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Ne plaise aux Dieux que je couche
Avec vous sous même toit!

Arrière ceux dont la bouche

Souffle le chaud et le froid 10! »

10. Dans Faërne (vers 14):

Qui mihi uno eodemque fundis ore calidum et frigidum.

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Dans la fable grecque : Ὅτι ἐκ τοῦ αὐτοῦ στόματος τὸ θερμὸν καὶ τὸ ψυχρὸν ἐξάγεις. Chez le Noble, le Satyre s'écrie :

Quoi, coquin?...

Souffler de même bouche et le chaud et le froid!

Puis un peu plus loin :

Et je ne souffre point un homme à double haleine.

Le même le Noble, par deux fois, applique la moralité de la fable aux avocats qu'on voit

Soutenir le pour et le contre.

- Dans le recueil d'Érasme cité plus haut, elle est dirigée de même 'n jureconsultos qui causam eamdem nunc tuentur, nunc impugnant; et in rhetores qui eadem norunt laudare et vituperare, elevare atque attollere. Ce recueil contient en outre le rapprochement que voici : Et ipso (eodem) ore procedit benedictio et maledictio. Non oportet, fratres mei, hæc ita fieri. Numquid fons de eodem foramine emanat dulcem et amaram aquam? (Épitre de saint Jacques, chapitre III, versets 10 et 11.) - L'affabulation de Faërne est :

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Quem bilinguem nosti, amicum ne tibi hunc adsciscito.

- L'homme, dit Charron, est l'animal de tous le plus difficile à sonder et cognoistre, car c'est le plus double et contrefaict, le plus couuert et artificiel, et y a chez luy tant de cabinets et d'arrière-boutiques, dont il sort tantost homme, tantost satyre; tant de souspirails, dont il souffle tantost le chaud, tantost le froid, et d'où il sort tant de fumée. » (De la Sagesse, livre I, chapitre v, p. 33, Paris, 1657, in-12; dans d'autres éditions, livre I, chapitre XL.)

FABLE VIII.

LE CHEVAL ET LE LOUP.

Esope, fab. 259, "Ovos xaì Aúxos (Coray, p. 170 et 171, p. 390 et 391, sous cinq formes; la cinquième est la version d'Aphthonius, dont le titre suit). — Babrius, fab. 122, même titre. Aphthonius, fab. 9, Fabula Asini, non esse benefaciendum malis admonens. - Romulus, livre III, fab. 2, Leo et Equus. Faërne, fab. 4, Asinus et Haudent, re partie, fab. 12, d'un Asne et d'un Leon;

Lupus.
fab. 143, d'un Lyon et d'un Cheual.

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Corrozet, fab. 32, du Lyon et du Cheual, Le Noble, fab. 16, du Cheval et du Loup. Le fourbe fourbé. Voyez la comparaison que fait M. Soullié (p. 232-237) de la fable de le Noble avec celle de la Fontaine.

Mythologia sopica Neveleti, p. 298, p. 328, p. 376, p. 516.

On a pu remarquer que plusieurs des fabulistes antérieurs à la Fontaine mettent en scène, au lieu du Loup, le Lion, et presque tous l'Ane, au lieu du Cheval. Une autre différence, c'est que le Cheval ou l'Ane, dans la plupart des fables dont nous venons de donner les titres, est réellement boiteux et souffrant et a besoin du médecin. Il s'est enfoncé une épine ou une écharde, « ung gros estoc de boys, › dit Haudent, ou un clou dans le pied. Il veut bien, dit-il, que le Loup ou le Lion le dévore, mais après lui avoir d'abord ôté son mal, « afin que son âme ne descende pas malade aux enfers: »

Ὥς μου κατέλθῃ πνεῦμ ̓ ἀναλγὲς εἰς Ἅιδου. (BABRIUS, vers 8.) La cinquième des fables grecques de Coray se rapproche de la nôtre; l'Ane y feint de boiter (wλalvεv яроσвлоιετто). Le Cheval a de même recours à la ruse, et son mal est une feinte, dans le Roman du Renart (édition Méon, vers 7521-7610); dans les deux fables d'Ysopet I et d'Ysopet 11, citées par Robert; et dans celles de Benserade et de le Noble. Le Noble lui fait dire :

Je me mis en courant un clou dans la fourchette.

Benserade tourne ainsi son quatrain (le LXVI®) :

L'Ane disoit au Loup: « Je suis estropié

D'une épine, et voyez de quel air je chemine. »

Comme à l'Ane le Loup vouloit tirer l'épine,

L'Ane au milieu du front lui tire un coup de pié. »

Haudent, comme on le voit dans la notice, a traité deux fois le sujet; dans sa première version l'Ane ne ruse point; dans sa seconde le Cheval ruse. La fable est indiquée en ces termes, plutôt que racontée, dans la Satyre des Loups ravissants de Robert Gobin, qui écrivait à la fin du quinzième siècle (voyez M. Soullié, p. 193) : « De ceci raconte Isopet que le Lion voyant un Cheual paistre, par ypocrisie feignit estre medecin, et le cuidoit prendre...; mais le Cheual y obuia et lui bailla un coup de pié. » — Enfin J. Grimm, dans son Reinhart Fuchs (p. 423 et 424), donne une fable latine, composée probablement en France au quatorzième siècle et intitulée Mulus, Vulpes et Lupus, dans laquelle le sujet est ainsi modifié : Le Loup, à l'instigation du Renard, va demander au Mulet : « Qui es-tu? Je ne sais, répond le Mulet ; j'étais trop petit quand mon père est mort; mais il a écrit mon nom au-dessous de mon pied gauche, › Le Loup veut le lire. On devine le reste.

Un certain Loup, dans la saison
Que les tièdes zéphyrs ont l'herbe rajeunie,
Et que les animaux quittent tous la maison
Pour s'en aller chercher leur vie :

Un Loup, dis-je, au sortir des rigueurs de l'hiver,
Aperçut un Cheval qu'on avoit mis au vert.

Je laisse à penser quelle joie1.

« Bonne chasse, dit-il, qui l'auroit à son croc3!
Eh!
que n'es-tu mouton! car tu me serois hoc*,

1. Voyez livre I, fable 1x, vers 7.

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2. Encore une de ces ellipses si familières à notre poëte : « Bonne

chasse pour qui l'aurait. »

livre XII, fable 1x, vers 36.

3.

Quant au mot croc, qui suit, voyez

Le Lion qui grant fain auoit

Si pense, quant le Cheual voit,

Que il en fera sa cuisine. (YSOPET I.)

4. C'est-à-dire, tu me serais assuré, une proie assurée. On appelait hoc un jeu dans lequel certaines cartes, à savoir, les quatre rois,

Au lieu qu'il faut ruser pour avoir cette proie.
Rusons donc3. » Ainsi dit, il vient à pas comptés;
Se dit écolier d'Hippocrate R;

Qu'il connoît les vertus et les propriétés

De tous les simples de ces prés;

Qu'il sait guérir, sans qu'il se flatte,

Toutes sortes de maux. Si dom Coursier vouloit
Ne point celer sa maladie,

Lui Loup gratis le guériroit;

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la dame de pique et le valet de carreau, étaient assurées de faire la levée, et en les abattant, on disait : hoc, de même qu'en abattant une carte quelconque au-dessus de laquelle il n'y en avait plus dans le jeu, un six, par exemple, quand tous les sept étaient joués. — Dans les Femmes savantes, acte V, scène ш, Molière emploie aussi le mot dans le sens d'assuré :

....

Mon congé cent fois me fût-il hoc,
La poule ne doit point chanter devant le coq.

5. Et comme de droit fil la chose étoit peu sûre,
Il falloit le prendre en rusant. (Le Noble.)

Le même fabuliste imite ainsi, assez gauchement, la fin du vers :
Le Loup donc d'une grave patte

Marche droit au Cheval....

6. Medicum professus, dit Faërne (vers 3).

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de Romulus: Se subtiliter approximavit, veluti familiaris, qui se diceret medicum.

En médecin par feincte s'acoustra,

dit Corrozet.

Le Noble parle aussi d'Hippocrate :

Mais, direz-vous, un Loup se feindre un Hippocrate :
Quelle idée!...

- Voyez livre III, fable vIII, vers 19.

-

7.

Pour très bon mire (médecin) sui tenu :

Si sui de Salerne venu

Pour vous guerir de vostre mal. (YSOPET I.)

Le Loup de le Noble nomme deux autres écoles:

Padoue et Montpellier n'ont rien que je ne passe. Voyez ci-dessus, p. 230, note 8.

Car le voir en cette prairie

Paître ainsi, sans être lié,

Témoignoit quelque mal, selon la médecine'. « J'ai, dit la bête chevaline,

Une apostume1o sous le pied11.

Mon fils, dit le docteur, il n'est point de partie
Susceptible de tant de maux.

J'ai l'honneur de servir Nosseigneurs les Chevaux,
Et fais aussi la chirurgie.

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Mon galand ne songeoit qu'à bien prendre son temps,
Afin de happer son malade.

L'autre, qui s'en doutoit, lui lâche une ruade12,
Qui vous lui met en marmelade

Les mandibules 18 et les dents 1+.

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8. L'édition de 1678 écrit: témoigne; mais, dans l'Errata, elle corrige, et remet témoignoit, qui se trouve dans la première édition, et que donnent également celles de 1682 et de 1708.

9. Voyez ce que M. Taine (p. 147 et 148) dit, à propos de ces vers, du caractère et du langage que la Fontaine prête aux médecins. 10. Les éditeurs modernes écrivent presque tous « un apostume; › mais les éditions originales ou contemporaines, de même que les dictionnaires du dix-septième siècle, font le mot du féminin. 11. Dans Ysopet II:

Sire, dit le Cheual,

Long tems a que i'ai mal
En un des piés derriere.

12. Le Noble emploie le même mot :

Il vous lui sangle par le nez
Une épouvantable ruade.

13. Les mâchoires. « A l'aultre feut demanchée la mandibule superieure. » (RABELAIS, livre IV, chapitre xv, tome II, p. 40.)

14. Dans l'une des fables de Coray, le coup de pied arrache les dents; dans une autre, comme dans celle de Babrius (vers 13), il brise nez, front, molaires :

Ρίνας, μέτωπα, γομφίους τ' ἀλοιήσας.

Chez la plupart des anciens fabulistes, le Loup reçoit le coup

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