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FABLE X.

LE LOUP ET L'AGNEAU.

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Ésope, fab. 229, Auxos xat Aps (Coray, p. 150 et 151, p. 378; comparez aussi la fab. 6, Αίλουρος καὶ Ἀλεκτρυών, p. 7). Babrius, fab. 89, Λύκος καὶ Αρνιον. Phèdre, livre I, fab. 1, Lupus et Agnus. Romulus, livre I, Lupus et Agnus. Marie de France, fab. 2, dou Leu et de l'Aingniel. -Haudent, re partie, fab. 113, d'un Loup et d'un Aigneau; 2o partie, fab. 29, même titre. fab. 2, du Loup et de l'Aigneau. acte V, scène ш, le Loup et l'Agneau. et de l'Agneau. La violence.

Corrozet, Boursault, les Fables d'Ésope, Le Noble, fab. 94, du Loup

Mythologia sopica Neveleti, p. 90, p. 274, p. 374, p. 389, p. 487. Manuscrits de Conrart (tome XI, p. 533), et Manuscrit de SainteGeneviève. Cette fable a été reproduite dans le Recueil de poésies chrétiennes et diverses, tome III, p. 367 (par erreur, pour p. 371).

Dans une fable orientale, toute différente d'ailleurs, le Faucon, voulant manger la Perdrix, lui fait également, pour parler comine le vieux traducteur, « une querelle d'Allemand. » Voyez le Livre des lumières ou la Conduite des Roys, composé par le sage Pilpay Indien, traduction pseudonyme de Gaulmin, Paris, 1644, p. 200-203. - « Cette fable est connue de tout le monde, même de ceux qui ne connaissent que celle-là. Ce qui en fait la beauté, c'est la vérité du dialogue. Plusieurs personnes ne semblent voir dans cet apologue qu'une vérité triviale, que le faible est opprimé par le fort. Ce ne serait pas la peine de faire une fable. Ce qui fait la beauté de celle-ci, c'est la prétention du Loup qui veut avoir raison dans son injustice, et qui ne supprime tout prétexte et tout raisonnement que lorsqu'il est réduit à l'absurde par les réponses de l'Agneau. » (CHAMFORT.) — L'intention marquée ici par Chamfort est indiquée au commencement et à la fin de la première des trois versions, données par Coray, de la fable ésopique. Voyez ci-après la note 1 se rapportant à la morale.

La raison du plus fort est toujours la meilleure1:

1. Il est bon, en lisant la Fontaine, de se laisser aller un peu à

Nous l'allons montrer tout à l'heure'.

Un Agneau se désaltéroit

Dans le courant d'une onde pure.

Un Loup survient à jeun, qui cherchoit aventure, la faim en ces lieux attiroit.

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Et que

Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage?

Dit cet animal plein de rage:

Tu seras chàtié de ta témérité.

Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté

Ne se mette pas en colère;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas* désaltérant

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la pente des réflexions qu'il suggère, et de ne pas toujours s'arrêter à la lettre de ses moralités. Il y a telle fable et telle moralité qui, au premier coup d'œil, paraissent favorables aux mauvais et aux petits sentiments, et qui le sont, au contraire, aux bons et aux grands. Il faut, avec la Fontaine, savoir ce que parler veut dire. Prenons, par exemple, le Loup et l'Agneau :

« La raison du plus fort est toujours la meilleure. »

(La Fontaine et les Fabulistes, x11° leçon, tome I, p. 417.)

Voyez à la suite la piquante analyse par laquelle M. Saint-Marc Girardin montre que la Fontaine est bien loin de nous peindre le Loup en beau, et qu'on n'est nullement tenté de conclure de la fable que le succès justifie tout. Nous nous contenterons de citer ici cette fin éloquente (p. 419): « Mangez l'Agneau, sire Loup, mais ne cherchez pas à lui prouver que vous avez raison. Soyez injuste et violent, mais ne soyez pas sophiste et hypocrite. N'abusez pas contre la justice des formes de la justice: c'est le pire outrage qu'on puisse faire à la conscience humaine. » Les deux vers de morale manquent dans le Manuscrit de Sainte-Geneviève.

2. Cette locution signifiait soit, comme ici, « sur l'heure, à l'instant même » (voyez les Dictionnaires de Richelet et de Furetière); soit « dans un moment » (voyez le Dictionnaire de l'Académie de 1694). 3. Dans le Manuscrit de Sainte-Geneviève : « survint; et au vers II: < point, » au lieu de pas.

4. Vais, dans les deux Manuscrits de Conrart et de Sainte-Geneviève.

Dans le courant,

Plus de vingt pas au-dessous d'Elle';
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
-Tu la troubles, reprit cette bête cruelle ;
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.

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Comment l'aurois-je fait si je n'étois pas né?
Reprit l'Agneau; je tette encor ma mère 7.
Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
Je n'en ai point.-C'est donc quelqu'un des tiens;
Car vous ne m'épargnez guère,

Vous, vos bergers, et vos chiens.

On me l'a dit : il faut que je me venge. »
Là-dessus, au fond des forêts

Le Loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.

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5. Il y a ainsi Elle, avec cette respectueuse majuscule, dans les anciennes éditions (excepté 1678 A), bien que plus haut, au vers 12, elles écrivent elle, avec une minuscule.

6. Au lieu de ce vers et des sept qui suivent, on lit dans les Manuscrits de Conrart:

Ne me cherche point de raison;

Car tout à l'heure il faut que je me venge.
Là-dessus, etc.

C'était peut-être une première ébauche, reprise ensuite et développée par la Fontaine.

7. Il y a la même réponse dans Babrius (vers 9), mais avec une autre intention, plus conséquente peut-être : l'Agneau ne boit pas au ruisseau, il ne peut pas y boire, il tette encore:

Θηλὴ μεθύσκει μέχρι νῦν με μητρῴη.

« Jusqu'ici c'est la mamelle de ma mère qui m'enivre. »

FABLE XI.

L'HOMME ET SON IMAGE.

POUR M. L. D. D. L. R.

L'origine de cette fable est inconnue; c'est sans doute une de celles dont l'invention appartient à la Fontaine. La fable 8 du livre III de Phèdre, intitulée le Frère et la Sœur, à laquelle renvoie un commentateur, peut en avoir suggéré la première idée, mais ce ne serait que de fort loin. Robert (tome I, p. 63) cite les deux morceaux suivants, un peu moins éloignés, il est vrai, mais que la Fontaine sans doute n'a pas connus:

Robert Holkot, leçon ci sur le Livre de la Sagesse: Sicut narratur de quadam turpi et deformi Domicella : ista autem habuit tortam faciem et oblongam, et quotiens respexit speculum, doluit et offendebatur: deformitatem tamen suam semper imputabat speculo; unde plura specula fregit quam omnes mulieres de patria.

Baldi, Apologue 96: UN' HUOMO DISTORTO DI FACCIA. Un' huomo di volto storto specchiandosi, riprese lo specchio di falsità: il che facendo più volte con più specchi, sempre incolpò loro al fine abbattutosi in uno specchio storto, che gli drizzò la stortezza della faccia, tutto lieto disse: « Pur ne trovai uno al fine, che mi scoperse

il vero. »

Nous avons vu dans le cabinet de M. Boutron-Charlard une copie de cette fable qui est signée DE LA FONTAINE (sic): voyez la Notice bibliographique. Cette copie n'offre aucune variante pour le texte; elle a seulement, à la seconde ligne du titre, de même que l'édition

1. Nous reproduisons cette ligne telle qu'elle se lit dans toutes les éditions que la Fontaine a données. Dans l'édition de 1729, il y a, en toutes lettres: POUR M. LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULD. Les initiales, ainsi que le dernier vers de la fable, désignaient assez clairement l'auteur des Maximes, François duc de la Rochefoucauld, né en 1613, et mort en 1680. La Fontaine lui a encore dédié la fable xv du livre X.

de 1729, les mots entiers au lieu des initiales (voyez la note i de la fable).

Un homme qui s'aimoit sans avoir de rivaux'
Passoit dans son esprit pour le plus beau du monde :
Il accusoit toujours les miroirs d'être faux,

Vivant plus que content dans une erreur profonde.
Afin de le guérir, le sort officieux

Présentoit partout à ses yeux

Les conseillers muets dont se servent nos dames 3:
Miroirs dans les logis, miroirs chez les marchands,
Miroirs aux poches des galands,

Miroirs aux ceintures des femmes".

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Que fait notre Narcisse ? Il se va confiner
Aux lieux les plus cachés qu'il peut s'imaginer,
N'osant plus des miroirs éprouver l'aventure.
Mais un canal, formé par une source pure,
Se trouve en ces lieux écartés :

2. Nullum ultra verbum aut operam insumebat inanem, Quin sine rivali teque et tua solus amares.

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(HORACE, Art poétique, vers 443 et 444.) 3. Cette périphrase a bien, ce semble, un air de famille avec celles dont Molière s'est moqué dans ses Précieuses; mais une petite pointe d'ironie vient peut-être à propos avant l'énumération qui suit.

Dans le Grand dictionnaire des Fretieuses ou la Clef de la langue des ruelles (par Somaize), publié en 1660, sans nom d'auteur, les circonlocutions et les figures qui désignent le miroir sont le conseiller des grâces, le peintre de la dernière fidélité, le singe de la nature, le caméléon.» (Édition Livet, 1856, tome I, p. LI.)

4. C'était la mode dès 1635. Dans la Place royale de Corneille, représentée cette année, Alidor présente à Angélique a un miroir qu'elle porte à sa ceinture » (acte II, scène 11, après le vers 377).

5. On connaît l'histoire de Narcisse, condamné à devenir amoureux de sa propre image pour avoir méprisé l'amour de la nymphe Écho, et qui finit par se noyer dans la source où il se contemplait. Voyez les Métamorphoses d'Ovide, livre III, vers 339-510.

6. Dans l'édition de 1729: « Il va se confiner.

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