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Mais encor? Le collier dont je suis attaché De ce que vous voyez est peut-être la cause.

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Attaché? dit le Loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez? - Pas toujours; mais qu'importe?
Il importe si bien, que de tous vos repas

Je ne veux en aucune sorte',

10

Et ne voudrois pas même à ce prix un trésor1o. »
Cela dit, maître Loup s'enfuit, et court encor.

Vit que le col pelé auoit :
Demanda li d'ou ce venoit.

Dans Marie de France (vers 23 et 24):

Frere, fet-il, merueille noi,
Entur ton col a ne sai coi;

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et un peu plus bas :

Coi? fait li Leus, est-il einsi

Qualer ne pués fors (dehors)?..

9.

Hélas! que sert la bonne chère

Quand on n'a pas la liberté? (Livre IV, fable x111.)

10. A ce vers encore, Voltaire s'écrie (tome XXIX, p. 300, Dictionnaire philosophique) : « Comme si les trésors étaient à l'usage des loups! Le Loup de le Noble dit tout crûment :

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Et j'aime mieux, au fond du bois,

En gueuse liberté me promener et vivre,
Que, etc.

Celui de Neckam est énergique aussi :

Sis satur et pinguis, servus vinctusque catenis;

Sim macer et vacuus, dummodo liber eam!

Voyez les Poésies inédites du moyen áge, publiées par M. Édélestand du Méril, Paris, 1854, p. 209.

FABLE VI.

LA GÉNISSE, LA CHÈVRE, ET LA BREBIS,
EN SOCIÉTÉ AVEC LE LION.

Ésope, fab. 38, Λέων καὶ Ὄνος καὶ Ἀλώπηξ; fab. 225, Λέων καὶ Ὄναypos (Coray, p. 24 et 25, p. 147 et 148, p. 298). — Babrius, fab. 67, "Ovaypos xal Aéwv.— Phèdre, livre I, fab. 5, Vacca et Capella, Ovis et Leo. - Abstemius, fab. 187, de Leone partem prædæ a Lupo petente.— Romulus, livre I, fab. 6, Vacca et Capella, Ovis et Leo. · Roman du Renart (édition Méon, tome I, p. 207 et suivantes, vers 5584-6168). Marie de France, fab. 11, dou Lion, dou Bugle et de un Leu; et fab. 12, dou Lion qui ala chacier od la Chieure et la Brebis. dent, 1 partie, fab. 116, d'un Lyon et quelques autres Bestes; fab. 173, d'un Lyon, d'un Asne et d'un Regnard. du Lyon, de la Brebis, et autres Bestes; fab. 64, du Lyon, de l'Asne et du Renard. Le Noble, fab. 12, du Lion et des autres Animaux. La

puissance tyrannique.

-

- Hau

Corrozet, fab. 5,

Mythologia sopica Neveleti, p. 120, p. 271, p. 356, p. 386, p. 392, p. 490, p. 612.

Manuscrits de Conrart (tome XI, p. 536), et Manuscrit de SainteGeneviève.

« Voilà certainement, dit Chamfort, une mauvaise fable que la Fontaine a mise en vers d'après Phèdre (et d'après la fable 225 d'Ésope). L'association de ces quatre personnages est absurde et contre nature. Quel besoin le Lion a-t-il d'eux pour chasser? Ils sont eux-mêmes le gibier qu'il cherche. Si Phèdre a voulu faire voir qu'une association avec plus fort que soi est souvent dangereuse, il y avait une grande quantité d'images ou d'allégories qui auraient rendu cette vérité sensible. Voyez la fable du Pot de terre et du Pot de fer. » Le critique a raison; mais, malgré tout, qui voudrait perdre le discours du Lion? Et ne faut-il pas, dans l'apologue, admettre quelques invraisemblances de ce genre? Avouons toutefois que le sujet et tout le développement de la fable sont heureusement modi

fiés, comme le fait remarquer Geruzez, dans un long récit du Roman du Renard, qui, par le cadre, se rapproche du numéro 38 d'Ésope. Robert (tome I, p. 32-34) cite un ancien fabliau qui a pour titre la Compaignie Renart', et qui résume élégamment le récit du Roman. « Les associés du Lion sont le Loup et le Renard; ils s'emparent en commun d'un taureau, d'une vache et d'un veau. Le Loup propose de donner le taureau au Lion; il prendra pour lui la génisse, et le veau sera la part du Renard. A cette proposition, le Lion étend sa griffe,et déchire au Loup la peau du front, qu'il lui rabat sur le museau: Le cuir de la grise pel

Li abat desus le musel;

puis il dit au Renard de proposer un autre partage. Maître Renard adjuge le taureau au Lion, la vache à « Madame la Lionesse, » qui la mengera souz sa cortine,

Puis il ajoute :

Ou ele gist en sa gesine.

Et vostre filz, mi Damoisel,

Si aura le petit veel.

Le Lion émerveillé demande au Renard qui l'a rendu si habile à faire les partages. C'est, répond-il,

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Cil bachelers que ie voi là
Qui si se fet fier et harouge,
Porce qu'il a aumuce rouge. »

-

On peut voir dans le livre de M. Soullié, p. 124, la fable latine tirée probablement, soit du fabliau, soit du Roman, par Robert Messier (Sermones, Paris, 1524, in-8°, f 154, col. 1). M. Benfey (Pantschatantra, tome I, p. 354) nous apprend que les Tuaregs d'Afrique connaissent l'apologue de la part du Lion, ainsi que plusieurs autres de ceux que contient le livre de Calila et Dimna.

Rousseau (toujours au livre II d'Émile) voit dans cette fable une leçon d'injustice. « Dans toutes les fables, dit-il, où le Lion est un des personnages, comme c'est d'ordinaire le plus brillant, l'enfant ne manque pas de se faire Lion; et quand il préside à quelque partage, bien instruit par son modèle, il a grand soin de s'emparer de tout. » Pour cette critique, nous ne pouvons, comme pour toutes

1. Ce fabliau se lit au f 253 v° d'un recueil de poésies qui est aux manuscrits de la Bibliothèque nationale, fonds français, no 837.

celles du même genre, que renvoyer encore à la fin de la xviia leçon de M. Saint-Marc Girardin, qui distingue avec un rare bon sens ce qu'il en faut prendre et laisser.

La Génisse, la Chèvre, et leur sœur la Brebis,
Avec un fier Lion, seigneur du voisinage,
Firent société, dit-on, au temps jadis,

Et mirent en commun le gain et le dommage.
Dans les lacs de la Chèvre un cerf se trouva pris.
Vers ses associés aussitôt elle envoie.

Eux venus, le Lion par ses ongles compta,

Et dit: Nous sommes quatre à partager la proie.
Puis en autant de parts le cerf il dépeça;
Prit pour lui la première en qualité de Sire:
« Elle doit être à moi, dit-il; et la raison,
C'est que je m'appelle Lion :

A cela l'on n'a rien à dire.

La seconde, par droit, me doit échoir encor :
Ce droit, vous le savez, c'est le droit du plus fort.
Comme le plus vaillant, je prétends la troisième.
Si quelqu'une de vous touche à la quatrième,
Je l'étranglerai tout d'abord2. »

2. Phèdre met dans la bouche du Lion ces quatr giques et précis :

Ego primam tollo, nominor quia Leo;
Secundam, quia sum fortis, tribuetis mihi;
Tum, quia plus valeo, me sequetur tertia;
Malo afficietur, si quis quartam tetigerit.

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vers éner

La première raison est dans Esope (fab. 225): ßxo:λeùs yáp siμı et dans Marie de France (fab. 12):

La greignur (plus grande) part deit estre meie,
Car ieo sui rois, la cort l'otreie (la cour l'octroie).

FABLE VII.

LA BESACE.

Ésope, fab. 337, O dúo thρas ¿Enμμévos (Coray, p. 221 et 222).

Babrius, fab. 66, Ἄνθρωπος σὺν δυσὶ πήραις.

fab. 10, de Vitiis hominum.

-

Phèdre, livre IV, Avianus, fab. 14, Simia et Jupiter. La Fontaine a composé sa fable des trois fables anciennes qu'il a pu connaître, et dont deux, l'ésopique et celle de Phèdre, sont à peu près identiques. Avianus lui a fourni la comédie, comme l'appelle M. Saint-Marc Girardin (x11e leçon, tome I, p. 414), par laquelle l'apologue commence, ce cadre des animaux comparaissant devant Jupiter; Ésope et Phèdre, l'allégorie de la fin, les deux poches ou la besace, que Prométhée lui-même, dit Babrius, attacha à l'homme (celle de derrière beaucoup plus grande), aussitôt après l'avoir créé. Voyez la dernière note de la fable.

Mythologia sopica Neveleti, p. 434, p. 464.

Cette fable a été reproduite dans le Recueil de poésies chrétiennes et diverses, tome III, p. 357 (par erreur, pour p. 361).

Jupiter dit un jour : « Que tout ce qui respire
S'en vienne comparoître aux pieds de ma grandeur :
Si dans son composé quelqu'un trouve à redire,
Il peut le déclarer sans peur;

Je mettrai remède à la chose.

Venez, Singe; parlez le premier, et pour cause1.

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1. « Plaisanterie de Jupiter, qui suppose que le Singe (qu'Avianus désigne par l'épithète turpissima) aura plus à se plaindre que les autres. » (Note d'Adry, dans le Vocabulaire qui termine son édition des Fables de la Fontaine, Paris, H. Barbou, 1806, p. 383.) — L'abbé Guillon cherche ailleurs, et un peu trop loin, ce nous semble, la raison des mots et pour cause : « Un fabuliste anglais, dit-il, M. Merrick, a expliqué cette cause par une fable ou allégorie, dans le style des Métamorphoses d'Ovide : « Jupiter avait changé en singes une << race d'hommes indignes de ce nom. Touchés de repentir, les

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