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A l'honneur de votre présence?
Vous le voyez souvent, je pense 11?
- Tous les jours : il est mon ami;
C'est une vieille connoissance 13.
Notre magot prit, pour ce coup,

14

Le nom d'un port pour un nom d'homme.

De telles gens il est beaucoup

Qui prendroient Vaugirard pour Rome 15,

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munément l'existence d'Ésope; c'est une des raisons dont se sert le P. Vavasseur, dans son curieux traité de Ludicra dictione (Paris, 1658, in-4°, p. 19), pour prouver que les fables d'Ésope lui sont faussement attribuées, et qu'elles appartiennent à son biographe Planude.... » (NODIER, édition de 1818, tome I, p. 147.)- Le P. Vavasseur aurait dû se contenter de conclure que parmi les fables dites d'Esope il en est qui lui sont faussement attribuées, et d'ailleurs ne pas assigner péremptoirement à Planude la paternité, même de celles-là.

12. Les deux questions peuvent s'appliquer aussi bien à un homme qu'à un lieu; mais la première ne manque-t-elle pas un peu de naturel? Le fabuliste latin dit plus simplement : Nossetne Piræum? et l'auteur de la fable grecque en prose: El zal tòv IIɛiparã ἐπίσταται. Chez le second, l'entretien tout entier, chez le premier, une partie de l'entretien a lieu au Pirée même.

13. Dans le récit de Tzetzès, le Singe ajoute plaisamment qu'il connaît << et tous ses enfants, et sa femme, et ses amis : >>

Καὶ τούτου τέκνα σύμπαντα, σύζυγον, καὶ τοὺς φίλους.

14. Magot désigne proprement un gros singe sans queue, du genre des macaques. Dans la synonymie indiquée en note au tome XIV de Buffon, p. 109 (Imprimerie royale, 1766), le magot est identifié avec le cynocéphale, mentionné par Aristote au livre II de l'Histoire des animaux, chapitre vIII (ailleurs v).

15. Locution proverbiale. Le nom de Vaugirard s'employait vo lontiers dans ces sortes de rapprochements géographiques : voyez au tome X des Lettres de Mme de Sévigné, p. 495, comment Coulanges s'en est servi dans une chanson. Vaugirard était au temps de la Fontaine, et il n'y a pas longtemps encore, un village près de Paris (à une lieue de distance, dit en 1771 le Dictionnaire de Trévour); il fait partie maintenant de la ville, depuis que Paris a élargi son enceinte.

Et qui, caquetants 16 au plus dru,
Parlent de tout, et n'ont rien vu.

Le Dauphin rit, tourne la tête,
Et le magot considéré,

Il s'aperçoit qu'il n'a tiré

Du fond des eaux rien qu'une bête.
Il l'y replonge, et va trouver

Quelque homme afin de le sauver 17

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16. Les éditions originales mettent ainsi le participe au pluriel, de même que celles de 1682 et de Londres 1708.

17. « On ne voit pas trop quelle est la moralité de cette prétendue fable, qui n'en est pas une. » (CHAMFORT.) – lation de Faërne :

Qui mentiuntur impudenter, hi suis
Refellere ipsi se solent mendaciis.

Voici l'affabu

Ἑρμοῦ.
Ydole.

FABLE VIII.

L'HOMME ET L'IDOLE DE BOIS.

Ésope, fab. 128, Ἄνθρωπος καταθραύσας ἄγαλμα (Coray, p. 70 et 71, sous deux formes, et p. 330). Babrius, fab. 119, Αγαλμα Haudent, 2o partie, fab. 8, d'un Avaricieux et de son Corrozet, fab. 76, de l'Homme et de son Dieu de bois. Le Noble, fab. 51 bis (no 1 du tome II), de l'Idole brisé (sic: voyez la note 4). Le caprice.

Mythologia sopica Neveleti, p. 192.

On a rapproché de cet apologue un conte indien, dont il existe plusieurs versions. Dans ce conte, fondé sur une croyance bouddhique, l'Idole, dans laquelle de l'or est caché, est remplacée par un moine djaina, en chair et en os, qu'un coup de bâton, assené sur la tête, transforme en or, et cet or enrichit un pauvre marchand, riche dans une existence antérieure, qui, averti en songe, a ainsi frappé le moine. M. Weber, par une conjecture ingénieuse, trop ingénieuse peut-être, suppose, dans ses Études indiennes (tome III, p. 353), que cette sorte de légende fait allusion à un épisode de la sanglante persécution dirigée contre le bouddhisme, au roi Pushpamitra promettant cent pièces d'or pour chaque tête de religieux qu'on lui apporterait : c'est un fait rapporté par Eugène Burnouf dans son Introduction à l'histoire du Buddhisme (p. 431). Au sujet du conte indien, que plusieurs inclinent à considérer comme la source de la fable grecque, on peut voir, outre M. Weber, déjà cité, l'Introduction au Pantschatantra de M. Benfey (tome I, p. 475-479), et le Mémoire de M. Wagener (p. 121). Le conte même est le rer du livre V du Pantschatantra (tome II de M. Benfey, p. 321-326); il y est allongé par une continuation assez plaisante.

Certain Païen chez lui gardoit un Dieu de bois,

De ces dieux qui sont sourds, bien qu'ayants 1 des oreilles':

1. Ce pluriel est dans toutes les éditions anciennes, sauf celle de 1679 (Amsterdam).

2. C'est le mot du Psalmiste: Aures habent et

non audient

Le Païen cependant s'en promettoit merveilles.
Il lui coûtoit autant que trois :

Ce n'étoient que vœux et qu'offrandes,
Sacrifices de bœufs couronnés de guirlandes.
Jamais idole, quel qu'il* fùt,

N'avoit eu cuisine si grasse,

Sans que pour tout ce culte à son hôte il échût
Succession, trésor, gain au jeu, nulle grâce.
Bien plus, si pour un sou d'orage en quelque endroit
S'amassoit d'une ou d'autre sorte,

L'Homme en avoit sa part; et sa bourse en souffroit:
La pitance du Dieu n'en étoit pas moins forte.
A la fin, se fàchant de n'en obtenir rien,
Il vous prend un levier, met en pièces l'Idole 3,
Le trouve rempli d'or. «Quand je t'ai fait du bien,
M'as-tu valu, dit-il, seulement une obole?
Va, sors de mon logis, cherche d'autres autels.
Tu ressembles aux naturels

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(psaume cxIII, verset 6). Dans la Prophétie de Baruch, pour laquelle, on le sait, la Fontaine eut, à un certain moment, un si vif enthousiasme, il y a tout un chapitre (le vie) sur la vanité et l'impuissance des idoles, où on lit entre autres choses (verset 41): Sensum enim non habent ipsi dii illorum. Voyez aussi les beaux vers du Polyeucte de Corneille (1216 et suivants, acte IV, scène ш).

3. Ce n'étoit, dans la première édition (1668); Ce n'étoient, dans celles de 1678, de 1682, de la Haye 1688, de Londres 1708. L'abbé Guillon, Crapelet, Walckenaer n'ont pas suivi le dernier texte de la Fontaine, et ont mis le singulier: Ce n'étoit. Les deux premiers ont même fait une assez longue note chacun sur ce défaut d'accord, sans remarquer qu'il avait été corrigé dans l'édition définitive.

4. Au dix-septième siècle, le genre du mot idole, qui en grec est, comme l'on sait, du neutre (ɛïòʊλov, idolum), n'était pas encore bien fixé. Voyez le Lexique.

5. Dans les fables grecques, l'Homme prend la statue par la jambe et la brise contre terre; dans Haudent, il la jette contre un mur; chez lui, comme dans la prose et les vers grecs, c'est de la tête que l'or s'échappe.

Malheureux, grossiers et stupides:

On n'en peut rien tirer qu'avecque © le bâton 7.
Plus je te remplissois, plus mes mains étoient vides:
J'ai bien fait de changer de ton3. »

6. Avec, faute d'impression évidente, dans l'édition de 1668 in-4°. 7. C'est la même morale que dans les apologues grecs. « Qu'y a-t-il d'étonnant, dit Chamfort, qu'une idole de bois ne réponde pas à nos vœux, et que renfermant de l'or, l'or paraisse quand vous brisez la statue? Que conclure de tout cela? Qu'il faut battre ceux qui sont d'un naturel stupide? Cela n'est pas vrai, et cette méthode ne produit rien de bon.» Voici l'affabulation de Haudent :

Cette fable taxe le vice

De ceulx lesquelz iamais ne font
Prouffit, plaisir, bien, ne seruice,

Si notamment contrainctz n'y sont.

Le Noble, qui a coutume de faire précéder son récit français d'un distique latin, met en tête ici cette épigramme :

Fracta dat irato precibus quæ dona negabat.

O procax mulier, quam tibi par statua!

8. « Je ne savais pas, dit l'Homme dans Babrius, cette nouvelle façon d'être pieux envers toi. »

Τὴν εἰς σὲ καινὴν εὐσέβειαν οὐκ ᾔδειν.

M. Soullié, qui pense que l'apologue de Babrius est la source de celui de la Fontaine, trouve (p. 76) qu'il « n'est pas d'un païen trèsdévot, » et que les Dieux y sont traités « assez cavalièrement. » La remarque s'applique bien au sujet même, mais moins, ce me semble, à la manière dont Bahrius l'a traité. Il va jusqu'à prendre la précaution de faire remonter l'invention irrévérente à Ésope, qui « implique, dit-il, les Dieux mêmes dans ses fables: »

Καὶ τοὺς Θεοὺς Αἴσωπος ἐμπλέκει μύθοις.

Au reste, on a douté que cet apologue fût de Babrius. Bernhardy, dans son Esquisse de l'Histoire de la littérature grecque (Halle, 1859, tome II, p. 655, S 1048), le regarde comme indigne de lui. Disons toutefois que M. Boissonade ne paraît pas avoir partagé ce doute; au moins ne l'exprime-t-il pas dans son commentaire.

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