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aurez dans cette peinture une image assez fidèle de ce que certains philosophes entendent par une idée innée, idée qui pourra d'ailleurs, disent-ils, ne jamais se présenter à l'esprit, ou ne s'y présenter que fort tard. Une idée actuelle est, dans tous les cas, un phénomène, puisque l'âme est réellement modifiée du moment qu'elle en est affectée; une idée, soit acquise, soit innée, serait une des formes dont est susceptible la propriété qu'elle suppose, forme qui lui aurait été donnée, soit par une cause efficiente naturelle, soit par le Créateur lui-même.

PROPRIÉTÉS DE L'AME.

$1.

Les propriétés constitutives de l'âme sont ou actives ou passives. Ces dernières, dont nous parlerons dans les paragraphes 2, 3 et 4, sont assez nombreuses et de diverses natures; car l'âme peut être affectée, ou modifiée involontairement, de plusieurs manières toutes différentes.

Les autres, en vertu desquelles l'âme peut agir soit sur le corps, soit sur elle-même, se réduisent toutes, en dernière analyse, à la volonté, ou plus particulièrement, à l'attention, si l'on ne considère l'âme que comme pensante car la réflexion, la contemplation, la méditation, ne sont que différentes manières d'être attentifs; et l'attention elle-même n'est qu'une manière de vouloir. Encore nous arrivet-il quelquefois d'être attentifs malgré nous, ou tout au moins sans nous en apercevoir; d'où il faudrait conclure, ou que l'attention n'est pas toujours volontaire, ou qu'il peut nous arriver de vouloir, ou d'agir, sans y penser ; que nous n'avons pas toujours conscience de nos actes internes, ce qui nous ferait dire, tantôt que l'on veut sans y faire attention, et tantôt que l'on est attentif sans le vouloir, ce qui est la même chose. Mais, en tout cas, il n'en existe pas moins entre les propriétés passives de l'âme et ses propriétés actives, que, plus spécialement, on nomme

ses facultés, une distinction très-réelle, qu'il importe de bien établir.

Nous savons tous, que pour voir un objet, il suffit d'avoir cet objet devant les yeux et de jouir de la lumière que pour cela nous n'avons besoin de faire aucun effort; que souvent même nous voyons certaines choses malgré nous, et qu'il en est beaucoup que nous voudrions ne point voir; comme il y a des sons que nous voudrions ne pas entendre, des odeurs, ne point sentir.

D'un autre côté, il nous arrive assez fréquemment de regarder sans rien voir, je veux dire de ce que nous voudrions voir; comme il nous arrive d'écouter sans rien entendre.

Voir et regarder sont donc deux choses tout à fait différentes, pour ne pas dire diamétralement opposées et remarquez bien que l'âme est passive en tant qu'elle voit, ou qu'elle reçoit les impressions des objets visibles; qu'elle est active, au contraire, qu'elle veut, lorsqu'elle regarde.

Toutefois, pour voir beaucoup d'objets, et surtout pour les bien voir, il faut regarder : sans doute leur existence, non plus que les sensations qu'ils produisent, ne dépendent pas de nous, de notre volonté ; é; mais nous pouvons les rechercher, et les considérer sous toutes leurs faces en regardant, nous ne ferons pas naître dans un corps des qualités qu'il n'a pas; mais nous pourrons y en découvrir quelquesunes qui nous auraient échappé, et conséquemment n'auraient pas existé pour nous, sans cette action volontaire et ce que je dis de l'action de regarder,

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on peut le dire aussi de celles d'écouter, de flairer, de goûter et de palper. Il est évident, dis-je, que sans ces actes volontaires, nous n'aurions que des idées très-superficielles, très-peu exactes, très-incomplètes, des objets extérieurs, et que nous n'en pourrions connaître qu'un bien petit nombre, ou même, à la rigueur, que nous n'en pourrions connaître aucun comme aussi, réciproquement, sans ces objets extérieurs, ou bien encore, sans la capacité, ou la propriété passive, de les voir, de les entendre, de les sentir, il ne nous servirait de rien d'écouter, de regarder, etc. Mais cela ne détruit pas la différence que nous avons reconnue entre ces opérations de l'esprit, ces actes volontaires, et leurs résultats, c'est-à-dire les sensations qui nous affectent, ou entre les propriétés actives et les propriétés passives de l'âme.

Or nos actions volontaires et intellectuelles ne sont toutes que l'attention elle-même. Regarder, écouter, flairer, etc., c'est être attentif. Quand nous regardons, nous concentrons plus ou moins notre sensibilité sur l'organe de la vue, en le dirigeant vers l'objet visible, et notre entendement sur les sensations ou les idées qu'il fait naître en nous. Si nous écoutons, c'est sur l'organe de l'ouïe, et sur les sons ou les idées des sons, que l'attention se porte.

Mais ce que je dois faire observer surtout, c'est que nous pouvons, sans porter notre attention sur aucun objet extérieur, ni sur aucun de nos organes matériels, la concentrer dans l'âme elle-même, pour considérer des idées déjà acquises, des souvenirs.

Ainsi, je contemple en ce moment l'idée d'un objet, sans qu'il soit devant mes yeux : je ne jouis point de sa vue, je n'en ai point la sensation; je n'en ai que la connaissance, que l'idée pure; et je porte actuellement mon attention sur cette idée. Imaginons, si vous voulez, qu'il existe en nous, avec un organe qui lui soit propre, un sixième sens, destiné à recevoir toutes les idées, de quelque nature qu'elles soient, comme les sens proprement dits reçoivent les impressions des objets extérieurs : je dirai alors que mon attention se porte exclusivement sur ce sens interne et sur l'organe qui s'y rapporte. Mais ce sixième sens, ou cette manière de sentir, ne sera toujours, comme les sens extérieurs, qu'une propriété purement passive; tandis que l'attention est une propriété active, une faculté, une puissance, ou l'action qui s'exerce en vertu de cette faculté, et par laquelle l'âme, si je puis me servir de cette expression, regarde les modifications qu'elle éprouve, je veux dire ses sensations et ses idées.

Je n'ai fait mention jusqu'ici que de la simple attention et des idées directes qu'elle amène ou qu'elle nous fait découvrir. Je dois dire un mot des idées réfléchies et de la réflexion elle-même.

Les idées réfléchies, que l'on peut aussi appeler idées de rapport, sont celles qui naissent du rapprochement et de la comparaison d'autres idées : telles sont, par exemple, celles de grandeur, de vitesse, de différence, d'égalité, de priorité, de succession. On comprend aisément qu'en effet, ce ne sont là que des rapports existant entre les choses: que, par con

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