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d'oeuvre de législation, et par des réflexions impartiales sur la fàcheuse émigration occasionnée par la terreur et les alarmes qu'inspiroit la conduite de cette assemblée.

IX.

La Constitution de 1791.

LES députés des bailliages aux états-généraux n'auroient pas été des mandataires infidèles et parjures, si le vou des cahiers rédigés avec une rare sagesse avoit été suivi, si la bienfaisante déclaration de Louis XVI, du 23 juin 1789, qui en étoit l'abrégé, avoit servi de base aux lois à établir. Si la gloire du nom français et le bonheur du peuple en avoient été le but, la constitution, résultat d'aussi nobles travaux, auroit immortalisé cette époque, éternisé la reconnaissance due aux représentans du peuple français. Mais qu'est-il arrivé? Cette constitution de 1791 a été l'ouvrage illégal de députés déchus de leur pouvoir, et par conséquent sans mission. Ils n'en avoient pas d'autre que de présenter les cahiers des bailliages, d'employer toutes les ressources des talens qui avoient décidé leur choix, pour obtenir le redressement des griefs et la réformation des abus dont les cahiers

présentoient le tableau. Ils avoient solennellement juré d'être fidèles aux mandats dont ils étoient porteurs. Le mépris et le rejet qu'ils en ont fait pour y substituer leurs propres pensées, les ayant rendus parjures, ils ont ainsi tellement frappé de nullité toutes leurs opérations qu'au scrutin de la raison, de la justice, de la loi, elles sont déclarées radicalement vicieuses et entachées de l'opprobre des passions honteuses qui en ont été le mobile.

Cette constitution, si incohérente dans ses principes, si vacillante dans sa marche, si contraire même au but qu'on s'étoit proposé; cette constitution, qui, comme l'a jugé M. Burcke, philosophe aussi sage que profond, n'est qu'un composé d'élémens dont l'amalgame devient impossible, dont les bases ne paroissent être qu'un assemblage de globules de verre sans cohérence et sans solidité, qui doit nécessairement crouler ; et l'on voit qu'elle n'est évidemment que l'ouvrage informe des passions dont étoient agités les auteurs attachés aux différentes factions qui partageoient l'assemblée constituante. De toutes ces factions, les seuls royalistes et les jacobins étoient conséquens les premiers vouloient une constitution posée sur les anciennes bases de la monarchie, et dépouillée des abus signalés par les cahiers; ils ne vouloient

pas qu'on touchât aux prérogatives du trône, ni qu'on déplaçât ces bornes antiques et sacrées qui divisoient la nation en trois grands corps, le clergé, la noblesse et le tiers-état; ils consentoient à l'abolition de tous les priviléges pécuniaires, et à l'égale répartition des impôts sur toutes les têtes, à proportion de leurs facultés et de leurs revenus. Dans ce système, celui de la raison et de la saine politique, la nation prenoit sous son roi une attitude majestueuse; tous les sujets devenoient heureux. Quant aux jacobins, ils vouloient tout détruire pour tout recréer; placer la liberté la plus licencieuse à la place de la justice et de la loi, et régner par le désordre et l'anarchie. Plus d'autels, plus de trône, plus de Dieu, plus de roi, plus de sacerdoce, plus de noblesse; tel, dès l'origine, a été leur plan; tel ils l'ont successivement développé. Les factions intermédiaires, les impartiaux, les monarchiens, les feuillans, et tous les constitutionnels égarés par l'orgueil et l'intérêt personnel, rejetoient avec indignation les horribles principes des jacobins; mais en paroissant se rallier aux bannières du royalisme, ils en sapoient les plus fermes appuis. C'est en voulant substituer leurs propres idées aux leçons de l'expérience, qu'ils ont contribué à la création de cette

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constitution monarchi - démocratique qui a causé tous nos malheurs : elle-même a croulé sous le levier républicain, dès les premiers coups que lui ont porté les jacobins et les anarchistes. Si, au lieu de négocier, de tergiverser, de s'assembler partiellement, tantôt à la place Vendôme tantôt chez l'archevêque d'Aix, tantôt à l'hôtel de Massiac, tantôt aux Feuillans ces factions intermédiaires se fussent franchement réunies aux royalistes, les jacobins n'auroient pas eu aussi constamment la prépondérance, et le royaume étoit sauvé. Comment ceux, qui se disoient les amis du trône, n'ont-ils pas vu dans cette constitution tous les élémens préparés pour renverser la monarchie? En effet, quel degré de consistance peut avoir une constitution monarchique où le monarque n'a plus le droit de vie et de mort; où celui de faire la paix ou la guerre lui a été enlevé ; où il n'est plus que le premier des fonctionnaires d'un peuple déclaré seul législateur et souverain? Quelle peut être une monarchie où il existe une autorité législative permanente, indépendante du roi; où le roi, sans avoir jamais l'initiative de la loi, ne peut qu'y opposer une suspension temporaire, légalement annulée après un laps de deux ans? Quelle peut être cette monarchie où toutes les autorités constituées sont

à la nomination du peuple; où le roi, quoique déclaré chef suprême de la force militaire, ne peut jamais se mettre à la tête des armées, les commander, et n'en a pas toutes les places à sa disposition? Cette constitution de 1791 n'est donc qu'une réunion informe de tous les élémens de la démocratie avec lesquels a été fabriqué un simulacre d'une monarchie, pour en faire le jouet de la faction la plus audacieuse et la plus entreprenante.

Quand l'élite et la grande majorité de la noblesse; quand la plus saine partie du clergé se furent rendus aux vœux du roi pour se réunir au tiers état, et ne former qu'une seule assemblée nationale, comment n'opposèrent-ils pas la masse de leur énergie commune au torrent des factions, à l'établissement d'une constitution dont le résultat devoit être le renversement de l'autel et du trône, et un bouleversement général? Le refus d'accepter la bienfaisante déclaration du 23 juin 1789; la destruction de la Bastille; les massacres impunis qui en furent la suite; la cocarde tricolore ; l'étrange séance et les décrets plus étranges encore du 4 août 1789; l'abjuration publique et confirmée par un décret des mandats imposés par les cahiers des bailliages; les scènes atroces des 5 et 6 octobre à Versailles;ne devoient-elles pas dessiller les yeux

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