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votre roi." Elle-même, le prenant par la main, le reconnaît gracieusement pour son seigneur.

5. Les deux mariages.

Au comble de ses vœux, Gunther amène Brunhild à Worms et donne en arrivant Chrimhild pour femme à Siegfrid. Les deux mariages se célèbrent à la fois; et durant plusieurs jours ce n'est dans le palais et dans la ville, que fêtes, banquets et tournois.

Toutes les fêtes terminées, Siegfrid emmena Chrimhild dans le royaume de Niederland, dont son père lui céda la couronne.

6. La querelle des deux reines.

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Cependant Brunhild portait dans son cœur un souci toujours plus cuisant. Elle avait cru Siegfrid vassal de Gunther et s'était révoltée de lui avoir vu donner Chrimhild pour femme. Elle s'étonnait toujours de voir Siegfrid tranquille dans son royaume, ne songeant point à faire acte de vassal dans celui des Burgondes.

Elle se croyait fort au-dessus de Chrimhild et soupirait après l'occasion de faire valoir ses prétentions. Elle désirait aussi ardemment de revoir Siegfrid, comme pour résoudre les doutes mystérieux qu'elle avait à son sujet. Elle pria donc Gunther de les inviter l'un et l'autre à venir les visiter à Worms.

L'invitation fut faite par Gunther et acceptée par Siegfrid et Chrimhild qui, au bout de quelques jours, arrivèrent à la cour de Burgondie, suivis d'un brillant cortège. Ce ne fut d'abord que fêtes et jeux. Mais le démon d'orgueil et de jalousie qui tourmentait Brunhild ne tarda pas à troubler les fêtes.

Une conversation périlleuse s'engage entre les deux reines; Brunhild, parlant de Gunther et de Siegfrid, affecte toujours de regarder celui-ci comme le vassal ou l'inférieur du premier, et Chrimhild ne manque pas de repousser fièrement ces prétentions. La conversation dégénère peu à peu en querelle, et la querelle s'exaspère bientôt au dernier point. Chrimhild, dans sa fureur, laisse échapper un secret fatal: elle reproche à Brunhild d'avoir été deux fois domptée par Siegfrid, avant d'être la femme docile de Gunther; et en preuve de ce qu'elle avance, elle présente à sa rivale la ceinture et l'anneau que Siegfrid lui a enlevés

dans une seconde lutte à Worms où il a dompté la reine de

nouveau.

A cette révélation, la rage de Brunhild n'a plus de bornes, et toute la cour de Worms, bouleversée par la querelle des deux femmes, n'est plus qu'un lieu de désolation et de tumulte. Siegfrid a beau jurer qu'il ne s'est jamais vanté d'aucun triomphe offensant pour Brunhild; celle-ci continue à se lamenter, à pleurer, à se croire la plus malheureuse et la plus outragée des femmes.

7. Trahison de Hagen.

Hagen, voyant l'épouse de son seigneur en cet état, lui jure de la venger, et trame aussitôt contre Siegfrid un complot mortel, auquel le roi Gunther lui-même donne les mains et auquel s'oppose en vain Giselher, le plus jeune des frères de Chrimhild.

Hagen et ses complices font répandre le bruit que les Saxons et les Danois, déjà vaincus par Siegfrid, s'apprêtent à prendre leur revanche et vont fondre de nouveau sur les Burgondes. Sur ce faux bruit, Siegfrid, toujours généreux et toujours avide des occasions de se signaler demande à marcher contre eux. Ses services sont acceptés et les Burgondes s'assemblent, de tous côtés pour le suivre. Quand tout est prêt pour le départ, Hagen va trouver Chrimhild comme pour prendre congé d'elle et recevoir ses ordres.

Chrimhild, plus inquiète que les autres, de voir Siegfrid partir pour la guerre, le recommande tendrement aux soins de Hagen. Celui-ci veut savoir quelle espèce de service il peut rendre à un guerrier tel que Siegfrid, invulnérable et invincible. Égarée par l'inquiétude, Chrimhild découvre alors à Hagen un funeste secret: elle lui raconte que quand Siegfrid se baigna dans le sang du dragon qui le rendit invulnérable, une large feuille de saule lui tomba sur le dos, entre les deux épaules, et que la place couverte par cette feuille est restée vulnérable.

Hagen promet de se tenir toujours aux côtés de Siegfrid, et de veiller à ce que personne ne lui porte de coup en cet endroit fatal. Mais pour y veiller avec plus d'assurance, il engage Chrimhild à coudre sur le vêtement du guerrier quelque signe, pour bien marquer la place vulnérable, et la crédule épouse lui annonce qu'elle y va coudre une petite croix.

8. Mort de Siegfrid.

Maître de ces précieux secrets, Hagen se retire tout joyeux, et fait répandre aussitôt le bruit, que les Saxons et les Danois qui menaçaient les Burgondes ont renoncé à leur projet d'invasion et se sont retirés. Ce n'est plus de combat qu'il s'agit, mais d'une brillante partie de chasse, pour laquelle tout est déjà préparé et à laquelle le roi Gunther invite Siegfried.

Avant de partir pour cette chasse, le héros va prendre congé de Chrimhild. Celle-ci agitée par des rêves sinistres qu'elle vient de faire, pleine de pressentiments funestes et de repentir d'avoir livré à Hagen des secrets si graves, cherche par toute sorte de prières et de caresses, à détourner Siegfrid de la partie de chasse projetée; mais le héros, souriant à ses craintes, la quitte avec de tendres adieux.

La chasse a lieu dans une épaisse et vaste forêt; et après la chasse, un repas est servi dans la forêt même; repas où les mets abondent, mais ou le vin manque: il a été oublié à dessin. Siegfrid se meurt de soif; Hagen lui propose de le conduire, lui et les autres convives, à une belle source toute voisine, où chacun pourra étancher sa soif à l'aise. L'invitation est acceptée avec reconnaissance; on arrive à la source; Siegfrid remet aux mains de Hagen son épée et son arc, dépose son bouclier à terre, s'agenouille et se penche vers la source pour boire. Hagen, saisissant le moment, le frappe de sa lance à l'endroit marqué par la croix et s'enfuit épouvanté du coup qu'il vient de porter.

Bien que blessé mortellement, Siegfrid se relève, cherche son épée et, ne la trouvant pas, se met à la poursuite de son meurtrier, sans autre arme que son bouclier qu'il a ramassé. Il le lance à Hagen, et de la force du coup le bouclier se brise et Hagen est renversé. Mais le héros tombe, de son côté, dans son sang, et son dernier souffle s'exhale avec un torrent d'imprécations et de reproches contre ses perfides ennemis.

9. Fin.

Les meurtriers auraient probablement laissé son cadavre dans la forêt; mais Hagen a ses raisons pour le faire rapporter au palais; il le fait jeter tout sanglant à la porte de Chrimhild et placer de manière qu'il soit le premier objet que la malheureuse apercevra le matin, quand elle sortira pour se rendre à l'église.

On se représente aisément les cris, les larmes, les lamentations de Chrimhild à cette vue, et la désolation qui se répand dans le palais. Aux obsèques de Siegfrid, Chrimhild accuse hautement Hagen d'en être l'assassin, et requiert de lui l'épreuve du sang. C'était une croyance assez généralement répandue au moyen âge, que si un homme était tombé victime d'un assassin secret, la plaie du mort se rouvrait et saignait de nouveau à l'approche de l'assassin, qui se trouvait découvert. Sur la sommation de Chrimhild, Hagen s'avance vers le cadavre de Siegfrid, de la blessure duquel le sang recommence aussitôt à jaillir. Hagen le voit, mais il n'est pas homme à se troubler pour de pareilles choses.

Le premier dessein de Chrimhild, devenue veuve, était de retourner dans le pays de Siegfrid, pour y finir sa vie dans les larmes et le deuil. Mais sa mère Ute, Gernot et Giselher, ses deux jeunes frères, qui n'avaient pris aucune part au meutre de Siegfrid, et qui l'aimaient tendrement, la décidèrent à force de prières, à rester à Worms avec eux. Elle se fit bâtir une habitation, près de l'église, et mena dès lors la vie la plus pieuse, mais sans se consoler de sa perte.

18. LA FILLE DU GÉANT DE NIDECK.

Fauriel.

Le château de Nideck, dont les ruines s'élèvent dans les Vosges 1), près de Haslach, était jadis habité par des chevaliers d'une taille gigantesque, auxquels appartenait tout le pays d'alentour.

Un jour, la fille d'un de ces géants s'avisa de quitter l'obscurité des forêts qui couvraient alors tout le vallon. A peine eut-elle fait quelques pas qu'elle se trouva aux environs de Haslach, au milieu d'un champ qu'un paysan était occupé à labourer. L'aspect de la plaine, celui du petit être qui se démenait pour faire marcher son attelage, tout cela était nouveau pour elle et la remplit de surprise. Dans son humeur enfantine, elle s'agenouille aussitôt pour examiner de plus près ces merveilles inconnues. Enfin, malgré les cris désespérés du paysan et de ses bêtes qui se débattaient de toutes leurs forces, elle passe sa main sur le sol et, les enlevant d'un seul coup, elle les enferme dans son tablier. Il ne lui fallut que quelques

1) Sprich voge, Vogesen.

pas pour regagner le château, et toute joyeuse, elle entre dans l'appartement de son père pour lui montrer le joli jouet vivant qu'elle vient de trouver.

Elle place sur la table le paysan, les chevaux et la charrue et les pousse du doigt pour leur faire continuer leur course. Mais le géant, rapprochant ses sourcils en signe de mécontentement, dit: „Ma fille, tu as fait là une belle chose! Ceci n'est point un jouet! Va bien vite remettre à son travail cet homme avec ses chevaux et sa charrue, et sache que c'est lui qui cultive le blé dont on fait le pain que nous mangeons. Si ces petits êtres ne labouraient pas la terre, nous autres géants, au fond ne nos rochers, nous n'aurions pas de quoi vivre."

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Plus tard, après cinq cents années,
Je revis les mêmes contrées.

2. Et plus de trace de l'endroit;
Un troupeau broutait la charmille,
Un berger jouait du haut-bois.
„Où donc," dis-je, l'ancienne ville?"
Lui, des chants sans rompre le cours 1):
"L'un meurt, quand l'autre voit le jour,
Et ce pré fut le mien toujours."“

Plus tard, après cinq cents années,
Je revis les mêmes contrées.

3. C'était un lac poussant des flots,
Un pêcheur y pêchait avide;

Quand il s'arrête sur les eaux,
„Depuis quand donc ce lac limpide?"
Dis-je; et riant à mes discours:

Stober.

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