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Par les esprits sortants de son corps échauffé.
Miraut, sur leur odeur ayant philosophé,

Conclut que c'est son Lièvre, et d'une ardeur extrême
Il le pousse; et Rustaut, qui n'a jamais menti,
Dit que le Lièvre est reparti.

Le pauvre malheureux vient mourir à son gîte.
La Perdrix le raille, et lui dit :

<< Tu te vantois d'être si vite !

Qu'as-tu fait de tes pieds 10? » Au moment qu'elle rit, Son tour vient; on la trouve. Elle croit que ses ailes La sauront garantir à toute extrémité;

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signifie proprement < goulu, gourmand. » — Rabelais (livre I, chapitre LIV, tome I, p. 177) l'applique aux usuriers :

« Cy n'entrez pas vous usuriers, chichars,
Briffaulx, leschars, qui tousiours amassés. »

Dans le 13 des Contes et Discours d'Eutrapel (Rennes, 1585, p. 66 verso), Brifaut est le nom d'un valet de chasse a distributeur des levriers. >

6. Esprits, corps légers et subtils, émanations.

7. Sortant, sans accord, dans les éditions de 1668 in-4o et de 1729. 8. Nous avons déjà vu ce nom dans la fable Iv du livre IV (vers 15), ci-dessus, p. 278 et note 7.

9. Rustaut est le texte de 1678. Dans les deux éditions, in-4o et in-12, de 1668, ainsi que dans celle de 1669, copiées par les éditions de 1679 (Amsterdam), de 1682 et de 1729, on lit: Tayaut. 10. Dans Phèdre (vers 4 et 5) :

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Nota, inquit, illa est? Quid ita cessarunt pedes?

Dans Neckam (vers 9) :

Quid prodest cursu volucres æquasse?

Dans Ysopet II, la raillerie sur la vitesse est longuement déve

loppée :

Tu estois ia saillant,

Et leger et courant

Aussi comme un oisel:

Or es cy attrapé,

Et honni et maté,

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11. « La Perdrix, dit Nodier, a joué un rôle odieux dans cette fable, mais le malheur réconcilie la Fontaine avec elle, et ce retour est extrêmement touchant. Il a fait la même chose à la fable xvi du livre IV:

On assomma la pauvre bête,

dit-il en parlant du Loup, car l'infortune même d'un méchant a sa pitié, et un loup que l'on tue est aussi une pauvre bête. »— Dans les fables de Phèdre et de Neckam, le Lièvre mourant se console en exprimant à la Perdrix la joie que lui cause le juste châtiment de sa dureté.

FABLE XVIII.

L'AIGLE ET LE HIBOU.

Abstemius, fab. 114, de Bubone dicente Aquile filios suos ceterarum avium filiis esse formosiores même moralité, mêmes personnages; mais la fable est conçue autrement. - Verdizotti, fab. 4, dell' Aquila

e'l Guffo.

Mythologia sopica Neveleti, p. 583.

La fable 56 de Babrius, Zɛùç xxì Пionxos (Jupiter et le Singe), la 14° d'Avianus, Simia et Jupiter, et la 7e d'Ysopet-Avionnet, citée par Robert (tome I, p. 352-354), et intitulée : du Singe qui disoit que ses Singios estoient li plus biaux, enseignent toutes trois la même vérité que celle de la Fontaine, mais les circonstances du récit et, comme on le voit, les personnages sont tout autres. Ce sujet du Singe et Jupiter a été traité également par Camerarius, sous le titre de Simis (Leipzig, 1564, p. 208); par Pantaleo Candidus (Weiss), fab. 1; par Haudent, Ire partie, fab. 179, de Iuppiter et d'un Singe; et par le Noble, conte 17, du Singe et de ses Petits. L'amour de ses ouvrages. La fable 74 de Marie de France, où est peinte la Singesse qui

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paraît découler de la même source; mais le cadre est librement modifié. Robert (p. 348-352) cite encore un extrait de Regnard le Contrefait, où l'action est à peu près semblable à celle de la Fontaine; seulement le Renard est substitué à l'Aigle, et le Corbeau au Hibou. - Voyez ce que M. Taine (p. 193 et 194) dit du caractère du Hibou chez notre fabuliste.

L'Aigle et le Chat-huant leurs querelles' cessèrent,

1. C'est un fait connu que l'antipathie des rapaces ou oiseaux de proie diurnes pour les nocturnes. Wagner (Historia naturalis Helvetiæ curiosa, p. 195) raconte qu'il vit, aux environs de Zurich, le combat

Et firent tant qu'ils s'embrassèrent.

L'un jura foi de roi, l'autre foi de hibou,

Qu'ils ne se goberoient leurs petits peu ni prou❜.

« Connoissez-vous les miens? dit l'oiseau de Minerve3. Non, dit l'Aigle. —Tant pis, reprit le triste Oiseau : Je crains en ce cas pour leur peau :

C'est hasard si je les conserve.

Comme vous êtes roi, vous ne considérez

Qui ni quoi*: rois et dieux mettent, quoi qu'on leur die, Tout en même catégorie.

Adieu mes nourrissons, si vous les rencontrez.

d'un aigle et d'un grand-duc, dans lequel l'aigle fut vaincu et tué. Voyez le Dictionnaire d'histoire naturelle de Ch. d'Orbigny, à l'article Chouette, tome III, p. 632 et 634.

2. Prou, beaucoup. « Peu ni prou, » locution familière, qui équivaut à « pas du tout, en aucune façon. »

3. Palladis ales, comme dit Ovide, au livre II des Fastes (vers 89). La chouette est parfois représentée sur le casque de Minerve, parfois sur sa main. Phidias l'avait aussi donnée pour attribut à la Déesse, avec le serpent. Voyez Otfried Müller, Manuel de l'Archéologie de l'art, 3e partie, I, A, § 371, 9; et le Dictionnaire, déjà cité, de Ch. d'Orbigny, tome III, p. 636 et 637.

4. Sur les coupes de vers de la Fontaine, imitant la liberté et la hardiesse de la conversation familière, voyez M. Taine, p. 311 et 312.

5. « N'est-il pas plaisant de supposer que ce soit un effet nécessaire et une suite naturelle de la royauté, de n'avoir d'égard ni pour les choses ni pour les personnes? Ce tour est très-satirique, et sa simplicité même ajoute à ce qu'il a de piquant. » (Chamfort.) « Souvent, dit M. Saint-Marc Girardin dans sa xive leçon (tome II, p. 3), il y a plusieurs défauts ou plusieurs hommes raillés sous la figure d'un seul animal: le Lion ou l'Aigle, par exemple, suffit à peindre toutes les sortes d'orgueils, de fiertés, de duretés instinctives et presque involontaires qui sont propres aux princes. Quelle définition de l'égoïsme des rois que ces mots adressés à l'Aigle par le Hibou!» M. Taine (p. 193 et 194) se place à un autre point de vue et fait remarquer, au sujet de ce passage, que le Chat-huant « n'est pas assez respectueux avec les puissances. Il parle à l'Aigle comme ferait un homme de l'opposition, d'un air aigre, avec les sentences maussades et le ton trivial d'un plébéien opprimé. »

-Peignez-les-moi, dit l'Aigle, ou bien me les montrez:
Je n'y toucherai de ma vie. »

Le Hibou repartit : « Mes petits sont mignons,
Beaux, bien faits, et jolis sur tous leurs compagnons :
Vous les reconnoîtrez sans peine à cette marque.
N'allez pas l'oublier; retenez-la si bien

Que chez moi la maudite Parque
N'entre point par votre moyen. »

Il avint qu'au Hibou Dieu donna géniture :
De façon qu'un beau soir qu'il étoit en pâture,
Notre Aigle aperçut d'aventure,
Dans les coins d'une roche dure,
Ou dans les trous d'une masure
(Je ne sais pas lequel des deux),
De petits monstres fort hideux,

Rechignés, un air triste, une voix de Mégère'.

6. Dans Regnard le Contrefait :

Scez tu comment les cognoistras?

Les plus beaux que tu trouueras

Sont mes oiseaulx, sans nulle faille (sans faute).

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Deux mots suffisent au dialogue des deux oiseaux dans la fable d'Abstemius, où l'Aigle, il est vrai, interroge avec une tout autre intention que dans la nôtre: Qua forma, inquit Aquila, sunt filii tui ? Qua ego sum.

7. Au sujet des cinq rimes en ure qui se suivent, Nodier dit, bien sévèrement : « Licence tolérée tout au plus dans le burlesque. »

8. Les jeunes sont, dans les premiers temps, couverts d'un duvet fin et léger qui les rend d'une laideur insupportable.... Les jeunes chouettes-effraies, dont les ailes et les pattes sont à peine apparentes, ressemblent tout à fait à une houppe de perruquier. » (Dictionnaire d'histoire naturelle de Ch. d'Orbigny, tome III, p. 634). Mme de Sévigné, dans sa lettre du 23 mai 1671 (tome II, p. 224), applique ce vers à deux petites filles du marquis de Lavardin et fait ensuite allusion aux trois vers suivants. Dans sa lettre du 2 février 1689 (tome VIII, p. 448), elle cite encore le vers 28 à propos d'une mode du temps, de petites chouettes noires mises dans la coiffure.

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