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6. LES BÉARNAIS ET LES BASQUES.

Si les hommes des Pyrénées n'ont pas entrepris de lutter de hardiesse avec les pics qui les environnent, il ne faut pas croire qu'ils n'aient bâti que des taupinières. Souvent un fier donjon s'élance d'un rocher abrupt, gardien naturel à l'entrée de ces vallées délicieuses, où nos pères marchaient avec moins de sécurité que nous. Dans ce coin de terre se sont conservés deux peuples historiques, les Béarnais et les Basques. Il faut visiter dans leurs jours de fête ces Béarnais qui se font gloire d'être restés fins, féaux et courtois 3). Pendant que les provinces environnantes prennent la mode de la blouse et du pantalon, les Béarnais ont le bon esprit de garder le costume de leurs pères; les femmes portent encore le capulet qui leur va si bien; les hommes, le béret, la veste rouge, la ceinture éclatante, la culotte courte et les guêtres, qui donnent à toute leur personne un air vif et dégagé. Jamais on ne vit gens plus lestes à la danse, pendant que le ménétrier, sur son tonneau, exécute un air mélancolique et monotone sur une espèce de guitare à quatre cordes, ressemblant assez à la cithare des anciens.

Le peuple basque a moins de charme et plus de gravité. C'est plaisir de suivre les jeunes gens de deux villages se livrant un combat d'adresse et de vigueur. Les anciens siègent au banc des juges, et derrière eux, dans l'enfoncement du mur, une bonne bouteille est au frais pour venir en aide aux jugements difficiles. Mais, plus encore que son jeu de paume, chaque village entretient avec soin le lieu des sépultures. Ce lieu de deuil est tout planté de rosiers. Nul n'entre à l'église sans avoir prié sur la tombe des siens.

Le culte des morts est le signe des races qui vivent longtemps, qui ne laissent perdre ni l'esprit de famille, ni l'héritage

1) Tarn, Lot und Dordogne sind Nebenflüsse der Garonne. 2) Das sonst hörbare t von Lot ist hier des Reimes wegen stumm. 3) gut, treu und ritterlich.

des traditions. Chaque année des centaines de Basques, séduits par les beaux vaisseaux mouillés à Bayonne, vont tenter la fortune en Amérique. Enrichis, ils ont hâte de revoir le pays et la famille, et d'orner de présents l'église, à l'ombre de laquelle ils seront enterrés à côté de leurs aïeux. D'après Dussouchet.

7. LA TOURAINE.

Connaissez-vous cette partie de la France que l'on a surnommée son jardin? ce pays, où l'on respire un air pur dans des plaines verdoyantes arrosées par un grand fleuve? Si vous avez traversé dans les mois d'été la belle Touraine, vous aurez longtemps suivi avec enchantement la Loire paisible; vous aurez regretté de ne pouvoir déterminer entre les deux rives celle où vous choisiriez votre demeure. Lorsqu'on accompagne le flot jaune et lent du beau fleuve, on ne cesse de perdre ses regards dans les riants détails qu'il présente. Des vallons peuplés de jolies maisons blanches qu'entourent des bosquets, des coteaux jaunis par les vignes ou blanchis par les fleurs du cerisier, de vieux murs couverts de chèvre-feuilles naissants, des jardins de roses d'où sort tout à coup une tour élancée, tout rappelle la fécondité de la terre ou l'ancienneté de ses monuments, et tout intéresse dans les œuvres de ses habitants industrieux. Rien ne leur est inutile: il semble que, dans leur amour d'une aussi belle patrie, ils n'aient pas voulu perdre le moindre espace de son terrain, le plus léger grain de son sable. Le rocher même est habité des familles de vignerons respirent dans ses profonds souterrains, abritées dans la nuit par la terre nourricière qu'elles cultivent laborieusement durant le jour. A. de Vigny.

8. LA FÊTE DES ROGATIONS1) A LA CAMPAGNE.

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La cloche du village sonne gaîment dans l'air pur d'un beau matin de mai, et de tous côtés arrivent les fidèles pour la procession qui doit passer à travers les champs et implorer la bénédiction de Dieu sur les produits de la terre. Le vieux paysan au dos courbé, son fils droit et fort, le vigneron de la colline, le bûcheron de la forêt: tous arrivent, tout ce qui a de bonnes jambes pour une longue course, fillettes et garçonnets

1) Das Rogationsfest findet drei Tage vor Himmelfahrt mit öffentlichem Gebet um Segen für die Feldfrüchte statt.

et graves paysannes d'âge mûr n'ayant plus à la maison de petits enfants à soigner.

On s'assemble au cimetière. De l'église sort le vieux curé; devant lui marche le bedeau de la paroisse portant la bannière, et le plus fort, le plus grand des enfants de chœur en robe rouge et surplis blanc, porte la croix d'or ou d'argent. — Après une courte allocution du curé, où l'on entend revenir ces mots : „Mes enfants, mes chers enfants," on se met en route, chantant des cantiques, récitant le rosaire, et la longue file passe à travers les sinuosités du chemin comme un serpent noir piqué ça et là de taches rouges, brunes, bleues, blanches (ce sont les jupes et les coiffes des femmes). La bannière flotte au vent, la croix étincelle et les têtes blondes des enfants ont la couleur du blé mûr.

On a beaucoup marché, le soleil brûle, la faim et la soif se font sentir; la procession revient au village, chacun rentre chez soi, dîne comme il peut, et l'on se remet à l'ouvrage; le travail termine ainsi dignement cette belle journée commencée par la prière.

9. UNE FÊTE DE VILLAGE.

Mme Battanchon.

Le joli village de Fontenay-aux-Roses 1) est dans la joie: c'est la fête du pays! De bonne heure, les villageois ont revêtu leurs plus beaux habits et se répandent dans les rues, l'air joyeux et content. Le soleil contribue, par son éclat radieux à entretenir dans les esprits cette gaîté qu'ont fait naître déjà les grandes affiches de la fête et la vue des baraques. On se dirige vers la place de la mairie: c'est là le centre de la fête. Quel bruit! Quel tapage! On n'entend que des zim boum boum; on ne voit que des paillasses, des clowns, des arlequins; on crie, on applaudit, on se bouscule!

Les marchands forains ne chôment pas non plus: leurs boutiques sont assiégées! Voici d'abord la grande loterie tunisienne. „Arrivez, messieurs et mesdames, arrivez, ça ne coûte que deux sous, dix centimes: à tous les coups on gagne!" A côté, de beaux hommes en pain d'épice allèchent toute une foule d'enfants; chacun tire sa mère par la robe et murmure: „Achète-moi ce grand -là, je serai bien sage!" Et le pain d'épice est acheté et il est bien vite mangé. Cependant on

1) Dorf in der Nähe von Paris.

entend un cri strident: c'est Guignol qui appelle les clients. Bientôt des spectateurs de tout âge se pressent devant le théâtre; on se bouscule, on défend sa place, on rit à gorge déployée.

Voici enfin les éternels chevaux de bois: on monte littéralement à l'assaut pour avoir une place. Puis tout se met en mouvement avec une rapidité effrayante. Et les petits enfants ont peur de tomber, et l'orgue de Barbarie1) fait entendre la chanson du jour qu'il répétera jusqu'au soir sans trêve ni merci.

Des exclamations: Il montera, il ne montera pas!" font abandonner à l'instant les chevaux de bois et attirent la foule autour d'un mât de cocagne bien savonné, à l'extrémité duquel se balancent avec une sorte de sécurité railleuse une montre, un saucisson, des foulards! Et, pendant que de jeunes villageois montent à l'arbre, redescendent pour remonter, on entend ces invitations passionnées qui partent du cirque africain: „Entrez, Messieurs et Mesdames, entrez, c'est pour rien: 50 centimes seulement. Entrez, vous verrez la demoiselle à quatre jambes, le grand veau illustrissime, né à Mirlitlis, capitale de la Lune; des boas gigantesques qui avalent un bouf; les beaux lions du désert, la vraie panthère d'Afrique, les ours qui luttent avec des hommes! Entrez, vous verrez tout cela . et, ce que

je ne vous dis pas.

La fête est dans tout son éclat. Tout le monde est heureux: on ne voit que des visages souriants; on n'entend que des paroles aimables. Il n'est pas jusqu'aux pauvres qui n'aient un air de fête. Voyez le père Mathurin! Sa figure est moins ridée; il s'appuie moins sur son bâton. C'est qu'aujourd'hui les cœurs sont meilleurs, et les mains sont plus prêtes à donner. On veut voir tout le monde heureux. D'après Morlet et Richardot.

10. LES ENFANTS DE SAVOIE.

Les enfants de Savoie naissent seulement dans leurs vallées, ils n'y reviennent que pour mourir. Semblables à ces grands fleuves que leurs montagnes versent à l'Allemagne, à l'Italie et à la France, ils se répandent comme eux dans les contrées qui les avoisinent, après avoir puisé dans leurs chaumières, qu'ils n'oublient jamais, ce qu'ils n'eussent point trouvé ailleurs: la simplicité et la droiture du cœur, et une fidélité aussi incorruptible que la neige de leurs glaciers.

1) Drehorgel.

C'est ordinairement sur la fin de l'automne que les caravanes se rassemblent. Les brouillards du matin ne sont pas encore dissipés. Les mères n'ont pas goûté de repos depuis huit jours, tant elles sont accablées de soins et d'inquiétude! Il a fallu rapiécer la veste de bure, faire partir les enfants avec du linge blanc; et puis, auront-ils toujours du travail et du pain? Reviendront-ils jamais dans leur village? ... Que de pleurs ont interrompu ces occupations! que de prières faites du fond du cœur! Enfin arrive le jour où il faut se séparer.

Il y a toujours dans le hameau un ou deux hommes qui ont fait leur tour de France 1) et qui sont chargés de conduire tous ces enfants. Ils sont là, debout, commandant déjà leur petite troupe et rassurant les femmes qui s'affligent. Les enfants sont tristes et soumis, car le curé leur a dit que Dieu le voulait. Ils mettent dans leur sac le pain qu'on leur donne, parce qu'ils n'ont pas le courage de manger; ils regardent, sans les écouter, les mères qui leur font longtemps leurs recommandations et puis les embrassent. On dit enfin la messe des voyageurs: il y a un grand recueillement dans toute l'église, après quoi chacun se sépare. On donne aux enfants la petite caisse où dort la marmotte; on leur enseigne à tenir les outils du ramoneur; les mères attachent la besace sur leurs épaules, les embrassent une dernière fois et rentrent pour pleurer. La caravane descend silencieusement le chemin de la colline, accompagnée de quelques enfants plus petits, de parents qui encouragent ceux qui partent, et du vieux curé, qui les arrête enfin à une croix de bois placée au détour du chemin, les bénit encore et ramène au village tous ceux qui doivent y rentrer.

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11. A LA GRACE DE DIEU 2). 1. Tu vas quitter notre montagne, Pour t'en aller bien loin, hélas3)! Et moi, ta mère et ta compagne, Je ne pourrai guider tes pas. L'enfant que le ciel vous envoie, Vous le gardez, gens de Paris;

Guiraud.

1) Faire son tour de France, seine Wanderschaft durch Frankreich machen. 2) Behüt' dich Gott! 3) Das sonst hörbare s ist hier des Reimes wegen stumm.

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