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de Nanci.

demanderoit, au nom du clergé de France et de tous les catholiques du royaume, que la religion catholique, apostolique et romaine fût, par un décret solennel, déclarée religion dominante de l'Etat. L'évêque de La Fare, évêque Nanci fut chargé de cette mission: ses vertus et la science de la religion en faisoient une des lumières de l'Eglise gallicane. Il monta à la tribune et fit la motion concertée, provoquée par la crainte bien fondée des mauvaises intentions du parti anti-chrétien. L'on devoit croire qu'elle n'éprouveroit ni discussion ni contradiction de la part d'une nation qui se faisoit gloire, depuis le règne de Clovis, de professer et de protéger la religion catholique.

L'évêque de Nanci fit cette motion avec une sensibilité tellement touchante, que l'onction de ses paroles auroit enflammé tous les cœurs et entraîné tous les suffrages, si l'irréligion et le libertinage des conjurés et de leurs adeptes n'en avoient détourné les salutaires effusions. Personne n'osa s'y opposer de front, ni combattre cette proposition à découvert; les temps n'étoient point encore arrivés où le blasphème contre la Religion et la Divinité a été hautement et légalement canonisé par les représentans de la nation française. Les esprits n'étoient point encore préparés à une si étrange métamorphose. Les factieux se couvrant

du masque d'un respect hypocrite, se déterminèrent à louvoyer pour empêcher d'arriver au but que s'étoit proposé l'auteur de la motion. Le baron de Menou, acharné, révolutionnaire qui s'est dégradé en combattant contre les royalistes de la Vendée, étoit en ce moment président : il affecta de marquer son étonnement sur une proposition qui sembloit élever des doutes sur les véritables sentimens de l'assemblée il ajouta que la profession de foi de l'assemblée ne pouvoit plus être équivoque depuis la résolution annoncée par lui de ne soudoyer que le culte catholique. Les deux Lameth et le duc de Liancourt, qui, comme le baron de Menou, se faisoient gloire d'être des incrédules, parlèrent sur le même ton; ils étoient les précurseurs lancés par Mirabeau. Ce grand conspira

:

teur se montra dans cette circonstance avec un calme qui ne lui étoit pas ordinaire; il emprunta les accens de la modération pour détourner la délibération, en disant que l'assemblée, uniquement occupée à régler les choses de la terre, ne devoit point s'immiscer dans les choses du ciel; que, d'ailleurs, son attachement à la religion catholique romaine, ne pouvoit point être douteux, au moment où son culte alloit être mis par elle au premier rang des dépenses publiques : il finit par conclure qu'il

Refus de déclarer la religion ca

de l'état.

seroit déclaré que la majesté de la religion et le profond respect qui lui est dû, ne permettoient pas qu'elle devînt un sujet de délibération, attendu que les représentans de la nation n'avoient aucun pouvoir sur les consciences. Le vernis d'une vénération hypocrite couvroit sensiblement le vrai but de cette conclusion dérisoire; et, sortant de la bouche d'un athée, pouvoitelle être équivoque? Mais la partie étoit liée; l'avis de Mirabeau fut adopté par une majorité factice qui fut tumultuairement applaudie par les galeries. Camus, qui avoit paru sensiblement agité par la crainte tholique religion de voir échouer le plan de sa hiérarchie nouvelle dont il vouloit faire la religion de l'état, ne douta plus de son succès quand il vit que les manoeuvres de ses complices avoient adroitement fait rejeter la délibération. L'évêque de Nanci, assez clairvoyant pour prévoir tout ce qui alloit résulter contre la religion du parti que venoit de prendre l'assemblée, jugea que, désormais inutile à la cause de l'Église dont la perte étoit jurée, il feroit sagement de se retirer, pour ne participer, sous aucun rapport, aux violentes secousses qu'on alloit donner à la foi catholique. La résolution que venoit de prendre l'assemblée nationale fut un triomphe pour la philosophie du jour, c'est-à-dire, l'impiété : elle

clamation des dé

vit dès lors avec une espèce de certitude que ses efforts pour avilir la religion romaine ne seroient pas vains. Son souffle empesté, dominant dans les comités, et refluant dans les délibérations de l'assemblée, s'attachoit à tout ce qui pouvoit dégrader le culte catholique et ses ministres; et les factieux, pour arriver à leurs fins, prenoient des circuits combinés avec art. Mais voulant faire tomber l'enseignement catholique dans les paroisses, et attirer l'attention des peuples sur les travaux jour

naliers des législateurs, ils imaginèrent de Lecture et pro- faire substituer aux prônes la lecture et la ciets aux prones promulgation des innombrables décrets de des paroisses. l'assemblée. Alors c'étoit introduire un aliment profane à la table où le pain de la parole de Dieu doit seul être distribué; c'étoit diminuer le respect pour le lieu saint dès qu'on le transformoit en une espèce de halle où se lisoient les proclamations du gouvernement sur des objets purement civils et temporels; c'étoit vouloir faire pénétrer dans les esprits un suc étranger à la religion, pour les habituer à en négliger les préceptes et les maximes; c'étoit assimiler aux huissiers du barreau les ministres de l'Eglise, que de les forcer à monter dans la chaire de vérité pour y publier des lois profanes; c'étoit avilir leur saint ministère; c'étoit enfin interrompre

l'enseignement de la religion dans le lieu même où la loi de Dieu et de l'Eglise en faisaient un devoir rigoureux aux pasteurs des ames. Comment en effet allier dans un prône la lecture et l'interprétation de l'Evangile avec le Code de lois subversives de la doctrine des saintes Ecritures? Comment mêler les paroles de Jésus-Christ avec celles d'hommes dont un grand nombre étoit connu pour ne pas croire en lui? N'étoit-ce pas prêcher aux peuples l'indifférence et même le mépris pour les objets de son culte? Aussi quand ce décret fut proposé, il trouva la plus forte opposition de la part des évêques, des ecclésiastiques bien pensans, et des députés soumis aux lois de l'Église; mais, malgré cette opposition, il fut adopté comme un réglement obligatoire pour tous les curés, avec ordre aux municipalités de les y contraindre. Qu'en résulta-t-il? ce qui avoit été prévu; des scènes indécentes au milieu du sanctuaire, des scandales aux pieds des autels, des cris tumultueux dans la maison de Dieu, enfin l'appareil de la force armée dans le temple de la paix, pour présider à la promulgation des décrets, en forcer la lecture et commander l'attention; et que n'a-t-on pas vu à l'occasion de ce décret? Des municipaux en écharpes, précédés de gardes nationaux, la baïonnette haute, entrer dans les temples

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