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obstacles qu'on lui oppose, le détermina à avoir des conférences avec le député Thouret, alors président de l'assemblée.

Cet avocat, plein d'astuce et de mauvaise foi, parvint à persuader au roi qu'après son acceptation et la proclamation de la constitution, il seroit moins difficile de trouver des moyens de ramener la paix dans l'Eglise et dans l'Etat. Entraîr par cette espérance, Louis XVI écrivit, le 13 septembre, à l'assemblée nationale qu'il acceptoit la constitution.

Dans cette lettre, dictée par Thouret, sa majesté demandoit une amnistie générale pour tous les délits qui avoient rapport à la révolution, et une abolition totale des procédures criminelles qui pouvoient être relatives à son départ. Thouret avoit promis au roi le succès de cette demande si conforme à la bonté de son coeur. En effet, un décret solennel l'accorda en considération de l'acceptation du roi. En conséquence ce monarque se rendit le 14 à l'assemblée nationale, il y signa la constitution, et après un discours composé par Thouret, il jura de la maintenir de tout le pouvoir qui lui étoit délégué. Le 15, il fut décrété que l'acceptation solennelle du roi seroit proclamée dans tout le royaume; qu'il y auroit partout des fêtes nationales et des illuminations, et que le jeudi 22, le Te Deum se

roit chanté à Notre-Dame, en actions de grâces d'un événement qui consolidoit la liberté française.

Ainsi fut porté le dernier coup de massue, qui, sans renverser encore le trône, l'ébranla tellement sur ses bases, qu'il n'étoit plus qu'un trône chancelant et dégradé. Les pierres angulaires qui faisoient sa stabilité en étoient ôtées, et la majesté qui en rehaussoit l'éclat avoit disparu.

III.

La Destruction de la Magistrature.

LA dégradation du trône devoit nécessairement entraîner la destruction de la magistrature. En France la magistrature étoit une des plus belles émanations de la royauté; les parlemens, quelle que soit l'époque de leur origine, avoient été créés pour rendre la justice au nom du roi et pour vérifier les lois. Souvent consultés par le monarque sur les objets les plus importans du gouvernement, ils devoient à leurs lumières et à leur incorruptible intégrité, l'estime du souverain et la confiance des peuples. Depuis que les états-généraux du royaume avoient cessé de s'assembler, les parlemens étoient regardés comme une puissance intermédiaire entre le trône et les su

jets, puissance non souveraine, mais subor donnée. Cette majestueuse prérogative n'étoit pas un droit inhérent à la haute magistrature; leurs provisions, qui étoient leurs seuls titres, ne leur donnoient que celui de juger les procès.

Le discours fait par les députés des étatsgénéraux de Blois à Henri IV, les qualifie, il est vrai, représentans des états-généraux au petit pied pour la vérification des lois : mais ces expressions sont purement oratoires et non constitutionnelles, puisqu'elles ne sont consignées dans aucune loi, dans aucun statut sanctionné par le roi. Les régences et les minorités ont seules donné aux parlemens cette grande influence qui les rendoient, pour ainsi dire, maîtres des lois, puisqu'ils avoient contracté l'habitude, en les vérifiant, de les modifier, et quelquefois même d'en refuser l'enregistrement. De là les lettres de jussion, les lits de justice et les exils.

Cette fermeté et cette résistance les avoient rendus chers aux peuples qui les regardoient comme leur bouclier contre le despotisme des ministres et les impôts arbitraires. Les parlemens étoient en possession du droit de remontrances au roi, quand la fiscalité, les mauvais calculs ou les combinaisons peu réfléchies d'un contrôleur-général pesoient trop sur le peuple.

par des impôts onéreux : c'est alors que les compagnies souveraines opposoient l'énergie de la résistance la plus respectueuse; c'étoit alors par eux que la vérité parvenoit au pied du trône. Lorsque l'autorité séduite vouloit dépasser les bornes de la justice distributive, ils se montroient sans crainte les défenseurs du peuple, comme ils étoient en même temps les plus intrépides athlètes de la royauté lorsqu'il s'agissoit de maintenir les droits et les prérogatives de la couronne. Alors l'égide des lois étoit entre leurs mains ce qu'auroient été les armes d'Achille entre les mains de nos guerriers. Peut-être l'enthousiasme de ce qu'ils croyoient être leur devoir, les a-t-il quelquefois entraîné au delà des bornes de la subordination et de l'obéissance; peut-être leurs remontrances, leurs itératives représentations auroientelles dû être plus mesurées; peut-être n'auroit-on pas dû les rendre publiques par la voie de l'impression pour ne pas habituer le peuple à méconnoître l'autorité du monarque; peut-être enfin leur résistance opiniâtre et un si funeste appel aux étatsgénéraux, lors des impôts territorial et du timbre, n'avoient-ils pas été assez combinés. Ils ne vouloient alors qu'embarrasser et étonner un ministre despote qui abusoit de la confiance et de la facilité du monarque; et c'est à cet élan trop précipité, ou plutôt

à cette imprévoyance, que nous devons les calamités dont on peut dire que les parlemens sont la cause non coupable, mais accidentelle. Au reste, quelque jugement que l'on porte sur leur conduite pour les approuver ou les blâmer, ces corps vraiment augustes formoient autour du trône une masse de lumières et de force qui en rehaussoit la splendeur et en fortifioit l'autorité. Dès lors on ne doit plus être étonné des mesures prises par l'assemblée des factieux et par les jacobins pour opérer la chute et la destruction des parlemens, des chambres des comptes, des cours des aides et de toutes les compagnies souveraines de judi

cature.

Outre les chambres des comptes de Paris, de Blois, de Nanci et de Bar-le-Duc pour tout ce qui étoit relatif aux domaines de la couronne et à la comptabilité de ses agens; outre les cours des aides, de Paris, de Montpellier et de Clermont en Auvergne pour tout ce qui étoit du ressort des formes générales des aides et gabelles, la France avoit pour rendre la justice treize parlemens, deux conseils souverains et deux conseils supérieurs où ressortissoient le Châtelet de Paris, les présidiaux, les bailliages, les sénéchaussées et autres juridictions subalternes du royaume. Les parlemens avoient pour ressort, 10 Paris, cour des pairs, le plus

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