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comme dans un camp, interrompre le sacrifice ou le prône, pour y substituer la publication des lois; et si un pasteur pénétré de la sainteté des plus augustes mystères, et en exerçant des fonctions divines qui ne sont point du ressort de la puissance humaine, croyoit ne devoir point les suspendre, aussitôt, sans respect pour son caractère, on l'arrachoit avec violence de l'autel et de la chaire de vérité, et là, une bouche sacrilège publioit à sa place les opinions et les décrets d'une assemblée qui avoit déclaré qu'elle ne devoit point, par respect, s'immiscer dans les choses du ciel. C'est à l'occasion de ce décret que le curé des Grandes Loges, dans le diocèse de Reims, a été massacré au pied de l'autel, parce qu'il avoit cru devoir continuer à la messe les fonctions de son ministère. Les annales de l'Église de France publieront un jour les autres scènes sanguinaires qui, pour l'exécution de ce décret, ont malheureusement souillé les marches de l'autel et ensanglanté les parvis de nos temples. Développement Pendant tous ces préliminaires, on s'aconstitution civile gitoit dans le laboratoire du conjuré Camus

successif de la

du clergé.

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pour enfanter la constitution civile du clergé; et c'est là que cet homme atrabilaire, entouré de tous les venins de la doctrine janseniste, la tête farcie des compilations de la philosophie contre l'Église ro

maine, a imaginé le plan d'une hiérarchie nouvelle, qui, substituée à celle fondée par Jésus-Christ et ses apôtres, devoit faire crouler les bases de la puissance ecclésiastique, la mettre sous le joug de la puissance civile, avilir l'épiscopat, dégrader le sacerdoce, briser les liens qui les tenoient au centre de l'unité catholique, et enfin ériger le schisme en loi du royaume au milieu d'une monarchie très-chrétienne, dévouée depuis quatorze cents ans au siége pontifical de Rome.

Quand Camus eut mis la dernière main à son œuvre d'iniquité, il ne crut pas devoir d'abord en présenter l'ensemble. Son aspect révoltant auroit pu armer contre son irréligieuse production tout ce qui tenoit encore aux vrais principes de l'Église romaine; il avoit bien pour lui le comité qui en devoit faire le rapport, et les galeries, qui opinoient avec clameurs, étoient soudoyées par sa faction; mais il existoit dans l'assemblée nationale des ecclésiastiques et des évêques dont les lumières et l'éloquence pouvoient dessiller les yeux des députés non encore pervertis, et se procurer par-là une majorité qui romproit les mesures concertées pour abattre la puissance du clergé. On avoit encore à craindre l'opposition et l'influence du ministère qui pouvoit éclairer le roi et l'engager à refuser

Réduction des évêchés en quatre.

vingt-trois; un par département.

sa sanction. Or, pour obvier à tous ces inconvéniens, Camus, par le conseil de Mirabeau et de l'abbé Sieyes, se détermina à n'offrir à la délibération que des objets isolés et de loin à loin, lesquels, successivement adoptés par les moyens prépondérans qu'on sauroit mettre en œuvre, forceroient l'adoption définitive de tout l'ensemble par l'assemblée.

Telle fut sa marche et celle du comité ecclésiastique dont il étoit l'ame et le rapporteur. On épia les jours et les séances les plus favorables pour trouver moins d'opposition, et on s'arma de tous les moyens qui devoient entraîner la pluralité des suffrages. Alors, sans annoncer le but où l'on vouloit atteindre, on proposa de diminuer le nombre des évêchés beaucoup trop multipliés, disoit-on, et d'en réduire le nombre à celui des départemens qui avoient été fixés à quatre-vingt-trois.

Cette proposition n'avoit en elle-même rien de contraire à la hiérarchie de l'Église; les députés séculiers ne la regardèrent que comme un arrangement plus convenable et plus analogue à la nouvelle division géographique du royaume, déjà décrétée. Les curés, qui ne voyoient pas le piége, n'avoient aucun intérêt de s'y opposer: les évêques et les ecclésiastiques qui craignirent les conséquences de cette nouvelle

démarcation, exprimèrent leurs inquiétudes, mais ils s'énoncèrent avec la plus. sage modération. Les évêques de France, dirent l'archevêque d'Aix et l'abbé de Montesquiou, se prêteront toujours avec zèle à tout ce qui pourra concourir au bien du royaume, pourvu que toutes les formes exigées par les canons et les lois de l'Église soient exactement observées. L'abbé Maury, s'élevant avec cette nerveuse éloquence qui a toujours caractérisé ses discours, vouloit que cette discussion fût renvoyée à une assemblée du clergé : « Elle seule, disoit-il, est compétente, sous le bon plaisir du pape et l'autorité du roi, pour précéder à cette nouvelle division; elle peut bien, ajoutat-il, être désirée par la puissance civile mais elle ne doit point être décidée par elle.» Cette opinion fut celle des évêques et de plusieurs autres députés ecclésiastiques et séculiers. Mais malgré ces judicieuses réclamations, la proposition mise aux voix fut décrétée. Les opposans s'abstinrent alors d'opiner dans une matière qu'ils regardoient comme n'étant point du ressort de l'assemblée nationale. Cette manière, trop peu énergique, d'improuver la délibération en tranquillisant peut-être la conscience des non-votans, donna une grande prépondérance à la faction contraire; elle se persuada, dès lors, qu'il lui seroit dorénavant

Election des évê

ques par les départemens, et des

curés par les districts.

plus facile de décider la majorité des suffrages en sa faveur, en faisant passer outre, malgré le refus de voter. Ce premier pas stationnaire des évêques étoit un grand acheminement au succès du plan de Camus: ce fut le motif qui l'engagea à se hâter d'en faire décréter successivement toutes les parties. Ces premiers coups portés avec succès, Camus, impatient de mettre son grand œuvre au jour, s'arme enfin de sa massue pour donner ce qu'il appeloit le coup de grâce à l'épiscopat. Alors on le voit paroître à la tribune; tout avoit été préparé pour son triomphe. Son discours, travaillé avec toute la magie de la diction, appuyé par une érudition qui remontoit jusqu'au siècle des apôtres, sembloit démontrer le grand avantage de ramener par les élections, les évêques et les curés à leur primitive institution. On assure que Mirabeau, à qui Camus avoit fourni tous les matériaux, avoit tenu la plume, et avoit déployé dans ce discours tout le feu de son impétueuse éloquence. Sûr de provoquer les applaudissemens des galeries et du plus grand nombre des députés, l'auteur s'étendoit avec complaisance sur le luxe des évêques; sur leur vie trop mondaine; sur l'oubli total où sembloient être les grands bénéfices que la quatrième partie de leurs revenus appartenoit aux pauvres; sur l'immoralité

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