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FABLE II.

LE POT DE TERRE ET LE POT DE FER.

Ésope, fab. 290, Xúτpaι (Coray, p. 190). — Avianus, fab. 11, Olla Faërne, fab. 1, Ollæ duæ, ænea et fictilis.

Hau

erea et lutea. dent, re partie, fab. 189, de deux Vaisseaux, l'un d'erain et l'autre de terre. - Le Noble, fab. 39, du Pot de fer et du Pot de terre. L'attaque téméraire.

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Mythologia sopica Neveleti, p. 318, p. 461.

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Le sujet de la fable est indiqué en deux mots au chapitre XIII du Livre de l'Ecclésiastique : Ditiori te ne socius fueris. Quid communicabit cacabus ad ollam? quando enim se colliserint, confringetur1 (versets 2 et 3). L'idée morale est développée dans les versets suivants. - L'allégorie du pot brisé se trouve aussi, avec celle de deux pots qui, en se heurtant, se brisent tous deux, dans les recueils de fables indiennes voyez le Pantschatantra, livre III, strophes 13 et 14 (édition de M. Benfey, tome II, p. 215); et l'Hitopadeça, livre IV, fable XII, strophe 63 (p. 197 de la traduction française de M. Lancereau). — Nous donnons à l'Appendice un morceau consacré à cet apologue dans les Contes et discours d'Eutrapel, par de la Herissaye (Rennes, 1585, fo 17, verso). Le conte où il se trouve est le second du recueil et a pour titre : « N'entreprendre trop haut et hanter peu les grands. - G. Bouchet, sieur de Brocourt, s'est souvenu de la comparaison et du conseil qui s'en tire, au livre II de ses Serees (p. 18, Rouen, 1634, xe serée): « Je pense que la conuersation des princes, tant soit-elle à honorer, doit estre euitee autant qu'il est possible, suiuant l'exemple du vase de terre, lequel refusa la compagnie du pot d'airain. » — Le sujet est aussi traité dans l'emblème CLXV d'Alciat. M. Saint-Marc Girardin, dans sa xvre leçon (tome II, p. 72 et 73), parle du « plaisir secret que trouve la vanité

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1. Nous n'avons pas l'original hébreu du Livre de l'Ecclésiastique; le texte grec est : Τί κοινωνήσει χύτρα πρὸς λέβητα; αὕτη προσκρούσει καὶ αὕτη συντριβήσεται. Le mot χύτρα, « marmite de terre, » fait mieux opposition à λéбŋs, « chaudron, » que cacabus à olla dans la vieille traduction latine, antérieure à saint Jérôme.

à se mettre de pair avec plus grand que soi; » et passant de l'allégorie au sens propre : « Le Pot de fer, dit-il, est bon prince.... C'est l'égalité parfaite. Seulement, comme l'un en prend plus que l'autre au fond n'en donne, il arrive un jour que tout change. Voltaire quitte Sans-Souci, où Frédéric l'avait invité, et revient en maudissant celui qu'il appelle Busiris au retour, et qu'il appelait le Salomon du Nord au départ. »

Le Pot de fer proposa

Au Pot de terre un voyage1.
Celui-ci s'en excusa,
Disant qu'il feroit que sage*
De garder le coin du feu ;
Car il lui falloit si peu,
Si peu, que la moindre chose

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De son débris seroit cause:

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2. Dans presque toutes les fables indiquées ci-dessus, l'histoire se passe dans l'eau (un fleuve, un torrent, etc.). - Chez Haudent, les deux Pots veulent

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Dans la fable grecque, qui est très-courte, le Pot de terre prie le Pot d'airain de ne pas s'approcher, de nager loin de lui: paxpółɛv μou κολύμβα, καὶ μὴ πλησίον. Chez Faërne, c'est, comme chez la Fontaine, le plus fort qui se montre prévenant; mais sa prévenance est intéressée :

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Ahena, proprio prægravata pondere,

Sibique porro præcavens,

Suadere cœpit anteeunti fictili

Conjungi uti vellet sibi,

Quo rapidum aquarum sustinerent impetum

Junctis utrinque viribus. (Vers 3-8.)

3. Dans cette locution, qui se rencontre dans notre plus vieille langue, que a le sens du latin quod: a qu'il ferait ce que ferait le sage, c'est-à-dire « qu'il ferait sagement. » Voyez le Lexique. L'édition de 1729 rajeunit ainsi le tour :

Disant qu'il serait plus sage.

4. Débris, dans le sens de brisement, destruction. Voyez le Lexique.

J. DE LA FONTAINE, I

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Il n'en reviendroit morceau.

« Pour vous, dit-il, dont la peau
Est plus dure que la mienne,
Je ne vois rien qui vous tienne.

Nous vous mettrons à couvert,

Repartit le Pot de fer:
Si quelque matière dure
Vous menace d'aventure",
Entre deux je passerai,
Et du coup vous sauverai".
Cette offre le persuade.
Pot de fer son camarade
Se met droit à ses côtés.

Mes gens s'en vont à trois pieds,

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ΙΟ

5. Il y a la même métaphore dans Faërne (vers 13 et 14):

Ut sospitem te dura præstabit cutis,
Fragilem meam sic conteret.

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20

- Alciat, dont les Emblèmes parurent au seizième siècle, trente ou quarante ans avant les Fables de Faërne, fait dire au Pot de terre :

Ipsa ego te fragilis sospite sola terar.

6. Nous avons à peine besoin d'avertir que d'aventure, bien que nous ne le fassions pas précéder, non plus que les éditions originales, d'une virgule, ne dépend point de menace, mais a son sens ordinaire de par hasard. >

7. Chez Haudent le Pot d'airain lui promet

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8. Benserade (quatrain cn), les faisant de même aller de conserve, ajoute ingénieusement une très-juste comparaison :

Le Pot de fer nageoit auprès du Pot de terre,
L'un en vaisseau marchand, I autre en vaisseau de guerre;
L'un n'appréhendoit rien, l'autre avoit de l'effroi,

Et tous deux savoient bien pourquoi.

- M. Taine (p. 141) voit spirituellement dans le Pot de fer « un capitan qui propose son escorte. »

Clopin-clopant comme ils peuvent',
L'un contre l'autre jetés

Au moindre hoquet 10 qu'ils treuvent.
Le Pot de terre en souffre; il n'eut pas fait cent pas
Que par son compagnon il fut mis en éclats,
Sans qu'il eût lieu de se plaindre.

Ne nous associons qu'avecque nos égaux,
Ou bien il nous faudra craindre

Le destin d'un de ces Pots11.

9. Le Noble dit à peu près de même :

Et clochant sur trois pieds vinrent cahin-caha.

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30

Chez lui, comme chez la Fontaine, tout a lieu en terre ferme; mais il a donné à toute la fable un tour fort ridicule, et fait de la rencontre des deux marmites un duel en champ clos,

10. Hoquet, « obstacle, empêchement, » d'après du Cange (voyez son Glossaire, au mot Hoquétus); ou bien plutôt « accroc », en rattachant le mot au picard hoc, hoket, « croc, accroc, » d'où hoker, ahoker, « accrocher. >>

11. La morale est ainsi rendue dans Avianus (vers 15 et 16):

Pauperior caveat sese sociare potenti;

Namque fides illi cum parili melior.

Dans Faërne (vers 15 et 16):

Potentiorum semper est vicinitas

Vitanda tenuioribus.

Le Noble tire de la fable une morale un peu différente :

Sous le fort le foible succombe;

Sous le mauvais périt le bon.

C'est dans le sens du premier de ces deux vers que Charles le Téméraire dit aux envoyés des quatre membres de Flandre qui viennent réclamer contre l'établissement d'un impôt considérable : « Je vous montrerai ce que vous ne pouvez ni ne devez faire. Ce sera la querelle du pot et du verre : si le verre se heurte au pot, il est bientôt rompu. » Voyez l'Histoire des ducs de Bourgogne du baron de Barante, tome IX, p. 130 (Paris, 1829, in-8°).

FABLE III.

LE PETIT POISSON ET LE pêcheur.

Esope, fab. 124, Akrebs xal Zuapís (Coray, p. 67, p. 326). - Babrius, fab. 6, Αλιεὺς καὶ Ἰχθύδιον.

Piscis.
Poisson.

Haudent, 1 partie, fab.

Avianus, fab. 20, Piscator et

20, d'un Pescheur et d'un petit Le Noble, conte 68, du Pécheur et du petit Poisson. Le refus indiscret.

Mythologia sopica Neveleti, p. 187, p. 469.

Cette fable a été reproduite dans le Recueil de poésies chrétiennes et diverses, tome III, p. 361 (par erreur, pour p. 365).

La fable 70 de Corrozet, du Rossignol et de l'Oiseleur, développe la même idée, avec d'autres personnages; elle a fourni à la Fontaine le vers de sa morale (voyez la note 8). — Dans une chronique en prose française, du treizième siècle, la Chronique de Rains, publiée par M. Louis Paris, l'archevêque de Rouen, Rigauld, raconte à saint Louis un apologue qui a beaucoup d'analogie avec celui de Corrozet; M. Éd. du Méril l'a cité en entier dans l'Introduction de ses Poésies inédites du moyen åge, p. 144–146: Une mésange, prise par un paysan, le persuade de la laisser aller parce qu'elle est « une petite cose (chose), » et après s'être envolée, elle lui conseille de garder une autre fois ce qu'il tiendra. Chez le Noble, le Pêcheur prend un premier poisson, qu'il làche; puis un second, qu'il garde, instruit qu'il est par l'expérience.

Petit poisson deviendra grand,
Pourvu que Dieu lui prête vie;
Mais le lâcher en attendant,

Je tiens pour moi que c'est folie :

Car de le rattraper il1 n'est pas trop certain.

Un Carpeau, qui n'étoit encore que fretin,

1. Voyez ci-dessus, p. 218, note 3.

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2. Outre Carpeau, la Fontaine emploie, au vers 11, la forme de

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