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Il n'est meilleur ami ni parent que soi-même13.
Retenez bien cela, mon fils. Et savez-vous
Ce qu'il faut faire? Il faut qu'avec notre famille"
Nous prenions dès demain chacun une faucille :
C'est là notre plus court; et nous achèverons

Notre moisson quand nous pourrons. »

Dès lors que ce dessein fut su de l'Alouette :

"

C'est ce coup qu'il est bon de partir, mes enfants "",
Et les petits, en même temps,
Voletants, se culebutants 21,

18. C'est l'idée que Haudent exprime dans son affabulation:

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19. Avec les gens de la maison: voyez ci-dessus, livre IV, fable rv, vers 35 (p. 278, note 12).

20. Plusieurs éditeurs modernes, Gail, entre autres, dans les Trois fabulistes (1796), l'abbé Guillon, etc., ont ainsi écrit ce vers :

C'est à ce coup qu'il faut décamper, mes enfants!

Notre leçon est celle de toutes les éditions anciennes. - La plupart des autres fabulistes donnent la raison du départ, qu'on peut considérer comme développant la moralité. Ainsi Babrius (vers 18 et 19): Νῦν ἐστιν ὥρη, παῖδες, ἀλλαχοῦ φεύγειν,

Ὅτ' αὐτὸς αὑτῷ, κοὐ φίλοισι, πιστεύει.

- Aulu-Gelle: In ipso enim jam vertitur cuja est res, non in alio, unde petitur. Faërne (vers 37): .

-

Quando is ipse cuja res est illam agendam suscipit.

Avianus (vers 14):

Quum spem de propriis viribus ille petit.

21. Dans les deux éditions de 1668, in-4o et in-12, ainsi que dans la reproduction qui en fut faite en 1669, et dans le Recueil de poésies chrétiennes et diverses, on lit se culebutans. Dans l'édition de 1678, l'imprimeur avait mis; se culbutans, qui est la véritable orthographe de ce mot; mais dans l'Errata joint à cette édition,

Délogèrent tous sans trompette.

la Fontaine rétablit se culebulans, Chainfort a donc eu tort de dire: « Voletants, se culbutants. Ce vers de sept syllabes entre deux vers de huit syllabes donne du mouvement au tableau, et exprime le sens dessus dessous avec lequel la petite famille déménage. » Avis aux commentateurs imprudents qui ont plus d'imagination que d'exactitude Gail s'est permis cette correction :

Voletants et se culbutants.

LIVRE CINQUIÈME.

FABLE I.

LE BUCHERON ET MERCure.

A M. L. C. D. B.

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Ésope, fab. 44, Ξυλευόμενος καὶ Ἑρμῆς (Coray, p. 28 et 29, et p. 302 et 303, sous trois formes, dont la seconde, qui est d'une trèsélégante sobriété, se trouve dans les Proverbes de Michaël Apostolius, ou plutôt dans les additions qu'y a faites son fils Arsénius; voyez les Parémiographes grecs de E. L. de Leutsch, tome II, p. 593 et 594, centurie x111, 67 a). Faërne, fab. 62, Lignator et Mercurius. Rabelais, Nouveau prologue du livre IV, tome II,

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p. xx-xxxII. Haudent, 2o partie, fab. 34, d'un Bocheron et de

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Le Noble, fab. 56, du Bücheron et de Mercure. La probité

Mythologia sopica Neveleti, p. 125.

M. Taine (p. 256-263) fait entre la première des fables ésopiques

1. Le chevalier de Bouillon, que ces initiales désignent selon toute apparence (voyez l'Histoire de la Fontaine par Walckenaer, livre II, tome I, p. 206), était un ami de Chaulieu, et, comme lui, de la société du Temple. « On sait, dit Walckenaer (ibidem), qu'il avait beaucoup d'esprit et d'instruction. » Dans les OEuvres diverses de Chaulieu (Londres, 1740, in-8°) on trouve plusieurs pièces qui lui sont adressées, et notamment (au tome I, p. 114) la fameuse épître qui commence par ce vers :

Élève que j'ai fait dans la loi d'Épicure.

A la page 122, est une lettre en prose du chevalier lui-même, qui nous apprendrait, si nous ne la connaissions, la vie qu'on menait dans cette société des libertins.

données par Coray, le récit de Rabelais (dégagé des parenthèses et digressions qui y sont entièrement étrangères) et l'apologue de la Fontaine, une comparaison où tout l'avantage demeure à notre poëte. Il paraît, avec raison, au spirituel critique que chez Rabelais, dont la fable semble aussi « démesurément longue et diffuse » à M. Soullié (p. 202), « l'imagination déborde et noie le récit; » que la Fontaine a saisi « le milieu entre la sécheresse et l'abondance, entre la rareté et l'entassement des détails, » que, par la puissance du goût et le désir d'aller au but, a il trouve plus d'idées que Rabelais, et dit moins de paroles qu'Esope. »

Votre goût a servi de règle à mon ouvrage :
J'ai tenté les moyens d'acquérir son suffrage.
Vous voulez qu'on évite un soin trop curieux,
Et des vains ornements l'effort ambitieux 2;
Je le veux comme vous: cet effort ne peut plaire.
Un auteur gåte tout quand il veut trop bien faire3.
Non qu'il faille bannir certains traits délicats:
Vous les aimez, ces traits; et je ne les hais pas.
Quant au principal but qu'Esope se propose,
J'y tombe au moins mal que je puis.
Enfin, si dans ces vers je ne plais et n'instruis,

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Ornamenta.... (HORACE, Art poétique, vers 447.)

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3. Nimia cura deterit magis quam emendat. (PLINE le jeune, livre IX, lettre xxxv, à Appius.)

L'esprit qu'on veut avoir gâte celui qu'on a.

(GRESSET, le Méchant, acte IV, scène vII.) Walckenaer, à l'endroit cité, dit, au sujet de ces six premiers vers, qu'ils prouvent « que la Fontaine méditait beaucoup sur son art (voyez la note 4) et qu'il consultait souvent celui à qui il s'adresse.» N'est-ce pas trop conclure? A un aussi heureux génie, écrivant à une telle époque, était-il besoin de bien longues méditations pour trouver et rendre ainsi l'une des premières règles du bon goût? et pour savoir que le chevalier de Bouillon, si c'est de lui qu'il s'agit, était de son avis sur ce point, fallait-il de fréquentes consultations?

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