstances pour commettre un régicide et abolir la royauté, n'étoient que trop favorables. La guerre venoit d'être déclarée à l'Autriche et à la Sardaigne. Déjà les troupes de ligne et les bataillons nationaux se portoient aux frontières; La Fayette, lui-même, dont on craignoit l'opposition et l'influence sur la garde nationale, fut mis à la tête d'une armée. Louis XVI demeuroit ainsi entièrement

isolé et à la merci de tous ses ennemis.

Le 20 juin 1792 fut désigné pour cette scène d'opprobre et d'infamie. L'armée de Pétion, composée de vingt mille assassins, hommes et femmes, se réunit pour aller investir le palais des Tuileries, et traversa les rues de Paris en poussant des cris affreux et des hurlemens qui répandirent en un instant la terreur et la consternation. L'aspect de cette multitude n'étoit pas moins effrayant, elle se trouvoit précédée de canons chargés à mitraille, et chacun de ceux qui faisoient partie de cette bande, étoit armé de haches, de massues, de piques, de poignards, de broches, et de tous les divers genres d'instrumens dont il avoit pu s'emparer. Ils arrivèrent tous ensemble sur la grande place du Carrousel, sans opposition et sans avoir rencontré le moindre obstacle dans leur marche. Ivres de vin et de fureur, ils pénètrent jusqu'aux vestibules du palais dont on avoit fermé les portes. Elles furent en un instant soulevées avec des leviers et brisées à coups de haches et de massues.

Les Gardes-Suisses et les gardes nationales, de service dans l'intérieur, étoient bien disposés à repousser la force par la force, à défendre le roi au péril de leur vie, et à lui faire un rempart de leurs corps, ainsi qu'à la famille royale. Les brigands

Le 20 juin.

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firent alors avancer leurs canons; on touchoit au moment d'un massacre presque inévitable, lorsque l'admirable présence d'esprit de Louis XVI et son courage plus qu'humain, dans une circonstance aussi critique, sauvèrent, lui, sa famille et tous ceux qui l'environnoient. Il voyoit de sangfroid la mort dont il étoit menacé, et la redoutoit peu bien résolu d'aller au-devant des régicides, de se présenter seul à eux, de les désarmer par son air calme, ou de tomber en roi sous leur fer assassin, il ne trembloit que pour les jours de la reine et de ses enfans qu'il avoit d'abord fait retirer dans un appartement éloigné. Un premier mouvement d'effervescence pouvoit effectivement entraîner la populace à les égorger. C'est en vain que le roi voulut engager madame Elisabeth à ne point se séparer de la reine; cette princesse, autant connue par son courage héroïque, que par ses vertus, l'amabilité de son caractère et son adorable bonté, bien déterminée à partager les dangers du roi, son frère, ne voulut pas le quitter .... Elle résista à l'ordre exprès et formel de se retirer auprès de la reine : Sire, dit-elle à ce prince si malheureux, » vous m'apprenez à mourir par votre exemple ; je veux avoir la gloire de rece>> voir les premiers coups qu'on oseroit diriger sur votre personne sacrée, et de

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prolonger, autant que possible, par le sa» crifice de ma vie, les jours si précieux de >> votre majesté. »

Ces mots, prononcés avec l'accent de la plus grande énergie, et ce dévouement vertueux et sublime firent une profonde impression sur l'ame de Louis; ils la remplirent d'une force toute divine qui ne connoît plus le sentiment de la crainte....

Par ordre du roi, les portes intérieures du palais sont ouvertes, les brigands se précipitent dans les appartemens, et se portent en foule dans la salle, vers l'embrasure de la fenêtre où se trouve le roi ayant à ses côtés madame Elisabeth. Ce double éclat de majesté et de bonté qui se faisoit à la fois remarquer sur les fronts du roi et de la princesse, leur attitude calme, la dignité de leur maintien, et enfin leur sainte et auguste résignation, imposèrent à ces furieux, et arrêtèrent tout à coup, et comme par miracle, leur tumultueuse impétuosité. Leurs ames, tout atroces qu'elles étoient, n'avoient pas encore entièrement perdu le respect dû à la majesté royale.... Ils demeurèrent muets et comme pétrifiés... Il se fit alors un moment de silence.... Le roi en profita pour dire d'une voix élevée : Que voulez-vous?.... Ce peu de mots, prononcés avec fermeté, produisit un effet aussi prompt qu'extraordinaire. Ces hom

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salariés pour le régicide, et qui, l'instant d'auparavant, ne demandoient que sang et carnage, sentirent expirer leur fureur..... Mais ils n'auroient pas consommé ce crime monstrueu: aussi facilement qu'ils se l'étoient imaginé : l'embrasure de la fenêtre dans laquelle se tenoient le roi et madame Elisabeth, pratiquée dans un mur très-épais, très-profonde, étoit élevée audessus du niveau de la salle de deux ou trois degrés, en sorte que le roi dominoit sur tout ce qui se trouvoit autour et devant lui; d'ailleurs, cette embrasure fut cernée et entourée au même instant par un grand nombre de fidèles serviteurs du roi, bien déterminés à périr avant que les régicides fussent parvenus jusqu'à sa personne; mais cette enceinte, formée par le dévouement d'une fidélité à toute épreuve, ne fut point forcée.

Cependant la foule des brigands remplissoit de plus en plus l'appartement du roi. Des cris se font entendre:....

« Nous n'en voulons point au roi; mais » le peuple veut la sanction des décrets » contre les prêtres réfractaires et pour la

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formation d'un camp de vingt mille hom» mes sous Paris. »

Mais Louis entend ces clameurs sans émotion et n'y fait aucune réponse; il demeure immobile et toujours calme. Dans cet instant, madame Elisabeth voit, au mi

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