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FABLE II.

CONSEIL TENU PAR LES RATS.

Abstemius, fab. 195, de Muribus tintinnabulum Feli appendere volentibus. - Faërne, fab. 47, Mures. – Robert (Fables inédites, etc., tome I, p. 99 et 100) cite en outre, d'après un manuscrit, malheureusement très-fautif, de la Bibliothèque nationale (no 7616), une fable latine anonyme en dix distiques, qui est intitulée de Muribus concilium contra Catum, et qu'il croit du quatorzième siècle.

Mythologia sopica Neveleti, p. 616.

Cette fable se trouve dans le Manuscrit de Sainte-Geneviève, où le titre est « le Conseil tenu par les Rats. »-- - Elle a été reproduite dans le Recueil de poésies chrétiennes et diverses, tome III, p. 359.

Voyez dans la xi leçon de M. Saint-Marc Girardin (tome I, p. 427-429) la comparaison de cette fable avec une scène du Cyclope d'Euripide, où les Satyres, qui composent le chœur, et qui d'abord, quand le danger était loin, s'offraient à l'envi pour enfoncer le tison ardent dans l'œil de Polyphème, ont tous peur et reculent (vers 623641), quand vient le moment d'exécuter, et finissent par se rappeler, disent-ils, << une chanson magique d'Orphée, qui fera que le tison ira de lui-même brûler l'œil unique du géant. » — Robert, dans son introduction, p. xxxvIII, parle du récit que lord Gray fit de cette fable aux barons écossais conspirant contre les favoris de Jacques III. « J'attacherai le grelot moi-même, » s'écria Archibald comte d'Angus, chef de la seconde branche des Douglas. Il saisit en effet, de sa propre main, le principal favori, Robert Cochrane; et après le succès de la conjuration, il reçut le surnom, qu'il garda toute sa vie, d'Attache-Grelot-au-Chat (Bell-the-Cat). Voyez l'Histoire d'Écosse racontée par un grand-père (sir Walter Scott) à son petit-fils, 1 série, chapitre XIX. Plusieurs manuscrits arabes de Calila et Dimna ont un chapitre supplémentaire, antérieur au douzième siècle, dans lequel se trouve un apologue, intitulé : le Roi des Rats et ses trois Conseillers. Cet apologue, qui a passé de là dans la traduction grecque de Siméon Seth, est analysé par Silvestre de Sacy, aux pages 61-63 de la Notice des manuscrits qui fait suite au Mémoire

historique placé par lui en tète de son édition arabe de Calila et Dimna; c'est jusqu'ici, à ce qu'il paraît, la plus ancienne version de cette fable où l'on ait trouvé le conseil d'attacher le grelot : voyez, à ce sujet, le Pantschatantra de M. Benfey, tome I, p. 605 et 606. Un Chat, nommé Rodilardus1,

Faisoit des rats telle déconfiture

Que l'on n'en voyoit presque plus,

Tant il en avoit mis dedans la sépulture.

Le peu qu'il en restoit, n'osant quitter son trou,
Ne trouvoit à manger que le quart de son sou*,
Et Rodilard passoit, chez la gent misérable,

Non pour un chat, mais pour un diable.
Or un jour qu'au haut et au loin3

Le galand alla chercher femme,

Pendant tout le sabbat qu'il fit avec sa dame,
Le demeurant des Rats tint chapitre en un coin
Sur la nécessité présente.

Dès l'abord, leur Doyen, personne fort prudente,
Opina qu'il falloit, et plus tôt que plus tard,
Attacher un grelot au cou de Rodilard";

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1. Ronge-lard. Ce nom, qui semblerait mieux convenir au rat qu'au chat, a été emprunté par la Fontaine à Rabelais, qui nous montre (livre IV, chapitre LXVII, tome II, p. 171) Panurge « égratigné des gryphes du celebre Chat Rodilardus. » — - Dans l'Ovide en belle humeur de d'Assoucy (livre I, fable 11), c'est également un nom de chat.

2. Les anciennes éditions écrivent ce mot les unes sou (entre autres 1678), les autres sou; le Manuscrit de Sainte-Geneviève : « säou ». 3. Nous trouverons un hiatus semblable au vers 16 de la fable suivante. Ces petites négligences ne sont pas rares chez notre poëte. 4. Chapitre, assemblée de chanoines, de religieux, capitulum (voyez les vers 27 et 28); tenir chapitre, être assemblés pour une délibération. La figure se continue aux vers suivants (14 et 20); le terme de Doyen est emprunté au même ordre d'idées. — Faërne dit (vers 1): Senatus murium. Dans Ysopet 1, les Souris font parlement, sont en concile.

5. Dans l'apologue arabe dont il est parlé à la fin de la notice de

Qu'ainsi, quand il iroit en guerre,

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De sa marche avertis, ils s'enfuiroient en terre;

Qu'il n'y savoit que ce moyen.

Chacun fut de l'avis de Monsieur le Doyen :
Chose ne leur parut à tous plus salutaire.
La difficulté fut d'attacher le grelot".

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L'un dit : « Je n'y vas point, je ne suis pas si sot;
L'autre « Je ne saurois. » Si bien que sans rien faire
On se quitta. J'ai maints chapitres vus,
Qui pour néant se sont ainsi tenus;

Chapitres, non de rats, mais chapitres de moines,

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cette fable, le premier des vizirs ouvre un avis bien autrement grave : c'est au cou de tous les chats qu'il conseille d'attacher des grelots. Le second vizir demande qui se chargerait de les attacher.

6. Dans le Manuscrit de Sainte-Geneviève : « ils s'en iroient. » 7. Dans une fable en ballade, sur le même sujet, d'Eustache Deschamps, écrivain du quatorzième siècle, dont Crapelet a publié un choix de poésies, la question directe :

Qui pendra la sonnette au Chat?

revient quatre fois, très-plaisamment, comme refrain (p. 188 et 189, édition Crapelet, Paris, 1832).

8. Voire, « vraiment, » se prend parfois au même sens que la locution a voire même. »

9. Il y a chapitre, au singulier, dans l'édition d'Amsterdam 1679.

10.

Carent periculosa consilia exitu. (FAERNE, vers 15.)

FABLE III.

LE LOUP PLAIDANT CONTRE LE RENARD

PAR-DEVANT LE SINGE.

Fables ésopiques de Camerarius, p. 187.

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- Phèdre, livre I, fable 10,

Lupus et Vulpis, judice Simio. Romulus, livre II, fab. 19, méme Dans la fable d'Ysopet 1, citée par Robert, le débat est entre le Renard et le Lièvre.

titre.

Mythologia sopica Neveleti, p. 395, p. 514.

Cette fable est dans le Manuscrit de Sainte-Geneviève, où elle a pour titre : « le Loup et le Renard plaidans (sic) devant le Singe. » Diogène de Laërte raconte, dans la Vie de Diogène le Cynique (chapitre vi, 54), que ce philosophe entendit un jour deux avocats, et les condamna tous deux, disant que l'un avait dérobé ce dont il s'agissait, et que l'autre ne l'avait pas perdu. De deux coquins qui s'entr'accusaient, Philippe, père d'Alexandre, condamna l'un à fuir de la Macédoine, et l'autre à le poursuivre : voyez Plutarque, Apophthegmes de Philippe, 12.

Un Loup disoit que l'on l'avoit volé :
Un Renard, son voisin, d'assez mauvaise vie,
Pour ce prétendu vol par lui fut appelé.

Devant le Singe il fut plaidé,

Non point par avocats', mais

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1. Phèdre dit de même (vers 7):

Uterque causam quum perorassent suam.

2. Et de vive voix, sans papiers, comme veut Rabelais : « Pantagruel leur dist: « Messieurs, les deux seigneurs qui ont ce proces « entre eulx sont ils encores viuans?» A quoy luy feut respondu que ouy.« De quoy diable donc (dist-il), seruent tant de fatrasseries de << papiers et copies que me baillez? N'est-ce le mieulx oüyr par « leur viue voix leur debat, que lire ces babouyneries icy, qui ne sont « que tromperies, cautelles diabolicques de Cepola et subuersions de

Thémis n'avoit point travaillé,

De mémoire de singe, à fait plus embrouillé.
Le magistrat suoit en son lit de justice *.
Après qu'on eut bien contesté,

Répliqué, crié, tempêté,

Le juge, instruit de leur malice,

Leur dit : « Je vous connois de longtemps, mes amis, Et tous deux vous paierez l'amende ;

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Car toi, Loup, tu te plains, quoiqu'on ne t'ait rien pris; Et toi, Renard, as pris ce que l'on te demande. »

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« droict? Car ie suis seur que vous et touts ceulx par les mains des« quels ha passé le proces y auez machiné ce qu'auez peu, pro et a contra: et au cas que leur controuerse estoit patente, et facile à « iuger, vous l'auez obscurcie par sottes et desraisonnables raisons « et ineptes opinions d'Accurse, Balde, Bartole, de Castro, de Imola, « Hippolytus, Panorme, Bertachin, Alexander, Curtius, et ces aultres « vieulx mastins, qui iamais n'entendirent la moindre loy des Pan« dectes. » (RABELAIS, Pantagruel, livre II, chapitre x, tome I, p. 255 et 256.)

3. La déesse de la justice, pour la justice même. nuscrit de Sainte-Geneviève, les vers 6 et 7 sont ainsi :

Il ne s'étoit point présenté,

De mémoire de singe, un fait plus embrouillé.

Au vers suivant, il a seoit (séoit), au lieu de suoit.

Dans le Ma

4. Ce mot désignait les séances solennelles où le Roi en personne venait présider toutes les chambres assemblées du Parlement, ordinairement pour leur dicter ses volontés; il s'appliquait, dans un sens plus étroit, au siége qu'occupait le Roi dans ces assemblées. C'est évidemment en ce dernier sens que la Fontaine l'entend.

Judex inter illos sedit Simius,

dit Phèdre (vers 6).

5. La première édition, 1668, in-4° et in-12, et la réimpression de 1669, ainsi que l'édition donnée en 1682 par Barbin, portent amande, qui est l'orthographe de Richelet et rime à l'œil avec demande. Celles de 1678 écrivent amende, comme l'Académie et Furetière. Le Manuscrit de Sainte-Geneviève porte, sans Et :

Tous deux vous payerez l'amande.

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