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Tant soldat que capitaine.
Les princes périrent tous.
La racaille, dans des trous
Trouvant sa retraite prête,
Se sauva sans grand travail;
Mais les seigneurs sur leur tête
Ayant chacun un plumail',
Des cornes ou des aigrettes,
Soit comme marques d'honneur,
Soit afin que les Belettes
En conçussent plus de peur,

Cela causa leur malheur.

Trou, ni fente, ni crevasse

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Suis ligarant, ut conspicuum in prælio

Haberent signum, quod sequerentur milites.

(PHEDRE, Vers 5-7.)

• La fable esopique se sert du mot κέρατα, cornes : κέρατα κατασκευάsavτes Éautots σuvjav. Chauveau, dans la gravure qu'il a mise en tête de cette fable, dans l'édition de 1678, a placé sur la tête des rats de véritables cornes. Nous savons par Hérodote (livre VII, chapitre LXXVI), par Diodore (livre V, chapitre xxx), que les Thraces et les Gaulois portaient des casques d'airain surmontés de cornes d'animaux, également d'airain, dit Hérodote. Plutarque nous apprend que Pyrrhus, campé près de Béroé, fut reconnu par les soldats de Démétrius aux cornes de bouc qui décoraient son casque : voyez la Vie de Pyrrhus, chapitre xi.

9.

Ἄλλοι μὲν οὖν σωθέντες ἦσαν ἐν τρώγλαις. (BABRIUS, vers 17.)

10.

N'est pas petit embarras.
Le trop superbe équipage
Peut souvent en un passage
Causer du retardement.
Les petits, en toute affaire,
Esquivent fort aisément :

Les grands ne le peuvent faire1o.

Quemcumque populum tristis eventus premit,
Periclitatur magnitudo principum,

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Minuta plebes facili præsidio latet. (PHÈDRE, vers 11-13.) L'affabulation de Babrius (vers 23 et 24) est que « pour vivre

sans danger, une humble et simple condition est préférable à l'éclat : »

Λέγει δ' ὁ μῦθος· « Εἰς τὸ ζῆν ἀκινδύνως

Τῆς λαμπρότητος εὐτέλεια βελτιών. »

Dans la troisième des fables en prose données par Coray, la morale est tout autre, et beaucoup moins appropriée au récit : « Sans le secours divin, c'est vainement qu'on se fie aux armes. » On dirait que c'est un souvenir de l'intervention de Jupiter dans la Batrachomyomachie.

J. DE LA FONTAINE, 1

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FABLE VII.

LE SINGE ET LE DAUPHIN1.

Ésope, fab. 88, П0ŋxos xaì Aeλols (Coray, p. 51 et 52, sous deux formes, dont la seconde, en vers, que Coray nomme à bon droit barbares, est de Tzetzès). Faërne, fab. 36, Simius et Delphus". Haudent, ire partie, fab. 70, d'un Daulphin et d'un Singe.

Mythologia sopica Neveleti, p. 160.

M. Benfey, dans son Introduction au Pantschatantra (p. 425), parle d'une fable orientale qui rappelle la fable grecque, et qu'il croit pouvoir regarder comme en étant une imitation partielle. Il y est question d'un singe qui s'aventure en mer sur le dos d'un monstre marin. M. Taine (p. 138) fait figurer notre Singe dans la galerie des bourgeois vaniteux qu'il trouve chez la Fontaine. La fable du Singe et le Dauphin était représentée dans le Labyrinthe de Ver

1. Toutes les éditions anciennes, excepté celles de 1679 (Amsterdam) et de 1682 (Paris), écrivent Daufin, ici et à tous les vers où ce mot se trouve. L'impression de 1678 A porte dauphins au vers 7, mais partout ailleurs elle a Daufin.

2. Par une étrange confusion, Tzetzès et Faërne ont remplacé le Dauphin par un homme; on ne peut pas s'y méprendre, car chez tous les deux il est question de la main de ce sauveur; aussi la gravure qui accompagne la fable dans l'édition de Faërne de 1564 représente-t-elle en effet un homme qui saisit le Singe par les pieds et le lance à la mer, Cet homme, chez Faërne, est un Delphien. A-t-il lu ou cru qu'il fallait lire, dans la prose grecque de Planude, au lieu de Δελφίς, Δελφός, qui se trouve en effet chez les auteurs grecs dans le sens de Acλpixós? Quant au singulier latin Delphus, il n'y en a pas d'exemple, que nous sachions, dans la bonne latinité; mais Justin (livre XXIV, chapitres vii et vIII) a employé au sens d'« habitants de Delphes, le pluriel Delphi, qui désigne ordinairement la ville. Il faut dire, au reste, que dans la source première, dans la fable en prose grecque, rien absolument, que le titre même, Asλpís ou Asλpós, ne peut déterminer si c'est d'un homme ou d'un dauphin qu'il s'agit.

sailles; elle forme le sujet du quatrain ccxvi de Benserade (xxxive de l'édition de 1677).

C'étoit chez les Grecs un usage
Que sur la mer tous voyageurs
Menoient avec eux en voyage
Singes et chiens de bateleurs 3.
Un navire en cet équipage *
Non loin d'Athènes fit naufrage 5.
Sans les dauphins tout eût péri®.
Cet animal est fort ami

De notre espèce: en son histoire
Pline le dit; il le faut croire.

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3. La fable en prose grecque et la fable de Faërne commencent de même que la nôtre. Elles ajoutent qu'on avait ces animaux лρòç παραμυθίαν τοῦ πλοῦ, navigationis in solatium. Au lieu de a chiens de bateleurs, » ce sont, dans la fable grecque, de petits chiens de Mélite voyez ci-dessus, p. 282, note 1.

4. A la place des mots : « en cet équipage, » qui peut-être manquent un peu de netteté, nous lisons dans les deux fables mentionnées à la note précédente qu'un des passagers avait avec lui un singe, un singe bouffon, » dit Faërne:

Cum morione navigabat Simio.

5. « Auprès du promontoire de Sunium, » disent la fable latine et la fable en prose grecque.

6. Chez Haudent, tous périssent en effet, hormis le Singe :

Ilz furent tous perduz, fors ceste beste.

7. Pline, Histoire naturelle, livre IX, chapitre VIII: Delphinus.... homini.... amicum animal.... Hominem non expavescit, ut alienum ; obviam navigiis venit, alludit exsultans, certat etiam, et quamvis plena præterit vela. Dans le reste du chapitre et dans le suivant, Pline rapporte à l'appui plusieurs exemples, entre autres celui d'Arion, dont notre poëte parle un peu plus bas. Pour le naturel et les mœurs du dauphin, comparez Aristote, Histoire des animaux, livre IX, chapitre xxxv (ailleurs XLVIII). - « Le fait est faux, dit Chamfort, mais c'est une tradition ancienne. D'ailleurs la Fontaine évite plaisamment l'embarras d'une discussion. >>

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Il sauva donc tout ce qu'il put.

Même un Singe en cette occurrence,
Profitant de la ressemblance,

Lui pensa devoir son salut :

Un Dauphin le prit pour un homme,
Et sur son dos le fit asseoir

Si gravement qu'on eût cru voir
Ce chanteur que tant on renomme".
Le Dauphin l'alloit mettre à bord,
Quand, par hasard, il lui demande :
Êtes-vous d'Athènes la grande ?

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Oui, dit l'autre; on m'y connoît fort:
S'il vous y survient quelque affaire,
Employez-moi; car mes parents
Y tiennent tous les premiers rangs :
Un mien cousin est juge maire'. »
Le Dauphin dit : « Bien grand merci1o;
Et le Pirée 11 a part aussi

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8. Arion, sur le point d'être assassiné par des matelots qui voulaient le dépouiller, se jeta à la mer, et fut sauvé et porté au cap Ténare par un dauphin qui l'avait entendu jouer de la lyre. Le plus ancien récit que nous ayons de cette histoire est celui d'Hérodote (livre I, chapitre XXIV). Plusieurs auteurs grecs et latins l'ont racontée après lui: voyez entre autres Plutarque (le Banquet des sept Sages, chapitre XVII); Ovide (Fastes, livre II, vers 83-118); Pline (livre IX, chapitre VIII); Aulu-Gelle (Nuits attiques, livre XVI, chapitre xix).

9. Il est bien entendu que le Singe décore son cousin d'un titre tout français. Juge maire, synonyme de juge mage ou maje (voyez le Dictionnaire de M. Littré), était, dans quelques-unes de nos provinces, le nom du lieutenant du sénéchal.

10. Ces trois derniers mots sont écrits ainsi dans toutes les éditions anciennes : Bien-grammercy. On trouve les deux derniers réunis de cette façon en un composé dans Marot, Pasquier, Montaigne, etc.

11. « Port d'Athènes qui fut bâti par les conseils de Thémistocle, à la suite de la guerre de Xerxès, c'est-à-dire une centaine d'années après le temps de Solon, de Cyrus et de Crésus, où l'on place com

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