FABLE IV. LES DEUX MULETS. Ésope, fab. 58, "Ovos xaì "Iñños (Сoray, p. 35 et 36, p. 311). – Phèdre, livre II, fab. 7, Muli et Latrones. Romulus, livre III, fab. 3, Equus et Asinus. Corrozet, fab. 67, de l'Asne et du Cheual. Mythologia sopica Neveleti, p. 138, p. 413. Manuscrits de Conrart, tome XI, p. 535. Deux Mulets cheminoient, l'un d'avoine chargé, Celui-ci, glorieux d'une charge si belle, Et faisoit sonner sa sonnette2: Le Mulet, en se défendant3, Se sent percer de coups; il gémit, il soupire. 5 1. On appelait ainsi l'impôt sur le sel et le grenier où le sel se vendait, 2. Ille, onere dives, celsa cervice eminet, Clarumque collo jactat tintinnabulum. (PнÈDRE, vers 4 et 5.) 3. L'édition de 1668, in-4°, porte : Le Mulet se défendant. Mais c'est sans doute une faute d'impression; on ne la retrouve ni dans l'édition in-12 de 1668, ni dans celles de 1669 et de 1678. 4. « Est-ce cela, ce dit-il » (Manuscrit de Conrart); erreur de copiste, qui fausse le vers. Ce Mulet qui me suit du danger se retire; Et moi j'y tombe, et je péris! Ami, lui dit son camarade, Il n'est pas toujours bon d'avoir un haut emploi : 15 FABLE V. LE LOUP ET LE CHIEN. Leo. Ésope, fab. 111, "Ovos dyptos; fab. 411, Aúxoç xai Kúwv (Coray, p. 62, p. 268, Babrius, fab. 99, Λύκος καὶ Κύων. p. 320). .Phè dre, livre III, fab. 7, Canis et Lupus. Avianus, fab. 37, Canis et Romulus, livre III, fab. 15, Canis et Lupus. Marie de France, fab. 34, la Compengnie dou Chien au Leu.— Haudent, ire partie, fab. 159, d'un Chien et d'un Loup; fab. 205, d'un Chien et d'un Lyon.-Corrozet, fab. 52, du Loup et du Chien. Le Noble, fab. II, du Chien gras et du Chien maigre. L'esclavage de la cour. Mythologia sopica Neveleti, p. 179, p. 420, p. 482, p. 524. Cette fable a été reproduite dans le Recueil de poésies chrétiennes et diverses, tome III, p. 362 (par erreur, pour p. 366). Rousseau (Émile, livre II) voit dans cette fable «< une leçon d'indépendance, » nuisible à l'enfant. « Au lieu d'une leçon de modération qu'on prétend lui donner, il en prend une, dit-il, de licence. Je n'oublierai jamais d'avoir vu beaucoup pleurer une petite fille qu'on avoit désolée avec cette fable, tout en lui prêchant toujours la docilité. On eut peine à savoir la cause de ses pleurs : on la sut enfin. La pauvre enfant s'ennuyoit d'être à la chaîne; elle se sentoit le cou pelé; elle pleuroit de n'être pas loup. » Voyez, dans la re leçon de M. Saint-Marc Girardin (tome I, p. 64-75), la comparaison qu'il fait de cette fable avec celles de Babrius, de Phèdre, de le Noble, sur le même sujet. La meilleure, selon lui, est celle de Phèdre. — Voyez aussi le spirituel et vivant commentaire de M. Taine (p. 116-118 du livre déjà cité): le Loup est « un hardi capitaine d'aventures, » le Chien, « un courtisan, domestique d'âme encore plus que de corps. »> Un Loup n'avoit que les os et la peau, Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant1 que beau, 1. Ce mot désigne ici la force qui se manifeste au dehors Gras, poli', qui s'étoit fourvoyé par mégarde. Sire Loup l'eût fait volontiers; Et le mâtin étoit de taille Le Loup donc l'aborde humblement, « Il ne tiendra qu'à vous, beau sire, Cancres, haires, et pauvres diables 3, Dont la condition est de mourir de faim. Car quoi? rien d'assuré: point de franche lippée*; 5 ΤΟ 15 grosseur des membres, par l'ampleur des formes; Phèdre exprime la même idée au vers 5: Aut quo cibo fecisti tantum corporis? 2. Pas précisément luisant de graisse, comme on l'explique ordinairement, mais dont le poil a ce lustre, cet éclat particulier aux animaux bien nourris. Phèdre dit encore (vers 4): Et mult est luisanz vostre piaus (votre peau); et Benserade, dans son xLIe quatrain (édition de 1678): Net, poli, gras, heureux, et sans inquiétude. 3. Le dernier mot de ce vers explique et achève le sens des deux premiers, qui s'employaient autrefois pour dire « misérables, gens de rien. » Voyez le Lexique, - Nous avons conservé pour le second mot, qui, dans toutes les impressions modernes, est écrit hères, l'orthographe des anciennes éditions. Nous lisons de même dans Rabelais (livre I, chapitre XLV, tome I, p. 158): « Dond' estes-vous, vous aultres paoures haires? » 4. « Lippée, vieux mot, d'après Richelet (il écrit lipée), qui ne se dit pas seul, et qui n'entre que dans le burlesque; il signifie bouchée, Tout à la pointe de l'épée. Suivez-moi vous aurez un bien meilleur destin. » Le Loup reprit : « Que me faudra-t-il faire ? 20 - Presque rien, dit le Chien: donner la chasse aux gens Portants bâtons, et mendiants; 5 Flatter ceux du logis, à son maître complaire : Moyennant quoi votre salaire 6 Sera force reliefs de toutes les façons, Os de poulets, os de pigeons", Le Loup déjà se forge une félicité Qui le fait pleurer de tendresse. Chemin faisant, il vit le col du Chien pelė. 25 30 [de chose. Qu'est-ce là? lui dit-il3. — Rien. - Quoi? rien? - Peu repas. — Avec franche, c'est un bon repas qui ne coûte rien. Richelet cite l'exemple de la Fontaine, et cet autre, de Scarron : « C'est un chercheur de franches lipées, » auquel on peut joindre ce vers de son Virgile travesti (livre IV): Un coureur de franches lippées. Rabelais (livre II, chapitre Iv, tome I, p. 212) a employé le mot sans épithète : < .... pour prendre à tout (avec) la langue quelcque lippée, » 5. Toutes les éditions anciennes font ainsi accorder le participe. Celle de 1729 (Paris) est la première où nous ayons trouvé portant, sans s. 6. Restes d'un repas: voyez plus loin, fable 1x, vers 4. 7. Il y a un trait semblable dans Marie de France (vers 11 et 12): Puis chascun iur runger les os, Dunt ie me fas et cras et gros. Geruzez rapproche de ces vers, fort à propos, le passage suivant de Bonaventure des Periers (Cymbalum mundi, dialogue iv, Amsterdam, 1732, in-12, p. 161): « Vng chien ne doibt aultre chose sçauoir sinon abayer aux estrangers, seruir de garde à la maison, flatter les domestiques, aller à la chasse, courir le lieure et le prendre, ronger les os, lescher la vaisselle et suiure son maistre. » 8. Dans une des vieilles fables citées par Robert (tome I, p. 26, Ysopet 1, fo 65): Le Loup regarde le Gaignon (le Chien, le Dogue), |