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Un jour d'été, à midi, Jeanne étant au jardin de son père près de l'église, elle vit de ce côté une éblouissante lumière et elle entendit une voix mélodieuse qui lui parlait.

Jeanne se sentit d'abord saisie d'une grande frayeur; mais la voix lui parla avec tant de douceur, que cet effroi fut bientôt dissipé, et elle ne douta plus que cette voix mystérieuse ne vînt du ciel, parce que toutes ses pensées étaient constamment vers Dieu.

Plus tard, Jeanne gardait son troupeau dans la campagne; elle était encore seule; la même voix se fit entendre, et plusieurs anges éclatants de beauté s'offrirent à ses yeux; ils étaient environnés d'une clarté éblouissante. L'un d'eux avait les traits et la physionomie d'un homme vertueux; il lui dit qu'il était l'archange saint Michel, l'un des anges les plus puissants, celui qui terrassa les anges rebelles. „Dieu," lui dit-il, „ayant pitié de la France, t'a choisie pour la délivrer du joug des Anglais et conduire Charles VII à Reims1), afin qu'il y soit sacré, comme l'ont été ses aïeux.

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A ces mots, la jeune bergère fondit en larmes; elle représenta à l'envoyé céleste qu'elle n'était qu'une pauvre fille, accoutumée à une vie simple et modeste, et qu'elle ne saurait ni monter à cheval ni conduire une armée. Mais l'archange la rassura, en lui promettant le secours de Dieu.

Pendant ce temps, les Anglais, auxquels il restait peu de chose à faire pour conquérir tout le royaume, vinrent mettre le siège devant Orléans. Ne pouvant résister plus longtemps, Jeanne résolut d'obéir à la voix céleste, avec la ferme confiance que Dieu de qui elle tenait sa mission, l'aiderait dans sa tâche difficile. Elle s'adressa à Baudricourt, officier dévoué à Charles VII, et suivie de ses deux frères qui voulurent l'accompagner, elle arriva à Chinon, où était alors le roi.

Ducoudray.

14. LES ADIEUX DE JEANNE DARC A SON VILLAGE NATAL.

„Adieu, montagnes, pâturages chéris, vallons doux et paisibles, adieu! Jeanne ne promènera plus ses pas sur vos sentiers, Jeanne vous dit un éternel adieu! Gazon que j'arrosais, arbres que j'ai plantés, reverdissez gaiement encore. 1) Siehe Seite 96.

Adieu, grottes et sources fraîches, et toi, écho, aimable voix de la vallée qui souvent répondis à mes chansons, Jeanne s'en va et ne reviendra plus.

Doux théâtre de mon enfance paisible, je vous quitte pour toujours. Agneaux, dispersez-vous sur la bruyère, vous êtes à présent sans bergère; je vais guider un autre troupeau à travers les périls, sur les champs ensanglantés. Ainsi l'ordonne la voix de Dieu.

„Va, m'a-t-il dit, tu dois rendre témoignage pour moi sur la terre. Tu enfermeras tes membres dans une armure d'airain, tu couvriras d'acier ta poitrine délicate. Jamais la couronne de fiancée ne parera ta chevelure, et nul doux enfant ne s'épanouira sur ton sein. Mais je t'élèverai par la gloire des armes au-dessus de toutes les femmes.

,,Quand les plus braves hésiteront dans le combat, quand le destin de la France semblera approcher de son terme, tu porteras mon oriflamme1): et comme la moissonneuse active abat les épis, tu abattras le vainqueur orgueilleux. Tu porteras aux fils héroïques de la France un secours salutaire, et après avoir délivré le roi, tu le couronneras à Reims.

„Le ciel m'appelle par un signe : il m'envoie ce casque: c'est de lui que ce casque me vient. En le touchant, j'éprouve une force surhumaine, et le courage pénètre dans mon cœur. Ce sentiment m'entraîne dans le tumulte de la guerre, m'emporte avec la force de l'orage. J'entends le cri puissant des combats qui résonne jusqu'à moi; le cheval de bataille frappe du pied la terre, et la trompette retentit.“

15. JEANNE DARC DEVANT LE ROI.

Prince, je vous dirai la simple vérité:

Quand déjà les Anglais dévastaient ce royaume,

Schiller.

Près des bords de la Meuse, et sous un toit de chaume,

Mes parents m'élevaient à côté de mes sœurs,

Et de la charité m'enseignaient les douceurs.
J'étais dans l'âge heureux que la paix accompagne;
Durant le jour, j'allais de montagne en montagne
Conduire nos troupeaux, ou, cherchant le saint lieu,
Chanter devant l'autel les louanges de Dieu.
Deux besoins de mon cœur, l'aumône et la prière,

et

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1) Die kleine rotseidene Fahne der alten französischen Monarchie.

Remplissaient mes instants. Dans notre humble chaumière
On me parlait souvent des maux de mon pays,

De nos princes captifs, par leurs sujets trahis.
Un jour, je m'arrêtai tremblante au pied d'un chêne;
15 J'y pleurai bien long-temps, et, tombant à genoux,
Je m'écriai: Seigneur, ayez pitié de nous!
Voyez nos rois proscrits, nos villes alarmées!

N'êtes-vous plus le Dieu qui commande aux armées?
Si nos fautes du ciel allument le courroux,

20 Ne frappez que moi seule; oui, je m'offre pour tous.
Rendez, rendez la France à sa gloire première .
Je parlais. . . et soudain dans des flots de lumière,
Au bruit miraculeux des célestes concerts,

Une vierge des cieux m'apparut dans les airs.

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25 Tes vœux sont exaucés; lève-toi," me dit-elle,
„Pars, Orléans t'appelle en sa fidèle enceinte,

Et le front de ton roi demande l'huile sainte 1)."
La vision céleste à ces mots s'envola;

Mais ses feux m'embrasaient, oui, je les sentais là.
30 Je portais dans mon sein sa promesse gravée;
Je brûlais pour la palme à mes mains réservée:
Affranchir son pays est un bien précieux,
Qu'on ne refuse pas lorsqu'on l'obtient des cieux.
De ce don solennel chaque jour plus éprise,
35 J'embrassais en espoir l'héroïque entreprise.

Surpris de mes transports, ignorant mon dessein, Mes parents effrayés me pressaient sur leur sein. Dans les bois, dans les murs de notre humble chapelle, Toujours la même voix ... „Dieu t'attend... Dieu t'appelle!" 40 Je partis..

Soumet.

16. LES EXPLOITS DE JEANNE DARC. Introduite dans la salle où se trouvait le prince (le roi Charles VII) qu'elle n'avait jamais vu, elle alla droit à lui quoiqu'il fût plus simplement vêtu que tous les seigneurs qui l'environnaient et qu'il se cachât à dessein derrière eux. Elle lui déclara qu'elle venait, sur l'ordre de Dieu, faire lever le siège d'Orléans et le conduire à Reims, pour qu'il fût sacré suivant l'usage du temps.

1) Siehe Seite 96.

On hésita d'abord à croire à sa mission; mais lorsqu'elle en eut donné des preuves convaincantes, personne ne douta plus qu'il n'y eût en elle quelque chose de surnaturel et que la volonté divine elle-même ne lui mit les armes à la main. Alors les plus braves guerriers se firent un honneur de la suivre à la guerre et de lui obéir.

Charles lui fit donner une armure complète, à l'exception d'une épée qu'elle envoya chercher dans le tombeau d'un vieux chevalier, mort depuis bien des années, parce que l'archange lui avait fait cette recommandation. Elle fit porter devant elle une bannière blanche qu'elle prenait en main dans les moments de péril, et sur laquelle étaient écrits ces mots: Jésus Marie!"

On vit cette faible fille, marchant sur Orléans, à la tête d'une armée, encourager les soldats au combat, jusqu'à ce qu'elle eût forcé les Anglais de se retirer et d'abandonner le siège de cette ville.

Quoique blessée dans plusieurs rencontres, Jeanne ne quittait jamais le champ de bataille, où sa présence encourageait les guerriers; aucun danger ne semblait l'étonner, et c'était en toute occasion le poste le plus périlleux qu'elle choisissait de préférence.

Le moment approchait où Jeanne Darc avait annoncé qu'elle conduirait Charles à Reims pour y être sacré. Elle réunit ses bataillons et amena le roi jusque dans la cathédrale de cette ville, où elle se tint tout armée auprès de sa personne, pendant toute la durée de la cérémonie.

Cependant Jeanne n'avait point oublié les paroles de l'archange saint Michel, et, dès que le roi fut sacré, elle demanda avec instance à retourner dans son village, auprès de son père, qu'il lui tardait de revoir; car elle n'aimait guère cette vie tumultueuse des camps, elle qui avait toujours vécu comme une bonne et simple fille. Mais le roi voulut qu'elle restât auprès de lui, jusqu'à ce que les Anglais fussent chassés de Paris et de tout le royaume.

Jeanne remporta encore de nouveaux avantages sur les ennemis; mais on remarqua que, chaque jour, elle montrait plus de tristesse, et parlait plus souvent de son village et de son vieux père. Elle avait accompli sa mission et persistait à se retirer; enfin, étant allée, peu de temps après, se jeter dans la ville de Compiègne, dont les ennemis formaient le siège,

elle tomba au pouvoir des Bourguignons, qui la livrèrent Lamé-Fleury.

aux Anglais.

17. MORT DE JEANNE DARC.

Jeanne fut condamnée à être brûlée vive.

Quand cette dure et cruelle mort fut annoncée à la pauvre fille, elle se prit à pleurer. „Ah! j'en appelle à Dieu, le grand juge," dit-elle, „des cruautés et des injustices qu'on me fait. Ah! maître Pierre," dit-elle à un assesseur qui lui montrait quelque intérêt, où serai-je aujourd'hui ?" N'avez-vous pas bonne espérance en Dieu ?" répondit-il. "Oui," reprit-elle,

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„Dieu aidant, j'espère bien aller en paradis."

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Par une singulière contradiction avec la sentence, on lui permit de communier: Jeanne le désirait avec ardeur.

Le 30 mai, elle monta dans la charrette du bourreau; frère Martin l'Advenu, son confesseur, et frère Isambart, qui avaient plus d'une fois réclamé justice dans le procès, étaient près d'elle. Huit cents Anglais, armés de haches, de lances et d'épées, marchaient à l'entour.

Dans le chemin, elle priait si dévotement et se lamentait avec tant de douceur, qu'aucun Français ne pouvait retenir ses larmes. Quelques-uns des assesseurs n'eurent pas la force de la suivre jusqu'à l'échafaud. Arrivée à la place du supplice: „Ah! Rouen!" dit-elle, „Rouen! est-ce ici que je dois mourir !"

Ensuite, elle se mit à genoux et se recommanda à Dieu, à la sainte Vierge et aux saints; surtout à saint Michel, à sainte Catherine et à sainte Marguerite. Elle laissait voir tant de ferveur que chacun pleurait, même plusieurs Anglais. Jean de Mailly, évêque de Noyon1), et quelques autres du clergé de France, descendirent de l'échafaud, ne pouvant endurer un si lamentable spectacle.

Jeanne demanda la croix: un Anglais en fit une de deux bâtons et la lui donna. Elle la prit dévotement et la baisa; mais elle désira avoir celle de la paroisse; on alla la quérir, et elle la serrait étroitement contre son cœur en continuant ses prières.

Cependant des gens de guerre, des Anglais et même quelques capitaines commençaient à se lasser de tant de délais: „Allons

1) Stadt in der Picardie, nicht weit von der Hauptstadt Amiens entfernt.

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