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« C'est bien fait, dit le Loup en soi-même fort triste; Chacun à son métier doit toujours s'attacher 1.

Tu veux faire ici l'arboriste 16.

Et ne fus jamais que boucher 17. »

15

35

après avoir extrait l'épine du pied de l'Ane, et dans la seconde version de Coray, c'est le pied guéri qui frappe le médecin :

Τῷ σωθέντι ποδὶ τὸν ἰασάμενον ἔπληττεν.

Dans la fable de Neckam, de Leone et Equo (Poésies inédites du moyen áge, p. 195 et 196), le Cheval, après avoir lâché sa ruade, dit plaisamment au Lion :

Nunc,... medice, quod mediceris habes.

15. Quisquis hæc audis, quod es esto, et mentiri noli. (ROMULUS.) 16. Ce mot est écrit ainsi dans toutes les éditions données par la Fontaine. C'est, dit M. Littré, « une forme ancienne rejetée par l'usage et conservée encore parmi le peuple. Voyez le Lexique. 17. Ibi Lupus : « Jure, inquit, hoc mihi accidit;

Neque enim, coquus qui sim, agere medicum debui. »
Quam quisque norit artem, in hac se exerceat.

(FAËRNE, vers 7-9.)

Faërne a pris ce dernier vers dans Cicéron (Tusculanes, livre I, chapitre XVIII), qui l'a traduit des Guépes d'Aristophane (vers 1453):

Ἔρδοι τις ἣν ἕκαστος εἰδείη τέχνην.

Les fables grec

- Comparez Horace, livre I, épitre XIV, vers 44.
ques emploient le mot uáyɛpos, qui signifie à la fois cuisinier (coquus,
comme dit Faërne) et boucher. « Après avoir appris, dit l'une, à être
boucher (ou cuisinier), j'ai voulu devenir vétérinaire (lxлlaτρos, mé-
decin de chevaux). » Et Babrius (vers 15 et 16): « Pourquoi me
suis-je mis tout à l'heure à traiter les boiteux, n'ayant d'abord rien
appris que la boucherie (ou la cuisine)? »

Τί γὰρ ἄρτι χωλοὺς ἠρξάμην ἰατρεύειν,
Μαθὼν ἀπ ̓ ἀρχῆς οὐδὲν ἢ μαγειρεύειν ;

FABLE IX.

LE LABOUREUR ET SES ENFANTS.

Ésope, fab. 22, Tewpyòs xxì Пlaïdes autou (Coray, p. 16 et 17, p. 291, sous trois formes). Faërne, fab. 35, Pater et Filii. Haudent, 2o partie, fab. 11, d'un Vigneron et de ses Enfans. Corrozet, fab. 79, du Laboureur et de ses Enfantz.

Mythologia sopica Neveleti, p. 106.

Travaillez, prenez de la peine :

C'est le fonds qui manque le moins'.

Un riche Laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses Enfants, leur parla sans témoins2.
« Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents :

Un trésor est caché dedans.

Je ne sais pas l'endroit3; mais un peu de courage
Vous le fera trouver: vous en viendrez à bout.

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5

1. « Le poëte, dit l'abbé Guillon qui trouve ces deux vers peu clairs, veut dire que le défaut de succès ne vient point de la terre, mais de l'homme, et que le produit est toujours en raison de la culture.» ( - Il y a à parier, ajoute Geruzez, qui cite cette phrase de l'abbé Guillon, que la Fontaine serait bien surpris d'avoir voulu dire cela. >

2. Haudent commence à peu près de même :

3.

Un Vigneron, se voyant presque mort,
Tous ses Enfans vers luy feist conuenir.
Eulx assemblez, leur dict....

....

Liberis rogantibus

Ut ederet qua parte tandem vineæ

Aurum lateret, nil locutus amplius,

Desiderati liquit incertos loci. (FAËRNE, vers 5-8.)

Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût :
Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse. »>

Le Père mort, les Fils vous retournent le champ3,
Deçà, delà, partout" : si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.

D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer, avant sa mort,
Que le travail est un trésor9.

4. Voyez livre I, fable 1, vers 13.

ΤΟ

15

5. Chez tous les autres fabulistes le Laboureur est un Vigneron, le champ une vigne.

6. Nous avons déjà vu cette locution au vers 8 de la fable vi de ce livre.

7. Faërne (vers 10-12) peint ainsi l'ardeur des enfants au travail :

8.

Versare duris vineam ligonibus,

Et hic et illic scrobibus effossis, humum

Capere glebas in minutas frangere.

En ceste vigne ont houé et fouy,

L'un d'une houe, et l'autre d'un picquoys,

Mais par nul d'eulx onc ne fut deffouy

D'or ou d'argent seullement une croix. (HAUDEnt.)

9. Dans les fables grecques : O κάματος θησαυρός ἐστι τοῖς ἀνθρώ ποῖς. лo. On a rapproché de cette moralité ce fragment d'Épicharme, cité par Xénophon, au livre II des Mémorables, chapitre 1 (20):

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Τῶν πόνων πωλοῦσιν ἡμῖν πάντα τἀγάθ' οἱ Θεοί,

« Les Dieux nous font acheter tous les biens par nos travaux; › et le vers 308 des Travaux et les Jours d'Hésiode:

Ἐξ ἔργων δ' ἄνδρες πολύμηλοί τ' ἀφνειοί τε,

« Par les travaux les hommes deviennent et riches en troupeaux (ou en fruits) et opulents. >> Benserade, dans son CLXIXe quatrain, amène élégamment l'affabulation :

Un Vigneron mourant dit qu'un trésor insigne
Etoit pour ses enfants dans le fond de sa vigne.
A force d'y fouiller, sans y trouver de l'or,
Il en vint des raisins, et ce fut le trésor.

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Phèdre, livre IV, fab. 22, Mons parturiens. — Romulus, livre II, fab. 5, Mons parturiens. Haudent, Ire partie, fab. 132, des MonCorrozet, fab. 21, de l'enfantement des Montaignes. Boursault, les Fables d'Ésope, acte V, scène iv, la Montagne qui accouche. Le Noble, fab. 81, de la Montagne qui accouche. L'avor

taignes enflées.

tement.

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Mythologia sopica Neveleti, p. 441, p. 504.

M. le comte de Lurde nous a obligeamment communiqué un texte manuscrit de cette fable, qu'il croit autographe.

La fable est résumée dans ce vers grec (Érasme, Chiliades des verbes, col. 666, Genève, 1606):

Ὤδινεν οὖρος, εἶτα μῦν ἀπέκτεκεν.

pro

Le roi d'Égypte Tachos, étonné à la vue de la petite taille d'Agésilas, qui lui amenait des auxiliaires, l'accueillit par ces mots :

Ώδινεν ὄρος, Ζεὺς δ' ἐφοβεῖτο, τὸ δ' ἔτεκεν μῦν,

< La montagne était en travail, et Jupiter avait peur; elle enfanta une souris. » Entendant ces mots, Agésilas irrité lui dit : Þavisoμαί σοί ποτε καὶ λέων, « Je te paraitrai aussi lion quelque jour. Voyez Athénée, livre XIV, § 6 (p. 616 D). Lucien, dans son traité de la Manière d'écrire l'histoire, § 23 (édition Lehmann, tome IV, p. 194), compare de maigres histoires commençant par de longs et solennels débuts à des Cupidons portant de grands masques d'Hercule ou de Titan; quand on entend de tels débuts, dit-il, on s'écrie : Ὤδινεν ὄρος. Rabelais (livre III, chapitre xxiv, tome I, p. 445) applique de même l'apologue à une narration diffuse consacrée par Enguerrand (de Monstrelet) à un fait insignifiant : « La mocquerie est telle, dit-il, que de la Montaigne d'Horace, laquelle crioit et lamentoit enormement, comme femme en trauail d'enfant. A son cry et lamentation accourut tout le voisinaige, en expectation de veoir quelcque admirable et monstreux enfantement; mais enfin ne nasquit d'elle qu'une petite souris. » — Nodier cite une élégante

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imitation du poëte allemand Hagedorn ntitulée : la Montagne et le Poëte (OEuvres poétiques, 1769, 2o partie, p. 97), et il en donne cette traduction partielle et libre : « Dieux, secourez-nous; hommes, fuyez! une Montagne en travail va accoucher; elle jettera autour d'elle, avant qu'on ne soit sur ses gardes, et le sable et les rochers. Suffénus' sue, il rugit, il écume, il frappe du pied, il grince des dents; Suffénus est en fureur. Il rime, il veut couvrir Homère de honte. Qu'arrive-t-il? Suffénus enfante un sonnet, et la Montagne une souris. Un autre poëte allemand, Gleim (livre IV, fable 111), a traité le sujet en six vers d'un tour très-piquant. Dans l'une des deux

vieilles fables données par Robert, celle d'Ysopet II, la Montagne menaçante est un volcan :

mente.

.... Une grant Montaigne

Dont souuent naist fumée.

L'Anonyme de Nevelet (p. 504) intitule la sienne: de Terra tuLe Romulus de Nilantius (fable xx11) substitue ridiculement à la Montagne un Homme (Homo parturiens), dont la grossesse contre nature excite l'attente et l'effroi. Le Noble, soucieux des bonnes mœurs, fait précéder l'accouchement d'un hymen de Montagnes :

Deux Montagnes un jour, s'entend mâle et femelle,
Un Grec les nommeroit Hémus et Rhodopé,...

Scellèrent d'un hymen leur ardeur mutuelle.

Voyez les vers d'Horace et de Boileau cités dans la dernière note.

Une Montagne en mal d'enfant

Jetoit une clameur si haute,
Que chacun, au bruit accourant,
Crut qu'elle accoucheroit sans faute

D'une cité plus grosse que Paris:

Elle accoucha d'une Souris 3.

5

1. Nom d'un mauvais poëte raillé par Catulle dans sa xx11a poésie. 2. Dans le manuscrit de M. le comte de Lurde: poussoit. »

3. Mons parturibat, gemitus immanes ciens,

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